Nous sommes aujourd’hui le 21 janvier 2021. Il y a donc exactement 228 ans, le 21 janvier 1793 à 10 h 22 du matin que le roi Louis XVI était guillotiné à Paris sur la place de la Révolution. Cet endroit s’était d’abord appelé place Louis XV, puis place de la Révolution, avant de devenir notre actuelle place de la Concorde en 1795. Sur la gravure suivante on aperçoit d’ailleurs le socle de la statue déboulonnée.
L’exécution de Louis
XVI (collection particulière).
Cette date, 1793, importante dans notre Histoire de France, ne marque pourtant pas la fin de la Monarchie Française. Celle-ci est survenue par étapes. Louis le XVIème du nom est devenu Roy de France et de Navarre à l’âge de 20 ans par la mort de son grand père, le feu Roy Louis XV le 10 mai 1774. Les révolutionnaires lui ont retiré ce titre une première fois le 6 novembre 1789 pour ne lui laisser que celui de roi des Français. Et à la suite de l’attaque des Tuileries pendant l’émeute du 10 Aout 1792, ils l’ont aussitôt emprisonné au Temple et déchu de son dernier titre le 20 septembre suivant. Initialement, il était pourtant venu confiant demander à l’assemblée la protection qu’elle devait constitutionnellement lui offrir comme représentant le pouvoir exécutif.
Les plus enragés voulaient à tout prix une condamnation et une exécution de l’ancien monarque pour effacer tous les vestiges de l’ancien régime. C’était oublier qu’un nouvel ordre a peu de chance de rester stable, s’il a comme élément fondateur un crime politique. La culpabilité de ce meurtre Œdipien du père a laissé des traces dans notre inconscient collectif. Il constitue une des causes de certains comportements politiques collectifs, atypiques et paradoxaux que l’on trouve au sein de notre pays.
C’est dire si le jugement n’a pas été basé sur des preuves mais sur des suppositions, voire des combines, comme celle dite de l’armoire de fer. Les historiens modernes ont d’ailleurs démontré que certaines pièces étaient de faux documents fabriqués. Louis XVI une fois élimé, les montagnards auront désormais le champ totalement libre pour installer progressivement la Terreur qui sera la base de leur mode de gouvernement.
La
dernière entrevue de Louis XVI et de sa famille.
Le procès, dont le résultat était prévisible, aboutit naturellement à une condamnation à mort à la suite de votes successifs, qui s’échelonnèrent du 15 au 20 janvier 1793.
On n’accorda pas à « Louis Capet » le délai de 3 jours qu’il avait sollicité pour se préparer, on ne l’autorisa qu’à recevoir une dernière visite de sa famille.
Le 20 janvier au soir, le dîner fut servi à 19 heures. Puis Louis XVI reçut tout d’abord son confesseur avant de s’entretenir avec ses proches : la Reine Marie-Antoinette, son fils le dauphin Louis-Charles (futur Louis XVII), sa fille Madame Royale (future Duchesse d’Angoulême) et sa sœur Madame Élisabeth de France. Ceux-ci se retirèrent à 23 heures et le roi se coucha à minuit et demi.
Le lendemain matin le roi est réveillé à 5 heures par son valet de chambre Cléry. A 6 heures il assiste à la messe célébrée par son confesseur l’abbé Henri Edgeworth de Firmont et reçoit le Saint Viatique des mourants. A 8 heures, Antoine Santerre vient le chercher au Temple. Il est emmené dans la voiture à cheval du Maire de Paris Nicolas Chambon et quitte la tour du Temple à 9 heures. On se souvient que durant le trajet, Louis XVI, isolé de tout depuis des mois, demandera : « A-t-on des nouvelles de Monsieur de La Peyrouse ? » (navigateur parti en mission et jamais revenu).
Le cortège arrive sur la place à 10 heures 15 où a été construit l’échafaud, haut de 2 mètres, peint en rouge et entouré de 20 000 hommes de troupe. Et Louis XVI retire sa redingote marron, puis les aides du bourreau Henri Sanson lui coupent les cheveux, le col de la chemise puis lui lient les mains. Il donne alors son sceau portant les Grandes Armes de France à son confesseur pour le remettre à son fils, son alliance pour la donner à sa femme et son testament. Il ne conserve symboliquement que l’anneau du sacre.
Photo
d’un extrait du testament de Louis XVI.
Ce testament avait été rédigé quelques temps plus tôt le 25 décembre 1792. Les phrases les plus importantes sont évidemment les suivantes :
« Je pardonne de tout mon cœur à ceux qui se sont faits mes ennemis sans que je leur en ai donné aucun sujet et je prie Dieu de leur pardonner, de même que ceux qui par un zèle malentendu m’ont fait beaucoup de mal », et
« Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens, qu’il doit tout oublier, toutes les haines et tous les ressentiments ».
Mais l’ensemble du document révèle un grand chrétien qui fait montre d’une foi profonde et d’une rare élévation d’esprit. On comprend ainsi que pour être fidèle au serment de son sacre, il se soit toujours refusé à des répressions militaires contre ses sujets qui lui auraient pourtant permis de sauver sa vie et celle de sa famille. Cette âme si souvent décriée mériterait pourtant de figurer parmi celles des martyrs chrétiens.
Louis XVI s’avance alors en bord de la plate forme pour s’adresser à la foule :
« Je meurs innocent de tous les crimes qu’on m’impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe pas sur la France ».
Pour l’empêcher de poursuivre son ultime déclaration, on fait battre longuement les tambours qui couvrent ainsi sa voix. Peu après on entend le bruit sinistre du couperet retombant sur le socle. « Le Roy est mort,……….. ».
Le
tombeau de Louis XVI à la basilique de Saint-Denis.
Le corps de Louis XVI est emmené dans une charrette de bois et inhumé au cimetière de la Madeleine. On a pris la peine de l’enterrer plus profondément que les six pieds sous terre réglementaires (qui se sont perpétrés dans l’actuel 1,80 mètre) pour éviter les profanations, de le recouvrir de chaux, et de placer la tête à ses pieds. Des signes qui permettront d’identifier le corps plus tard.
En effet, à l’époque de la Restauration, son frère le nouveau Roy Louis XVIII, a fait placer les restes royaux à la basilique de Saint-Denis nécropole des rois de France et l’année suivante, a fait réaliser sa statue agenouillée sur un prie Dieu par le sculpteur Edme Gaulle.
Messe
de Requiem dite traditionnellement à la mémoire du Roy Louis XVI.
Depuis le début du XIXème siècle, il était d’usage dans certains milieux monarchistes de s’habiller en noir le jour du 21 janvier et surtout de n’organiser aucune réception mondaine ce jour là. Cette dernière tradition était respectée dans la haute société même non monarchiste, par souci de convivialité. Elle a survécu dans le fait de ne pas manger de galette des rois le 21 janvier !
Nous sommes aujourd’hui le 16 octobre (2020). Il y a exactement 227 ans, le 16 octobre 1793, peu après midi, que la reine Marie-Antoinette épouse du Roy Louis XVI était guillotinée à Paris, sur la place de la Révolution (actuelle place de la Concorde).
L’exécution de Marie-Antoinette (collection particulière).
Il s’agit d’une date significative, puisqu’elle marque le début d’une des plus douloureuses et sanglantes périodes de notre Histoire, dite de la « Grande Terreur ». Période qui prouve que la Convention Nationale n’est décemment pas l’ancêtre de notre République et de ses principes, mais au contraire le précurseur des régimes totalitaires, aussi bien fascistes que marxistes (qui ont ensanglanté le XXème siècle). Ce n’est d’ailleurs pas, soit dit en pensant, une des moindres fiertés de la France, que d’avoir pu s’en débarrasser elle-même assez rapidement le 9 thermidor de l’an II, alors que les autres ont eu besoin du désastre d’une guerre mondiale ou d’un long naufrage économique pour pouvoir le faire !
Pour nous Vendéens, cette date annonce aussi le début du martyre pendant La Guerre de Vendée, la bataille de Cholet ayant eu lieu le lendemain 17 octobre 1793.
Le procès de Marie-Antoinette le 15 octobre.
Le procès et l’exécution pourraient faire l’objet de plus longs développements. Contentons nous de souligner le cynisme particulier de Robespierre. En effet, celui-ci savait que la « Veuve Capet » était atteinte d’un cancer, qui avec ses nombreuses pertes de sang ne lui laissait que deux mois à vivre environ. Aussi, il l’a fait soigner par son propre médecin et a parallèlement accéléré la tenue du procès. Sans oublier qu’il avait payé des comédiens pour insulter Marie-Antoinette sur son passage, de peur que la foule soit émue par le spectacle. Celle-ci est d’ailleurs restée silencieuse.
Le
chapelet utilisé par Marie-Antoinette à la prison de la Conciergerie.
(Collection
Particulière)
La reine avait, par avance, répondu à toutes les humiliations qu’on a voulu lui infliger, dans la dernière lettre qu’elle a écrit à sa belle-sœur Madame Élisabeth :
« C’est à vous, ma sœur, que j’écris pour la dernière fois. Je viens d’être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l’est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère….… J’ai un profond regret d’abandonner mes enfants, vous savez que je n’existais que pour eux. Recevez pour eux deux, ici, ma bénédiction….. »
Lucien AMIAUD n’est pas le premier photographe vendéen (c’est peut-être Jules Robuchon), ni la première personne à avoir édité des cartes concernant le département (c’est Daniel Neurdein de Paris « ND Phot » en 1893). En revanche il est le premier photographe vendéen à avoir édité des cartes postales, et ce en 1897.
Les
décorations figurant au verso des photos faites par Émile
Amiaud le père et Lucien Amiaud le fils.
Il est issu d’une famille de La Roche-sur-Yon, son grand-père a exercé les professions d’aubergiste et de couvreur dans cette ville. Son propre père (Charles) Émile Amiaud (1848-1922,) après avoir fait son apprentissage de photographe chez Benjamin Troler rue de Bordeaux, s’était installé à son compte en 1866, âgé seulement de 18 ans. Son atelier se trouvait primitivement au N° 8 puis au N°10 de la rue Lafayette (en face du Manège pour les chevaux), rue parallèle à la rue des Sables (actuelle rue Georges Clemenceau) à peu de distance de l’Hôtel de Ville. L’année suivante, en 1857, il avait épousé Louise Merlaud.
Lucien Paul Émile AMIAUD est leur fils aîné et il naît le 9 décembre 1873 à La Roche-sur-Yon. Il aura par la suite deux frères et une sœur : Émile (1875-1921) peintre décorateur, Louise qui épouse Louis Dedieu (1876- ?) et René (1889-1968) photographe aux Sables-d’Olonne.
Acte
de naissance de Lucien Amiaud (Archives Municipales).
Lucien Amiaud fait ses études primaires puis secondaires à l’Institution catholique dite de Mirville qui était située sur l’actuel Boulevard des Belges (elle a été remplacée ensuite par le collège Richelieu, qui a lui-même déménagé plus tard au Bourg-sous-la-Roche).
Il restera toujours très attaché à cet établissement où il reviendra en 1900 pour faire un premier reportage photo assez complet (façades, réfectoire, ateliers, recréation, musique etc…). Il y retournera l’année suivante pour de nouveaux clichés sur les spectacles scolaires et les élèves acteurs. Il en tirera deux séries de cartes postales : 341 à 350 d’une part et 380 à 397 d’autre part.
Le Réfectoire de
l’Institution Mirville (N°345).
Vraisemblablement après le brevet, en 1888 à l’âge de 15 ans, Lucien Amiaud entre en apprentissage de photographe chez son père. Il s’y fait immédiatement remarquer par son aptitude et son intérêt pour le métier. Aussi son père lui confie rapidement des responsabilités. Comme ce dernier à deux succursales, l’une aux Sables-d’Olonne et l’autre à Luçon il y envoie régulièrement son fils. Ainsi, en 1891 à l’âge de 18 ans, il lui confie celle des Sables durant la saison d’été. Il s’en sort parfaitement bien sur le plan professionnel mais, ce que son père n’avait pas prévu, il fait la connaissance d’une jeune fille de 17 ans « gagée » comme domestique : Marie (Philomène) Vincent. Ils se sont souvent revus, si bien que la jeune fille attend bientôt un enfant. Il va aller naître dans la discrétion chez les propres parents de sa mère, à Mareuil-sur-Lay, le 8 mars 1892, sous le nom de Maximin Vincent. Il n’est pas sûr que la famille Amiaud ait été alors réellement mise au courant de l’évènement.
Pour Lucien, il est temps de penser aux affaires militaires. Lors du Conseil de Révision de 1893, il est jugé apte mais dispensé comme exerçant un métier artistique, celui de lithographe. Mais il est tout de même incorporé le 13 novembre 1894, année de sa majorité. Toutefois, son métier intéressant l’armée, il est incorporé au 93ème régiment d’infanterie à la caserne du château (actuelle cité Travot) à La Roche-sur-Yon (c'est-à-dire à moins d’un kilomètre de son domicile). Ce qui lui permettra d’avoir facilement des permissions et de retrouver sa petite amie. Il a terminé la période principale de son service militaire le 24 septembre 1895, mais il est appelé ensuite plusieurs fois pour des périodes d’exercices et notamment du 28 août au 19 septembre 1897. Et c’est durant ce temps que surgit un problème.
Sa petite amie se trouve de nouveau enceinte en 1897 ; mais cette fois-ci la famille Amiaud va prendre les choses en main. Marie Vincent vient accoucher à La Roche-sur-Yon le 8 septembre 1897 d’un fils dénommé Lucien Louis Robert Amiaud, car son père, âgé de 24 ans et désormais majeur, a pu le reconnaître. Toutefois la famille, qui excluait déjà le mariage quand ils étaient mineurs, le refuse toujours, selon l’expression de l’époque pour « inégalité de situation ». Lucien, dépendant encore financièrement de ses parents, doit s’incliner.
Il est finalement démobilisé peu après, en novembre 1897.
Dans la cour de la Caserne de La Roche. (Photogravure L.
Amiaud N°84).
Il va conserver ensuite de nombreux liens avec la caserne et ses soldats. Ce qui explique qu’on retrouve régulièrement les différents aspects de la vie militaire dans ses clichés : aux numéros 04, 84, 229, 230, 298, 491, 499, 1628, 2351, 2373, 2374, 2400, 2406. Il immortalise ainsi : les parades dans la caserne à La Roche, l’arrivée des marches, le retour des exercices de tirs, le camp de manœuvres aux Sables etc…
Dès son retour à la vie civile, il recommence à travailler avec son père et dans les locaux de ce dernier, mais il s’est lancé à titre personnel et depuis le début de l’année dans l’édition de cartes postales. On peut dater ses premières réalisations et donc les premières cartes postales vendéennes de 1897. Il est probable qu’il en avait eu l’idée pendant son séjour à la caserne en voyant, dans le courrier, apparaître ces petits cartons venant d’autres départements.
Cette mode, qui consiste à mettre une illustration sur une petite partie du recto des cartes de correspondance, est venue d’Autriche et a commencé à se développer en France, timidement d’abord, après l’exposition universelle de 1889. A l’époque toute la partie verso était réservée à l’adresse. Le cliché n’occupait que le franc canton du recto, c'est-à-dire le quart en haut à gauche. Les trois quarts restants du même recto étaient utilisés par la correspondance. Ce type de cartes postales, parmi les plus anciennes, sont appelées « Cartes précurseurs en nuage » par les collectionneurs.
La Préfecture de La Roche-sur-Yon en 1897
(sans N°).
Sur ces premières cartes postales, le cliché est assez discret. Il porte le nom de l’éditeur sur le côté gauche écrit en tout petits caractères : « Photo-gravure, Lucien Amiaud, Roche-sur-Yon ». De 1897 à 1900 environ, il n’y a pas encore de numéro. C’est pour pouvoir classer et retrouver facilement les négatifs sur plaques de verre glissés dans des boites en bois aménagées, que les photographes se sont mis dans un deuxième temps à les numéroter.
L’exemplaire ci-dessus représentant la Préfecture de La Roche-sur-Yon en a été une des premières réalisations. Le cliché a été pris en 1897 et la carte a été postée en mars 1898 (par un collectionneur, déjà !).
L’ancienne
église de Belleville-sur-Vie (sans N°, postée en 1900).
Un des principaux intérêts des œuvres de Lucien Amiaud, en début de carrière, est de nous apporter parfois les seules images d’édifices disparus. Par exemple :
- La chapelle des Ursulines à La Roche (N°6),La carte postale reproduite ci-dessus figure également parmi les premières. Elle a été éditée en 1898 et expédiée par la poste en 1900. Elle ne porte naturellement pas de numéro, mais elle a ensuite été rééditée en 1900 et porte cette fois-ci l’inscription « Photogravure, L. Amiaud, Roche-sur-Yon, N° 82 ».
Le Remblai des Sables-d’Olonne
en 1865 (N°183).
Pour éditer certaines cartes, il utilise parfois des plaques qui sont beaucoup plus anciennes. Ainsi, par exemple, l’image reproduite ci-dessus a été obtenue grâce à un négatif qui a du être pris par son père trente ans plus tôt. En tous cas, cette carte porte la nouvelle appellation avec le numéro (183). Elle est très intéressante car elle a été prise à l’emplacement du Remblai des Sables-d’Olonne qui n’existe pas encore vraiment.
L’inauguration
de la statue de Luneau (N°155).
Dès le début de sa carrière Lucien Amiaud n’a pas voulu se contenter de photographier des édifices, des rues ou des personnalités, il s’est au contraire également affirmé comme le reporteur des évènements locaux.
Le 22 mai 1899 il va immortaliser l’inauguration de la statue élevée à la mémoire de Sébastien Désiré Luneau, ancien député de la Vendée et considéré par ses dons comme le bienfaiteur de l’enseignement primaire public. La statue, réalisée par Victor Falcondis professeur au lycée, est élevée dans la cour d’honneur de l’École Normale d’Instituteurs (au N° 156 de l’actuel boulevard Louis Blanc).
Son cliché (N°155) représente en fait la rencontre des personnalités, Préfet et Officiers militaires avant l’inauguration proprement dite. On remarquera que sur cette photo, comme sur la précédente, l’image occupe de plus en plus de place au détriment de la correspondance. Durant cette période autour des années 1900, Lucien Amiaud utilise pour ses tirages alternativement du papier légèrement beige, rosé ou vert comme sur l’exemple ci-dessus.
L’entrée du Port des
Sables-d’Olonne (N°114).
De toutes les cartes postales qu’il a éditées, certaines ont eu plus de succès que d’autres. On peut le savoir facilement car à l’époque, la réalisation étant manuelle, il en tire seulement au fur et à mesure des besoins commerciaux. La carte qu’il a constamment réédité et donc qu’il a le plus vendu est la Numéro 114 reproduite ci-dessus. Avec le port et la tour d’Arundel, elle symbolise parfaitement les Sables-d’Olonne et les deux bateaux à voile font rêver. Ce sont peut être les raisons de son succès.
Erreur
de tirage de La Place
Napoléon à La
Roche-sur-Yon (N°26).
Si les cartes postales produites par Lucien Amiaud sont en général de grande qualité, il lui arrive, à lui aussi, de faire des erreurs, à moins que ce ne soit son fils en apprentissage ! Sur le document reproduit ci-dessus et représentant la place Napoléon à La Roche-sur-Yon vue de l’Eglise Saint Louis, le kiosque à musique situé devant l’hôtel de ville devrait se trouver logiquement à gauche. Or, en fait, curieusement, il est ici à droite. Ce qui prouve que le photographe a commis l’erreur de mettre sa plaque à l’envers. Cette dernière a ainsi perdu beaucoup de netteté. La carte a quand même été mise en vente, mais peu d’exemplaires ont été achetés, ce qui fait qu’elle est difficile à trouver par les collectionneurs aujourd’hui.
Comme Lucien Amiaud vient souvent aux Sables-d’Olonne pour des raisons professionnelles, il photographie aussi des Sablaises en costume traditionnel. Il le fera même de plus en plus au fil des années. Alors qu’à cette époque les photos sont toutes réalisées en noir et blanc, il est le premier à les coloriser à l’aquarelle dès 1901 (méthode qui sera à la mode plus tard, mais seulement dans les années 1950).
Carte
colorisée de deux Sablaises (N°102) et une
Sablaise à sa toilette (N°370).
On se souvient qu’il avait reconnu son deuxième enfant en 1897, mais sous la pression de ses parents il n’avait pas épousé la mère. Six ans plus tard, il n’était plus aussi dépendant financièrement de ses parents et à chaque passage aux Sables-d’Olonne il revoyait Marie Vincent. Et une nouvelle fois elle allait se retrouver enceinte. Avoir un troisième enfant sans être marié, à l’époque, cela faisait vraiment beaucoup et dépassait largement les convenances. La Chaume était pourtant le bourg le plus tolérant de Vendée à ce sujet, sans doute à cause des longues absences des marins partis en mer.
Toujours est-il qu’ils décident donc de se marier tout de suite. La cérémonie a lieu le 15 juin 1903 aux Sables-d’Olonne, à la mairie annexe de La Chaume. Et le marié en profite pour reconnaître le premier enfant Maximin Vincent qui devient ainsi Maximin Amiaud. La famille Amiaud de La Roche-sur-Yon a marqué sa désapprobation en n’assistant pas à la cérémonie ; mais une réconciliation aura lieu plus tard.
Le 8 juillet 1903, Lucien quitte l’entreprise familiale de La Roche et s’installe à son compte aux Sables. L’enfant attendu naît le 17 octobre 1903 chez ses parents, installés alors chemin Saint-Antoine à La Chaume. Elle reçoit les prénoms de Louise Fernande Marie Henriette. D’ailleurs, le cliché de droite ci-dessus représenterait, parait-il, Madame Amiaud chez elle à La Chaume.
Photographie
de Lucien Amiaud et La
rue de l’Hôtel de Ville aux Sables.
Il a tout d’abord installé son atelier et son magasin à La Chaume, mais il comprend vite que pour faire des affaires plus fructueuses, c’est aux Sables-d’Olonne qu’il faut être présent. Il transporte donc ses locaux dans cette ville, en essayant de se rapprocher du centre. Il trouve finalement une adresse plus prestigieuse, 18 rue de l’Hôtel de ville, dans une rue commerçante en face de la Mairie. C’est cette rue que représente la carte ci-dessus à droite, réalisée par un collègue. Le magasin Amiaud y est visible au premier plan à gauche.
Il continue bien entendu son activité de cartes postales mais l’appellation « Photogravure Lucien Amiaud -- Roche-sur-Yon » qui était arrivée aux alentours du numéro 568, a fait place à l’inscription « Collection L. Amiaud, Sables-d’Olonne ». La production totale de cartes postales aux Sables ira jusqu’à dépasser le numéro 8000. Toutefois on retrouve moins désormais le souci de sortir un document pouvant servir l’Histoire et d’avantage des préoccupations commerciales.
Peu de temps après son installation aux Sables, en décembre 1903, une instruction du Ministre des Postes va bouleverser l’aspect des cartes. Désormais l’image occupera tout le recto et le verso sera divisé en deux parties : celle de gauche pour la correspondance et celle de droite pour l’adresse. Les cartes postales d’avant cette date sont dites anciennes et les suivantes (1903-1914) appartiennent à « l’âge d’Or ».
Une vieille maison de
Montaigu (N°225) et Le grand café aux
Sables (cliché vendu) à un collègue.
Durant sa carrière de photographe éditeur, il a été amené à croiser et à collaborer avec plusieurs de ses collègues du département. Il a rencontré Eugène Poupin de Mortagne-sur-Sèvre en 1901 à Montaigu. S’agissait-il d’un rendez-vous ou d’une rencontre fortuite lors d’un reportage ? En tous cas ils ont décidé de marquer cette journée, non pas d’une pierre blanche mais d’une photo évidemment. Sur celle-ci faite par Lucien Amiaud (ci-dessus à gauche) et censée représenter une maison, Eugène Poupin pose assis sur une borne à gauche au premier plan. Cette même photo figurera dans la collection Amiaud sous le N° 225 et dans celle de Poupin sous le N°232.
L’autre cliché, ci-dessus à droite, est amusant. Il a été vendu à un collègue mais en le regardant bien on aperçoit dans la glace Amiaud en train de faire le cliché.
Après son départ de La Roche pour Les Sables en 1903, Lucien Amiaud va vendre à ses collègues des plaques dont il ne désire plus assurer lui-même la commercialisation. Ainsi par exemples les cartes de :
- Montaigu vue de Mirville (Amiaud 222) va devenir (Poupin 207)Le
château du Bois-Lambert aux Moutiers-les-Mauxfaits (G.M.L.A.).
Jard-sur-Mer, le
moulin et le calvaire de La
Croix (N°4016).
Son fils Maximin étant en apprentissage avec lui, à la belle saison, ils partent ensemble faire des reportages photographiques au sud des Sables-d’Olonne. Ils y vont à bicyclette, à moins qu’ils utilisent la ligne de tram Les Sables - Talmond - Champ-Saint-Père pour effectuer une partie du trajet. Comme son fils est avec lui, c’est ce dernier qui prend le cliché et son père est ainsi visible sur la photo et parfois mis en scène. Nous avons de cette manière une sortie en 1907 à Talmond (N° 2161, 2162, 2163, 2164 et 2165), puis la même année à Avrillé (N°2857, 2858 et 2866) et enfin en 1910 à Jard-sur-Mer (N° 4016, 4046, 4047 et 4049). C’est sur le cliché 4016 qu’il est visible, en train de conduire sa bicyclette.
Le château de la Jousselinière à
Chaillé-les-Ormeaux (N°2090).
Cédant une mode de cette époque, au cours de l’année 1905, il commence à ajouter des inscriptions manuscrites sur ses négatifs et même des motifs décoratifs. La carte postale reproduite ci-dessus et représentant le château de la Jousselinière dans la commune de Chaillé-les-Ormeaux (N°2090) est peut-être un des exemples les mieux réussis de cette pratique. Cette dernière doit quand même avoir connu un certain succès, car on retrouve encore aujourd’hui de nombreuses cartes de ce modèle. Au milieu de l’année 1906, il renonce définitivement à ce procédé.
L’incendie de la rue
Fénelon à La Roche-sur-Yon
en 1906 (N°2106).
Comme nous l’avons déjà dit, Lucien Amiaud a toujours tenu à être le photographe des évènements. Aussi quand il a appris qu’un grave incendie était en train de ravager un entrepôt d’épicerie à l’angle des rues Fénelon et de Saumur à La Roche-sur-Yon dans la nuit du 9 au 10 janvier 1906, il s’est dépêché de venir sur place. Cela nous a valu une série de cartes postales : N°2104, 2105, 2106, 2107 et 2108.
Manifestation
lors des Inventaires à l’église d’Olonne en 1906 (N°2110).
De la même manière il a réalisé une carte postale représentant les manifestations des catholiques opposés aux Inventaires des Églises faits par les services de l’État. Ce cliché unique a été pris à Olonne-sur-Mer en 1906.
En revanche il n’a pas fait de cartes postales, mais toute une série de photos sur une autre affaire politique dont ont été victimes les catholiques de l’époque : l’expulsion des congrégations enseignantes, comme celle des rédemptoristes aux Sables-d’Olonne (église Saint Michel).
Un
Magasin de Cycles à La
Mothe-Achard (N°2290).
Intéressé par les techniques considérées comme d’avant-garde à l’époque, il est venu photographier en 1906 un magasin de la Mothe-Achard qui vendait et réparait des engins tout à fait improbables : une bicyclette avec un moteur, une espèce de tricycle motorisé, une automobile sans chevaux mais avec sièges en vis-à-vis. Il a ainsi produit deux cartes N° 2289 et 2290.
A partir de 1909 il décide de changer l’appellation de son entreprise sur ses cartes et inscrit désormais à la place « Nouvelle Collection Lucien Amiaud, Les Sables-d’Olonne ». Il gardera cette nouvelle dénomination jusqu’à la fin de sa carrière d’éditeur. Toutefois il n’interrompt pas sa numération qui se situait aux alentours de 3000, il la poursuit comme si de rien n’était.
C’est dans ce cadre qu’a été faite la vue des inondations de la Tranche-sur-Mer en décembre 1911 (4423) qui est reproduite ci-dessous. Pour cet évènement malheureux il a, en fait, créé toute une série de 10 cartes (N°4415 à 4424). Il avait déjà auparavant fait des reportages sur les inondations à La Roche-sur-Yon en février 1906, puis au Poiré-sur-Vie et à Saint-Mathurin en octobre 1909 (N° 2971 à 2976)
Les inondations à la Tranche-sur-Mer en
1911 (N°4423).
Comme des millions de français, le 3 août 1914, Lucien Amiaud doit interrompre ses activités professionnelles et partir à la guerre. Il est rattaché au 93ème régiment d’infanterie de La Roche-sur-Yon avec le grade de Sergent. Il restera sur le front français jusqu’au 24 octobre 1916, date à laquelle il est transféré sur le front d’Orient jusqu’au 4 juin 1918. Il revient alors sur le front combattant de Est jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918. Toutefois il ne rejoindra son foyer que le 9 janvier 1919.
Rentré aux Sables-d’Olonne, il reprendra son atelier et son magasin, photographiera en intérieur, continuera à vendre des cartes postales, mais ne repartira plus en reportage pour en produire de nouvelles. On ne lui connaît donc pas de cartes de couleur marron des années 1920-1930.
Ses enfants vont perpétrer les traditions familiales. L’aîné, Maximin Amiaud (1892-1958), sera photographe à Saint Gilles-Croix-de-Vie. Il fondra à cet endroit une véritable dynastie de photographes puisque son propre fils Lucien et son petit-fils Daniel prendront sa succession. Le cadet, Lucien Amiaud (1897-1942), en se mariant en secondes noces avec Berthe Auguin en 1922, s’installera comme photographe à Chantonnay rue de Bordeaux.
Photo
de mariage faite par Lucien Amiaud (fils) à Chantonnay vers 1930.
Mais parallèlement, le dernier fils de Charles Émile, c'est-à-dire un cadet de Lucien, René Amiaud (1889-1968) est devenu également photographe. Il s’est installé aux Sables-d’Olonne sur le remblai au numéro 64 du quai Georges Clemenceau. Il aura beaucoup de succès en prêtant des costumes à ses clients pour les photographier en sablaise ou en marin.
Ce sont donc six générations de Amiaud qui, à partir de 1866 jusqu’à aujourd’hui, ont de cette manière immortalisé leurs concitoyens et La Vendée pendant plus de 150 ANS.
Chantonnay le 12 octobre 2020.
Bien avant que l’on emploie les termes actuels de « dérèglement climatique » ou de « réchauffement de la planète », La Vendée a été victime d’un certain nombre d’inondations tout à fait catastrophiques au début du XXème siècle.
Elles sont restées célèbres grâce aux véritables reportages réalisés par les photographes de l’époque et éditées sous forme de cartes postales qui sont parvenues jusqu’à nous. Aux alentours de 1900, il était en effet fréquent de faire des séries de cartes pour toute sorte de grands évènements qui intéressaient le public. Une habitude qui est aujourd’hui totalement passée de mode. Il y a à cela plusieurs raisons :
Les cartes postales étaient donc très recherchées comme une documentation inégalée, en même temps qu’elles restaient un moyen de communication facile avec les amis ou la famille éloignée. Ces moyens ont été, en à peine plus d’un siècle, très largement dépassés.
1. Vue générale de l’Inondation de l’Yon en 1906
Dans le domaine qui nous intéresse ici même, les premières cartes postales dont nous disposons concernent la crue de la rivière l’Yon en Février 1906. Ce fait n’était d’ailleurs pas vraiment exceptionnel. Cette rivière, qui traverse la ville de La Roche-sur-Yon, a plusieurs fois inondé les parties basses du quartier d’Ecquebouille, le lavoir, les jardins potagers et quelques habitations dont il a fallu évacuer les habitants. La première carte postale ci-dessus a été réalisée par le célèbre photographe yonnais Paul Dugleux (rue Paul Baudry) N°424 de sa collection « La Vendée Pittoresque » GMD.
2. L’évacuation des habitants lors de la Crue de l’Yon.
Plusieurs photographes locaux ont tenu à immortaliser la même scène que celle représentée sur la carte ci-dessus. Celle-ci nous est apparue comme la plus explicite sur le sujet. Elle a été réalisée par Lucien Amiaud, le premier en date des éditeurs Vendéens, yonnais d’origine, installé depuis son mariage en 1903 aux Sables d’Olonne. Ce cliché a été pris depuis le pont du boulevard de l’Est (actuel boulevard des Italiens). Les services de secours ne disposant pas de moyens de sauvetage, les voisins ont bricolé un système approximatif pour pourvoir évacuer leurs compatriotes. Une échelle a été posée horizontalement pour servir de pont et repose d’un côté entre les barreaux d’une autre échelle et de l’autre sur une chaise.
3. Les Inondations au pont de Rocheservière en 1909.
La situation était tout autre dans le Centre Nord du département de la Vendée le 27 Octobre 1909. Voici d’ailleurs ce qu’en disent ceux qui relatent l’évènement quelques années plus tard :
« La crue d'octobre 1909 est l’une des plus marquantes en Vendée. Malgré son ancienneté, elle reste présente dans l’esprit collectif. Les témoignages se sont transmis à travers les générations, notamment sur l’ampleur exceptionnelle des dégâts occasionnés. Il n’y a aucune description de l’événement météorologique ou de la pluviométrie, hormis les témoignages de l’époque : « Orage épouvantable…, la pluie torrentielle n’a cessé entre minuit et 4 heures du matin ». Les pluies se sont concentrées sur le nord du département de la Vendée ; les fortes crues concernent les bassins de la Vie, de l’Auzance et du Lay. Le bassin de la Sèvre Niortaise n’est pas ou peu touché. Les plus hautes eaux sont datées du 26 octobre. Les dégâts matériels sont particulièrement marquants : « vallées inondées, routes et ponts coupés, maisons écroulées ». Les ponts de la région ont été quasi-systématiquement emportés ou fortement endommagés. Sur le bassin de la Vie, sur six communes, six ponts et un aqueduc sont à reconstruire ou réparer… »
Les intempéries avaient été précédées d’un cyclone dans la nuit du 26 au 27 octobre 1909 et ont consisté en plus de quatre heures de pluie incessantes absolument torrentielles. Ce sont les cantons du Poiré-sur-Vie, Rocheservière et Palluau qui ont le plus souffert dans l’ensemble du département de la Vendée. .
4. La Place des Halles inondée le lendemain 27 octobre 1909.
L’avant-dernière carte postale (N°03) nous présentait un groupe d’habitants devant la rivière la Boulogne, sortie de son lit, près du viaduc et menaçant gravement les premières maisons de Rocheservière (il existe une autre carte du même genre prise quelques instants plus tard, approximativement au même endroit).
Le document ci-dessus, pris place des halles est également l’œuvre du photographe local Henri Moreau de Rocheservière. Il nous montre cette fois-ci : - les habitants contemplant l’inondation, - les échelles posées sur les maisons qui ont servi pour l’évacuation des habitants réfugiés au premier étage - et une petite charrette qui précisément est utilisée pour le déplacement des sinistrés.
La photo ci-dessous a été faite dans les mêmes circonstances et par le même photographe. On y aperçoit une scène à peu près identique un peu plus loin dans la rue principale. A cet endroit, il ne semble pas que l’eau ait encore inondé l’intérieur des maisons. On retrouve la petite charrette servant aux évacuations.
5. Les inondations de Rocheservière dans la rue Principale
La commune du département qui a été la plus touchée par les intempéries est vraisemblablement celle du Poiré-sur-Vie, le même jour 27 octobre 1909.
A cet endroit, l’évènement le plus tragique a eu lieu à proximité du pont de la route d’Aizenay construit sur la rivière le Ruth. Madame Bourmaud, une dame impotente, a péri noyée, mais ses deux filles ont été sauvées par le docteur Lucas qui a pu les ramener à la nage malgré le courant violent. Cette carte postale (N° 2972) nous montre leur petite maison, située tout au bord de la rivière et complètement éventrée par la crue (Cf. illustration ci-dessous).
6. Les inondations au Poiré-sur-Vie : la maison effondrée.
A la suite du cyclone du 26 octobre 1909, les pluies ont été tellement importantes que les rivières avec un courant très fort ont charroyées des débris. Les cours d’eau ont alors fait pression sur les ponts en pierre et ont provoqué la destruction de 18 d’entre eux, dont 4 dans la commune du Poiré-sur-Vie.
La carte postale suivante (N°2973) nous présente le pont de la route conduisant à Palluau, au lieu dit la Braconnerie. Tout au moins ce qu’il en reste, c'est-à-dire pratiquement rien : la rivière La Vie a tout emporté. Les rails de la ligne du chemin de fer à voie étroite (le tram) qui circulait dessus sont restés suspendus en l’air.
7. Au Poiré-sur-Vie, le pont écroulé de la route de Palluau.
Ces deux cartes postales précédentes et les trois suivantes sont toutes l’œuvre de Lucien Amiaud dont nous avons parlé plus haut. Il en a d’ailleurs consacré très exactement six à ce sujet (Numérotées 2971 à 2976).
Sur la suivante (N°2974) on peut voir les vestiges d’une des arches du pont de la route conduisant du Poiré à Aizenay. Le cliché a été pris de l’autre côté de la rivière le Ruth près de la maison de Tenailleau.
8. Au Poiré-sur-Vie, les vestiges du pont de la route d’Aizenay.
Appartenant toujours à la même série datant de 1909 (N° 2975), la carte postale ci-dessous nous présente cette fois la route du Poiré aux Lucs-sur-Boulogne, qui n’a rien à envier aux autres puisqu’elle a, elle aussi, perdu son pont enjambant la rivière La Vie. On y remarque la présence des ingénieurs de Ponts et Chaussées venus constater l’ampleur des dégâts et envisager les reconstructions qui s’avèrent indispensables.
9. Les ingénieurs venus constater les dégâts.
Cette dernière carte représentant les inondations du Poiré-sur-Vie en 1909 (N°2971) a beau porter un numéro qui sous-entend une réalisation antérieure aux autres, en fait il n’en est rien, bien au contraire. Le cliché n’a pas été pris le même jour mais quelques semaines plus tard. On y reconnaît le pont de la route d’Aizenay, aperçu tout à l’heure, avec le vestige de son arche. Une passerelle provisoire en bois a été construite par les Ponts et Chaussées pour permettre le passage en attendant la reconstruction en dur d’un nouveau pont.
10. La passerelle provisoire établie sur la rivière le Ruth.
Palluau, le canton voisin, a lui aussi été touché par de graves intempéries à la même date. Dans la commune d’Apremont, le grand pont situé sur la rivière La Vie aux pieds du château et qui permettait le passage de la route de Challans à Coëx, a été lui aussi très gravement endommagé.
Cette carte postale a, cette fois-ci, été réalisée par Émile Boutain de Croix-de-Vie. Outre les vestiges du pont éventré, elle nous montre les habitants traversant en barque. La construction d’une passerelle provisoire en bois puis d’un nouveau pont donnera lieu à l’édition de nouvelles cartes postales.
11. Le pont d’Apremont en partie détruit par la crue.
Si les cantons du Centre Nord Vendéen sont ceux qui ont subi le plus de dommages, ils n’en sont pas pour autant les seuls. Revenons au récit déjà cité au début de cet article :
« Sur le bassin de l’Auzance, dans le canton de la Mothe-Achard et aux alentours, l’affluent la Ciboule emporte 17 ponts et en endommage un autre, de nombreuses routes sont coupées. L’Auzance détruit un pont sur la route départementale n°57 et un autre sur la route départementale n°21 dont il est précisé que l’eau a submergé le parapet. Plus au sud, sur le bassin du Lay, on ne relève que des inondations dans la partie basse de la ville de Talmont. »
Justement Lucien Amiaud a consacré la sixième et dernière carte de sa série (N° 2976) à la commune de Saint-Mathurin (Cf. ci-dessous) dans la même journée du 27 octobre 1909. On peut y voir l’emplacement du pont qui était situé sur la rivière La Ciboule et sous la Route Nationale 160 La Roche-sur-Yon aux Sables d’Olonne (actuelle RD 160), près du lieu dit la Millière. A proximité, la rivière l’Auzance avait aussi coupé, entre autres, le pont de la route allant de Saint-Mathurin à Vairé.
12. Le pont détruit sur la RN 160 à Saint-Mathurin.
Le photographe Lucien Amiaud, décidément « spécialiste » des inondations, a consacré une autre série de 10 cartes postales (N° 4415 à 4424) aux inondations que la commune de la Tranche-sur-Mer a subies en décembre 1911.
Cette série a toutefois connu un succès commercial moins important que la précédente, sans doute parce que les images étaient moins spectaculaires. Il y montre successivement : - Une voiture en panne sur la route (N°4418) – La route d’Angles coupée (N°4419), - Les jardins sous l’eau (N°4420), - Les Tranchais fuyant devant le fléau (N° 4422), - Un habitant essayant de sauver les récoltes (N°4423), - Une voiture surprise par l’inondation sur la route d’Angles (N° 4424), - Les soldats du 93ème réalisant des travaux de défense de la digue (N° 4415, 4416, 4417 et 4421).
Ces inondations n’étaient pas de même nature que celles de 1909 dans le Nord Vendée. A la Tranche-sur-Mer elles étaient relativement fréquentes l’hiver car le fleuve Le Lay inondait les marais. Celles de décembre 1911 ont été particulièrement importantes car elles se sont conjuguées avec des attaques de la mer pendant une grande marée.
La carte postale reproduite ci-dessous est la N° 4423. Sa légende nous indique qu’il s’agirait d’un « Tranchais sauvant les récoltes ». Il y avait peu de récolte à sauver au mois de décembre ! En fait il s’agit du sacristain, un personnage local original, connu pour partir à la mer pieds nus en toutes saisons.
13. Un habitant de la Tranche essayant de sauver sa récolte.
Lors de ces inondations de 1911, les soldats, effectuant leur service militaire au 93ème régiment d’infanterie cantonné à La Roche-sur-Yon, avaient été mis à contribution pour aider la population à lutter contre les dégâts causés par la mer. Même si, en contemplant les images, on a de prime abord l’impression que les moyens employés sont dérisoires (CP N°4417). Ici, au lieu dit « La Belle Henriette », en faisant la chaîne pour transporter des pierres, ils essayent de consolider la dune afin d’éviter que la mer ne la ravine totalement.
14. Les soldats réparant les dégâts causés par la mer.
Une autre série de deux ou trois cartes postales ont été réalisées à Palluau le 27 mai 1915 par un photographe anonyme. En effet, ce jour là, et en particulier au lieu dit l’Aumônerie, « la Petite Boulogne » est sortie de son lit et a inondé les parties de la ville proches de la rivière (Cf. carte postale ci-dessous à gauche).
Dans la ville de Talmont, ces genres d’évènements, relativement fréquents, étaient familièrement surnommés « les baignades ». Ils intervenaient lors d’une marée d’un fort coefficient pendant une période extrêmement pluvieuse. Les eaux de la rivière La Payré ne pouvaient alors plus s’écouler vers la mer et refoulaient en inondant la ville basse de Talmont. Cette carte postale, non datée, dont le photographe est anonyme a été éditée par J. Le Brasseur à Talmont (Cf. carte postale ci-dessous à droite).
15. Palluau inondé en 1915. 16. Les Inondations à Talmont.
Les inondations survenues dans la période 1900-1914 nous sont bien connues par la force des images, puisqu’elles ont été immortalisées par les cartes postales. Mais d’autres évènements similaires sont évidemment survenus après cette dernière date...
Chantonnay le 7 mai 2020
L’Église paroissiale de Loublande.
La commune de Loublande est située à l’extrémité nord du département des Deux-Sèvres à proximité de la frontière avec le département du Maine-et-Loire et de celui de La Vendée, ce qui la place ainsi à environ sept kilomètres au Sud de Cholet et quatre kilomètres à l’Est de Saint-Laurent-Sur-Sèvre, c'est-à-dire dans un secteur où la foi catholique est particulièrement vive au tout début du XXème siècle.
La personne concernée par les apparitions est une jeune fille du nom de Claire Ferchaud. Cette dernière est née le 5 mai 1896 et baptisée le même jour. Elle est en outre l’une des six enfants (trois filles et trois garçons) d’un couple d’agriculteurs de la ferme des Rinfillières. Elle fait naturellement ses études primaires à l’école privée du Sacré-Cœur dans sa paroisse (à l’époque on disait l’école libre).
La Ferme des Rinfillières à Loublande vers 1905.
Dès son enfance, après sa première communion, elle affirme voir fréquemment le Christ et la Vierge Marie venus la visiter et la soutenir spirituellement ; mais cela ne lui paraît pas extraordinaire car elle est persuadée que les autres enfants de son âge connaissent naturellement des expériences similaires. Elle finit cependant par en informer son confesseur l’abbé Audebert, qui est surpris tout d’abord, mais pas trop finalement, car il connait la spiritualité importante qui règne dans cette famille. Celle-ci avait en effet pris l’initiative de faire construire en 1862, à ses frais et sur son terrain, une petite chapelle dédiée à Notre Dame de la Garde et appelée la chapelle des Rinfillières.
La chapelle des Rinfillières.
La nouvelle de ces premières apparitions, tenue cachée au début, finit tout de même par s’ébruiter dans la paroisse et les environs assez proches. Des personnes intéressées sont de plus en plus nombreuses à faire le déplacement vers la ferme des Rinfillières pour rencontrer la jeune Claire Ferchaud. Et une certaine dévotion commence à s’organiser à cet endroit, avec l’accord plus ou moins tacite du clergé local.
L'intérieur de la chapelle des Rinfillières et le grand calvaire de Loublande.
Pendant la guerre de 1914-1918, alors que deux de ses frères sont mobilisés et sur le front, Claire part faire une retraite spirituelle. Elle a alors 20 ans. Elle en revient en 1916 et à partir de là, sa mission se précise. Elle affirme que le Christ lui est apparu le 28 novembre 1916 et de nouveau le 16 décembre 1916. Il lui a montré son Sacré-Cœur avec une plaie ouverte lui disant : « Cette plaie ouverte m’est faite par la France officielle, la Franc-maçonnerie ». Il lui aurait en outre donné pour mission d’aller demander au Président de la République de faire apposer le Sacré-Cœur sur le drapeau tricolore de la France.
Une demande de cette nature était inattendue, mais n’en était pourtant pas complètement nouvelle. C’était même la reprise du message reçu lors de l’apparition du 17 juin 1689 par Sainte Marguerite-Marie Alacoque à Paray-le-Monial (canonisée en 1920). Ce message était destiné, à cette époque, au roy de France Louis XIV. Mais il n’avait pas été suivi d’effet.
L’Image du Sacré-Cœur et sa présentation dans l’église de Loublande.
Claire Ferchaud, totalement pénétrée par sa mission divine, décide donc de demander un entretien au Président de la République Raymond Poincaré et dans cet objectif, elle lui écrit la lettre suivante le 16 janvier 1917 :
« Monsieur le Président,
Une humble fille du Poitou vient de recevoir du Ciel une mission qui fait frémir sa nature bien timide, mais qui, en but du salut de notre cher pays, ne peut reculer devant aucun sacrifice. J’ai donc l’honneur de m’adresser au chef premier de la nation française. C’est à vous, Monsieur le Président, que Dieu m’envoie. Le mot Dieu doit vous rappeler quelques souvenirs de notre sainte religion. Ce Dieu qui est chassé de notre pauvre France par la Franc-maçonnerie, persécuté de toutes façons, est cependant jaloux de posséder ce pays qui est appelé la Fille ainée de l’Église.
Monsieur, veuillez s’il vous plaît me prêter votre attention. Ce que j’ai à vous dire n’est pas invention de ma part. La chose est grave pour vous d’abord, ensuite pour l’avenir de la France. C’est de la bouche divine du Dieu du Ciel que j’ai reçu l’ordre de vous transmettre le désir exprès de Jésus. ….
Vous aurez le salut d’abord, si vous renoncez à cette vie de luttes contre la religion. Vous êtes le chef, vous avez en main la clef du Gouvernement. Il vous appartient donc d’aller dans le droit chemin qui est la civilisation chrétienne, source de toute morale. Vous devez montrer le bon exemple en combattant contre la Franc-maçonnerie…..
En second lieu, et c’est là le but de ma mission, Jésus veut sauver la France et les Alliés, et c’est par vous, Monsieur le Président, que le Ciel veut agir, si vous êtes docile à la voix divine. Il y a des siècles déjà, le Sacré-Cœur avait dit à sainte Marguerite-Marie : « Je désire que mon Cœur soit peint sur le drapeau national, et Je les rendrai victorieux de tous leurs ennemis ». Dieu semble avoir dit ces paroles pour nos temps actuels. L’heure est arrivée où son Cœur doit régner malgré tous les obstacles. Ce Cœur Sacré, j’ai eu la grâce d’en contempler la face adorable. Jésus m’a montré son Cœur broyé par l’infidélité des hommes. Une large plaie divise son Cœur. Et de cette plaie profonde, Jésus m’a dit : « C’est la France qui me l’a faite ». Cependant, malgré les coups dont le Cœur de Jésus est martyrisé, il s’avance vers vous, M. le Président, en offrant sa miséricorde.
À plusieurs reprises différentes, entre autres le 28 du mois de novembre 1916, Jésus, dans une lumière spéciale, me fit voir M. le Président, l’âme fortement travaillée par la grâce d’abord à demi écoutant Dieu et votre conscience. Il m’a semblé voir Dieu vous adressant ces paroles « Raymond, Raymond, pourquoi me persécutes-tu ? » À cette voix, vous avez tressailli ; puis la grâce étant plus forte que vos passions, vous êtes tombé à genoux, l’âme angoissée et vous avez dit : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?... »….
. Monsieur, voici les paroles sacrées que j’ai entendues de la bouche même de Notre-Seigneur : « Va dire au chef qui gouverne la France de se rendre à la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre avec les rois des nations alliées. Là, solennellement, les drapeaux de chaque nation seront bénits, puis le Président devra épingler l’image de mon Cœur sur chacun des étendards présents. Ensuite, M. Poincaré et tous les rois alliés à la tête de leur pays, ordonneront officiellement que le Sacré-Cœur soit peint sur tous les drapeaux de chaque régiment français et allié. Tous les soldats devront être recouverts de cet insigne de salut ». D’accord, ensemble, la France et les alliés, le même jour, à la même heure, s’élanceront à l’assaut, munis de leurs insignes. L’ennemi prendra la fuite et ils seront repoussés au-delà de la frontière avec de grosses pertes. En peu de jours le Sacré-Cœur nous rendra victorieux. ……
Je rappelle à votre souvenir votre pieuse mère, décédée il y a quelques années. Sans elle, oui, vous seriez maintenant couché dans la tombe, et hélas ! Votre âme, où serait-elle ? - Je l’ai vue dans les gloires du Ciel, parmi les saintes de Dieu, se distinguant par sa tristesse profonde. … Votre mère suppliait Dieu de vous faire grâce encore ; alors, à sa demande, Jésus lui donna un délai. Le sang de Jésus et les larmes de votre mère se mêlèrent, et, mystiquement, se répandirent sur vous. Puis, cette mère que vous avez pleurée me montra son fils, ce cher Raymond, au jour de sa première communion, beau comme les anges du Ciel, embaumé de cette présence du premier baiser de Jésus à son âme. ….Mais hélas avec les années qui se sont succédé, les compagnies fausses et dangereuses ont été l’objet de votre recherche et, par ce chemin, vous êtes devenu ce que vous êtes à l’heure présente. Votre mère pleurait toujours. Elle me donna un regard de supplication et me dit « Va, va sauver mon fils, je suis sa mère ! » Monsieur, ne serez-vous pas touché quand je vous rappelle le souvenir de votre mère ? Votre cœur serait-il d’airain pour ne pas être attendri à la voix suppliante d’une mère qui, même dans la gloire du Ciel, pleure sur son fils égaré !
Monsieur, je vous l’ai dit : « De vous dépend le salut de tous. Vous avez sur vos épaules tout le poids du Gouvernement. N’entendez-vous pas aussi toutes les voix de ces glorieuses victimes tombées au champ d’honneur :….Le sang des enfants de France est comme un cri qui s’élève vers vous. Ces voix retentissent plus fortement que le bourdonnement du canon qui gronde sur le front. Ces voix, je les entends vous dire : « Raymond, chef de la nation française, si tu veux obtenir la victoire, reviens à ton Dieu ». Ces paroles ne sont-elles pas plus pénétrantes que la voix des impies qui persécutent la religion ? …. Monsieur le Président, vous êtes perdu si vous persistez dans les erreurs qui empoisonnent votre vie. Ah ! je frémis ! Pauvre France ! D’elle, nous n’aurons plus que le souvenir. »
A cette première lettre, Claire Ferchaud ne reçoit pas de réponse mais elle ne se décourage pas pour autant et en écrit une seconde. Et cette fois-ci les milieux catholiques lui conseillent de faire intervenir en sa faveur, pour obtenir le rendez vous, le marquis Armand Charles de Baudry d’Asson député conservateur de la Vendée, habitant le château de Fonteclose à La Garnache. C’était le fils et successeur du député de Baudry d’Asson, qui en pleine Assemblée Nationale, avait coiffé le président du Conseil Emile Combes d’une casserole en cuivre pour symboliser celles qu’il trainait !
En tous cas, Claire Ferchaud obtient un rendez vous avec le Président de la République le 21 mars 1917 à Paris au palais de l’Elysée. Ceci est déjà extraordinaire en soi et nous indique l’état d’inquiétude du pouvoir en cette période de la première guerre mondiale. Nullement impressionnée par le personnage et le décorum, la petite paysanne lui expose clairement la mission qui lui a été confiée. Elle a été écoutée attentivement et a eu l’impression d’avoir même ému son interlocuteur. Toutefois celui-ci lui expose qu’on ne peut ainsi défaire les lois, ni toucher au drapeau national et que de plus un Président de la République de la IIIème République dispose de peu de pouvoir. Il lui laisse tout de même poliment un espoir, en lui disant en substance qu’il verrait ce qu’il peut faire.
En réalité que pouvait-il faire, alors que les lois relevaient des Assemblées et le pouvoir du Président du Conseil ? Et dans ce domaine, on était alors en période de crise ministérielle. Le 21 mars 1917, le Président du Conseil était, depuis la veille, Alexandre Ribot. Ce dernier céderait sa place dès le 12 septembre 1917 à Paul Painlevé, qui ne resterait que jusqu’au 13 novembre 1917. Et le 16 novembre 1917 c’est le vendéen Georges Clemenceau qui arrivait au pouvoir. Ce qui était une très mauvaise nouvelle pour Claire Ferchaud, puisque ce dernier était un anticlérical viscéral, qui précisément s’était opposé farouchement à la construction de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre.
Cette affaire, connue progressivement dans les milieux catholiques, suscite alors beaucoup d’émoi. Beaucoup de paroisses font fabriquer le fameux drapeau avec le Sacré-Cœur sur la partie blanche centrale et les inscriptions « Cœur Sacré de Jésus, Espoir et Salut de la France » et l’utilisent lors des processions. Ils décoreront l’intérieur des églises pendant longtemps et ne disparaitront qu’après le concile Vatican II. Lors de notre communion solennelle personnelle en 1957, celui de Chantonnay se trouvait juste au dessus de notre tête. L’État avait assez rapidement pris la précaution d’interdire sa présence lors des cérémonies officielles.
Sa démarche n’ayant pas abouti auprès des autorités politiques, Claire Ferchaud va en tenter une auprès des militaires. Elle écrit une lettre à 14 généraux, le 7 mai 1917, demandant « que l'image du Sacré-Cœur, signe d'espérance et de salut, brille officiellement sur nos couleurs nationales ». Le courrier est adressée à : Hubert Lyautey ancien ministre de la Guerre, Philippe Pétain généralissime, Joseph Micheler 1ère armée, Adolphe Guillaumat 2ème armée, Georges Humbert 3ème armée, Henri Gouraud 4ème armée, Paul Maistre 6ème armée, Antoine Baucheron de Boissoudy 7ème armée, Augustin Gérard 8ème armée, Denis Duchêne 10ème armée ; ainsi qu'à Édouard de Castelnau, Robert Nivelle, Marie-Émile Fayolle, et Ferdinand Foch.
Il semble que Marie-Emile Fayolle fut le seul à lui répondre, mais le général Ferdinand Foch (commandant le 20ème corps d'armée de Nancy, puis commandant suprême des forces alliées) a été le seul, au cours d'une cérémonie privée le 16 juillet 1918, à consacrer les troupes françaises et alliées au Sacré-Cœur. Les fidèles de Claire Ferchaud ne manquèrent pas de faire remarquer que c’est lui qui remporta la victoire finale quelques mois plus tard. De toute façon, les images du Sacré-Cœur, reproduites à des millions d’exemplaires, étaient très présentes dans les vêtements des combattants, au point que le ministre de la Guerre en interdit l’exhibition le 6 août 1917.
Le Général Ferdinand Foch.
A la fin de l’année 1917, Claire Ferchaud décide de fonder une communauté de « vierges repentantes » regroupant cinq religieuses à Loublande. Elle l’intègre elle-même en prenant le nom de « Sœur Claire de Jésus Crucifié ». Pour cette fondation, elle reçoit le soutien de S. E. Monseigneur Humbrecht évêque de Poitiers, qui vient inaugurer et bénir la chapelle de son couvent le 12 juin 1918. Une statue de la bienheureuse Jeanne d’Arc surmonte le portail d’entrée (canonisée en 1920), sans doute parce que la supérieure était surnommée « la Jeanne d’Arc de la guerre de 14 ». Durant cette période, après la fin de cette première guerre mondiale, les visiteurs et les pèlerins se font de plus en plus nombreux à Loublande.
Le petit couvent de Loublande.
A cette époque la politique de l’Union Sacrée instaurée au début de la première guerre mondiale se poursuit et va aboutir à un assouplissement des lois anti catholiques votées de 1903 à 1905. Les congrégations religieuses vont être autorisées à rentrer en France. Dans ce climat de dégel, le message sans nuance de Claire Ferchaud et la condamnation frontale de la franc-maçonnerie ne peut qu’embarrasser la hiérarchie catholique française. S. E. le cardinal Léon Amiette cardinal archevêque de Paris, avait déjà écrit qu’il regrettait de « n'avoir pu découvrir une inspiration surnaturelle » dans les déclarations de Claire Ferchaud.
De plus, la décision de Rome arriva sous la forme d’un décret de la congrégation pour la doctrine de la foi (Saint-Office) au Vatican. Daté du 12 mars 1920 et publié dans les Acta Apostolicae Sedis sous la signature de S. S. le Pape Benoît XV, il estimait que « les faits de Loublande » …« ne peuvent être approuvés ». C’était un véritable désaveu pour Claire Ferchaud, mais pas une condamnation formelle. Elle plaça tout de même les catholiques désormais dans l’expectative à ce sujet.
Le Cardinal Pacelli Nonce Apostolique
La présence du Sacré-Cœur sur le drapeau n’était pas la seule mission de Claire Ferchaud. Elle militait aussi pour la messe perpétuelle c'est-à-dire un office réalisé par un groupe de prêtres se relayant pour célébrer un triduum de messes en continu. Or, sans que cela ait de rapport avec elle, une expérience de cette nature a été tentée à Lourdes du 25 au 28 avril 1935, sous la présidence de S. E. le cardinal Eugenio Pacelli Légat du Pape (et futur Pape Pie XII). Quand cette initiative fut connue de la S. S. le Pape Pie XI, elle le souleva d’enthousiasme et quand il prit connaissance du projet de Loublande sur le même sujet, il invita Claire Ferchaud à venir le rencontrer à Rome. Malheureusement le Pape mourut le 10 février 1939, à la veille de la seconde guerre mondiale et avant que le rendez-vous ne se soit concrétisé.
Par la suite, Claire Ferchaud devait décéder dans son petit couvent de Loublande le 29 janvier 1957. Des pèlerins viennent encore tous les ans au mois de septembre pour lui rendre hommage.
Chantonnay le 22 décembre 2019
Après les sanglantes persécutions antireligieuses de la Révolution Française, le concordat de 1801, à l’époque du Consulat de Napoléon Bonaparte, ramena la paix dans les campagnes. Mais, la renaissance religieuse dans le pays ne se fit pas toujours sans soubresauts. Certains curés jureurs étaient parfois restés en place dans les paroisses ; les prêtres réfractaires (ceux qui avaient survécu) rentraient d’un exil d’une dizaine d’années ; de nouveaux desservants s’avéraient nécessaires. De plus, en 1830, après la chute de la monarchie restaurée en la personne du roy Charles X puis l’avènement de Louis-Philippe, le personnel politique au pouvoir était souvent hostile aux membres du clergé qu’il accusait d’être restés royalistes légitimistes.
Dans un tel contexte les évêques avaient fort à faire pour réinstaller un fonctionnement harmonieux. C’est durant cette période qu’éclatèrent localement certaines affaires qui ont tendance à nous faire sourire aujourd’hui et évoquent irrésistiblement « Clochemerle ».
L’église et le presbytère de Pouillé.
La plus importante et la seule restée célèbre est celle qui est survenue dans la commune de Pouillé dans le canton de l’Hermenault. Elle a même fait l’objet d’un petit livre intitulé : « Précis historique de la prétendue Église Française dans les communes de Pouillé et de Petosse (Vendée) », écrit par Louis-Pierre Charon (paysan vendéen) et édité en 1843 à Paris.
Ce petit ouvrage raconte l’histoire de la paroisse de Pouillé à qui l’évêché de Luçon n’avait pas encore nommé de desservant. Les habitants décidèrent d’« élire » pour cette fonction un charlatan nommé Guicheteau qui se disait « prêtre français ». Ce qui entraina par la suite une situation très embarrassante et des péripéties incroyables pendant une dizaine d’années.
Le
petit livre sur Pouillé.
« En voyant la prospérité toujours croissante des écoles libres, la fureur des bourgeois sectaires ne connut plus de bornes ; ils persécutèrent tellement le bon M. Esnard qu’il fut obligé de donner sa démission. » (Henri ESNARD curé de Chantonnay de 1834 à 1842)
« M. de Liniers, curé de Bazoges, lui succéda vers 1843 et ne resta qu’un an » (François de LINIERS curé de Chantonnay de 1842 à 1843).
Vue de
Chantonnay vers 1840.
« C’est M. Hamel, curé de Thiré, qui le remplaça » (Édouard HAMEL curé de Chantonnay de 1843 à 1848). « Grâce à beaucoup de qualités extérieures, il fut très bien reçu tout d’abord, mais hélas ! Faut-il le dire ? Il fut un curé néfaste pour Chantonnay. Il laissa complètement de côté les écoles libres des Frères et même des Sœurs et fit bientôt sa compagnie habituelle des bourgeois voltairiens. Il se laissa surtout conduire par M. Imbert boulanger, qui lui fit faire bien des sottises. Il est vrai qu’ils se fâchèrent plus tard, et que M. Imbert fut un des plus persécutés par les amis du curé (M. IMBERT conseiller municipal de 1843 à 1852).
Les pauvres Frères, se voyant complètement délaissés du curé, quittèrent un jour Chantonnay sans rien dire, et retournèrent à St Laurent (sur-Sèvre). Leurs supérieurs après les avoir blâmés les firent retourner, et quelques jours après, M. l’abbé Soyer, vicaire général, vint à Chantonnay faire des reproches à M. Hamel.
La leçon ne dura pas longtemps, et ce pauvre M. Hamel, qui manquait de plus en plus de jugement, continua par sa manière d’agir, à mécontenter tout le parti religieux de Chantonnay. C’est à cette époque, en 1846 et 1847, qu’eurent lieu les fameuses histoires de « la Vache à Colas ». La bande de la vache à Colas était formée par tous ceux qui étaient contre le curé. Il y eut un grand nombre de chansons impies et même obscènes, composées par les bourgeois irréligieux et même par M. de St Mars (Calixte Lebœuf de Saint Mars, habitant le logis de l’Ernière, conseiller municipal de 1833 à 1846) et tournant en ridicule tout ce qu’il y avait de bien, toutes les personnes respectables (sous des noms d’emprunt), même l’Évêque. Ce fut alors à Chantonnay un vrai schisme.
Enfin M. Hamel fut interdit le 8 décembre 1847. C’est M. de Liniers, missionnaire de St Laurent, qui fut chargé par Monseigneur de notifier cette interdiction en chaire. Il avait l’ordre de rester à Chantonnay pour administrer la paroisse, avec M. l’abbé Audin comme vicaire, et d’habiter chez M. Trottin près de l’église.
Intérieur de l’église
de Chantonnay vers 1905 (la chaire était déjà présente en 1847).
Quand M. de Liniers voulut lire en chaire la lettre de Monseigneur, ce fut un tapage infernal provoqué par la bande des bourgeois sectaires qui s’étaient donné rendez vous à l’église pour la circonstance. On dit même qu’un groupe de « charmantes jeunes filles », tenant leurs deux sabots dans leurs mains, les frappaient l’un contre l’autre pour empêcher M. de Liniers de se faire entendre. A partir de ce jour, M. Hamel assista à la première messe au fond de l’église avec les fidèles.
La révolution de 1848 enhardit les révoltés de Chantonnay. Le père de Liniers fut obligé de retourner à St Laurent et le pauvre vicaire de demander l’hospitalité au curé de Saint Mars des Prés. Donc plus de messes à Chantonnay et M. Hamel va à la messe à St Mars. Que le carême de 1848 fut triste. Quelques personnes cependant se réunissaient le soir à l’église pour dire le chapelet. Les commerçants trouvant que cette situation ne favorisait pas beaucoup leurs affaires commençaient à réclamer.
A la fin de mai 1848, M. l’abbé du Tressay, curé de l’Ile d’Elle, est nommé Curé Doyen de Chantonnay. M. Hamel occupant toujours le presbytère sous la protection des autorités, M. du Tressay fut obligé d’habiter au bas de la rue du Commerce. Sa vieille mère, qu’il avait avec lui, ne pouvait se faire à ce modeste logement ; mais lui, qui ne voyait que le bien, attachait peu d’importance à ce détail. (Georges du Tressay, curé doyen de Chantonnay de1849 à 1862).
L’ancien presbytère de
Chantonnay avant 1876.
Ce n’est qu’au bout d’un an que M. Hamel reçut de la Préfecture l’ordre de se retirer du presbytère. Il eut encore le courage de rester pendant quelques temps à Chantonnay, dans un appartement situé place de la Mairie. Mais M. du Tressay gagnant de plus en plus l’estime de la population, le pauvre dévoyé vit peu à peu ses partisans l’abandonner. Il fit enfin sa soumission à Monseigneur, et après avoir passé un mois chez les Trappistes, il se retira aux Sables. Peu de temps après, la pacification religieuse se fit complète.
La façade de la nouvelle
église.
C’est vers 1856 ou 1857 (c’est en fait au début de 1856) que M. du Tressay entreprit la reconstruction de l’église …/...Le conseil municipal fit tout d’abord une opposition, très violente à ce projet de reconstruction ; mais le préfet, qu’on était allé trouver, ayant dit de passer outre, les autorités y mirent ensuite toute la bonne volonté possible, et cédèrent même la petite place du nord pour faire une troisième nef (la nef du Sacré-Cœur) ».
Par délibération en date du 25 octobre 1856, le conseil municipal et son Maire Benjamin Liébert acceptèrent même de détruire la prison et la maison de Justice situées à cet emplacement (il est vrai en ruines et inutilisés depuis 10 ans !). L’ordre et la sérénité régnait de nouveau dans la paroisse de Chantonnay.
Le « tram » ou même le tramway n’étaient pas l’appellation officielle de ce moyen de transport, puisqu’on devait dire au contraire chemin de fer à voie étroite ou chemin de fer à voie métrique. Il se différenciait du chemin de fer ordinaire par une largeur de voie plus faible 1 mètre au lieu de 1,40 mètre (en France) et par des infrastructures beaucoup plus légères. La confusion venait du fait que sur les wagons de ce petit train était écrit « Compagnie des Tramways de Vendée ».
Le train (actuel SNCF) était apparu pour la première fois en Vendée le 24 décembre 1866 avec l’inauguration de la première ligne du département Nantes / Napoléon-Vendée (c'est-à-dire La Roche-sur-Yon). Le premier petit train pour sa part avait fait son apparition le 11 août 1896 sur la première ligne à voie étroite Challans / Fromentine. La compagnie qui gérait ce dernier avait aussi créé en 1898 un véritable tramway reliant le remblai des Sables d’Olonne au casino des pins de la Rudelière.
En réalité, la ligne qui nous intéresse ici, celle de Montaigu à l’Aiguillon-sur-Mer (du Nord au Sud du département) n’a pas été ouverte en une seule fois ; elle a été construite par tronçons, inaugurés à des dates successives : 1 - Chantonnay / Sainte-Hermine (le 10 juin 1900), 2 - Sainte-Hermine / Luçon (le 15 septembre 1900), 3 - Montaigu / Les Quatre-Chemins de l’Oie (le 15 mai 1901), 4 - Luçon / L’Aiguillon (le 14 août 1901) et enfin Les Quatre-Chemins / Chantonnay (seulement le 1er janvier 1908).
La gare de Montaigu.
Sur la carte postale ci-dessus, réalisée par Artaud-Nozais de Nantes vers 1905, le train, arrivant de La Roche-sur-Yon, entre en gare de Montaigu. Dans cette ville, la gare était commune au grand et au petit train, il s’agissait de celle de la ligne Nantes / Bordeaux. Cette station est encore aujourd’hui située au nord de la ville près de la Route Nationale 137 (aujourd’hui RD 137). A partir de là, le petit train contournait complètement l’agglomération par l’Ouest pour rattraper l’accotement de la 137 au sud de la ville. Une deuxième gare se trouvait ensuite 4 kilomètres 700 plus loin, à Saint-Georges-de-Montaigu en bordure de la même route. Sur la carte postale ci-dessous on aperçoit la bifurcation permettant éventuellement à deux trains de se croiser et l’aiguillage. Nous allons retrouver plusieurs fois le long de cette ligne le même type de gare avec deux locaux : une salle d’attente avec guichet et un hall pour les marchandises.
La gare de Saint-Georges-de-Montaigu.
Après Saint-Georges-de-Montaigu le tram poursuivait son chemin toujours sur l’accotement de la route 137. Huit kilomètres plus loin, il arrivait à la gare de Chavagnes-en-Paillers. En fait il n’avait pas fait l’effort de se rendre au centre de cette commune qui comprenait, pourtant, deux séminaires, plusieurs établissements religieux et en particulier l’importante communauté des Ursulines de Jésus (sœurs de Chavagnes). Le tram s’arrêtait donc au bord de la route à 2 kilomètres du centre bourg. Il poursuivait ensuite son trajet en direction de Saint-Fulgent. Six kilomètres plus loin il atteignait la gare station de Saint-Fulgent située au nord de la ville, à la hauteur de l’ancien château du Puy-Greffier. Le bâtiment de cette gare constituait incontestablement une taille au dessus par rapport à ceux déjà rencontrés, avec en particulier un logement à l’étage, des toilettes et une grande salle d’attente. Reparti, le tram traversait la ville de Saint-Fulgent, tout le long et sur le côté droit de la chaussée. Toutefois ici la situation était beaucoup moins délicate qu’à Challans, par exemple, où le tram circulait dans une voie étroite, sans trottoir et au ras des maisons. Il a, dans cette position, fait l’objet de belles cartes postales qui sont actuellement d’une grande valeur marchande. Un kilomètre après, notre petit train rencontrait une halte dénommée « Saint-Fulgent-Bourg ».
La Gare de Saint-Fulgent.
Dans cette même commune de Saint-Fulgent, au lieu dit le Pont-Girouard, la ligne connut un grave accident assez spectaculaire en 1906. Les wagons déraillèrent et la locomotive se coucha entrainant la mort du mécanicien et du chauffeur. Le cliché de la carte postale ci-dessous a été pris grâce au pharmacien de la commune Monsieur Morat.
L’accident de Saint-Fulgent
en 1906.
Le tram poursuivait ensuite son périple jusqu’aux Quatre-Chemins de
l’Oie qu’il atteignait cinq kilomètres plus loin. Au village de la Brossière,
dans un virage, il obliquait sur la gauche pour aller ensuite en diagonale
rejoindre la gare d’une autre ligne de tram (la Roche-sur-Yon / les Herbiers)
située sur la route de Vendrennes (c'est-à-dire la RN 160). On peut
l’apercevoir sur le plan ci-dessous. Les rails sont matérialisés par une ligne
avec des petits traits sur un côté. Le long de la route, cette ligne se confond
avec celle de la route et seuls les petits traits dénotent sa présence. Il y a
un point noir au bout d’un trait à chaque fois que le tram coupe une route et
en principe un petit rectangle noir à l’emplacement des gares.
Extrait de la carte
Michelin de 1927.
Le voyage Montaigu / Les Quatre-Chemins avait coûté 1 Franc 90 aux voyageurs de 1ère classe et 1 Franc 40 à ceux de 2ème classe. Le tram parti de Montaigu avait déjà parcouru 26 kilomètres en 1 heure ¼, ce qui ne constituait pas une grosse moyenne mais qui était en plus aggravé par des retards très fréquents. On comprend mieux pourquoi ce moyen de communication était surnommé ironiquement « le tortillard » ou bien « le tacaud ». On allait jusqu’à prétendre qu’on pouvait le doubler en roulant à bicyclette et que les voyageurs devaient descendre pour le pousser dans les côtes !!!
Aux Quatre-Chemins de l’Oie le train emprunté depuis Montaigu repartait dans l’autre sens. Il fallait donc changer de train et la correspondance n’était pas immédiate. Nous avons dit que cette portion de ligne (Les Quatre-Chemins / Chantonnay) avait été réalisée 7 ans après les autres tronçons parce qu’on la soupçonnait de ne pas être rentable. En repartant, le tram traversait la RN 160 et recoupait de nouveau la RN 137 (par une sorte de passage à niveau tout juste signalé mais non gardé) pour revenir à la direction d’origine et s’arrêter 1 km 500 plus loin.
La halte de l’Oie-Bourg.
Sur cette carte postale, prise d’un peu loin, on aperçoit le tram venant de Montaigu et entrant à la halte de « l’Oie-Bourg » située au nord de l’agglomération. Nous sommes ici dans la partie tardive du tracé (ouverte seulement en 1908) et on aperçoit déjà une différence notable. Les gares sont, sur ce tronçon, de véritables petites maisons en pierres apparentes de couleur brune. Elles ont d’ailleurs été vendues ensuite pour un usage d’habitation. Autre différence, le tram va faire un écart pour aller passer dans le bourg de Sainte-Cécile, ce qu’il n’avait pas encore fait. Pour ce faire, il va quitter la RN 137 avant le village de la Ferrandière, tourner sur la droite, et se rendre directement en diagonale jusqu'à l’entrée du bourg de Sainte-Cécile. Sept kilomètres après l’Oie, il traverse le bourg et arrive ainsi en gare de Sainte-Cécile. Cette dernière est sans doute, à ce jour, une des plus belles et des mieux conservées du département. On remarquera qu’une cheminée a même été prévue pour mettre un poêle. Ce type d’édifice se retrouve aussi à l’Oie et à Saint-Vincent-Sterlanges. Sur cette photo on n’aperçoit pas les voies puisque le train à voie étroite s’arrêtait derrière le bâtiment.
La Gare de Sainte-Cécile.
Suivant maintenant la petite route, le tram se dirigeait vers Saint-Vincent-Sterlanges et y arrivait après un court parcours de 2 kilomètres 500. A cet endroit il coupait en biais la place principale puis il reprenait l’accotement sur le côté droit de la RN 137. Après 1914 Saint-Vincent-Sterlanges possédera deux gares distinctes et distantes d’1 kilomètre 500 environ : - celle de la ligne de chemin de fer Fontenay / Chantonnay / Cholet à l’est de la ville sur la route des Roches-Barritaud et - celle du tram sur la route de Chantonnay (RN 137). La carte postale ci-dessous nous permet de nous rendre compte de l’importance inattendue du transport de marchandises sur le fonctionnement de la ligne.
Le trafic en gare de Saint-Vincent-Sterlanges.
Le tram continuait sur le bas-côté droit de la route nationale. Arrivé au passage à niveau près du hameau des Aubiers, il abandonnait la route, tournait à droite et venait circuler le long de la ligne de train Fontenay / Chantonnay / Cholet. Celle-ci ne sera totalement ouverte pour les voyageurs qu’en août 1914, mais certains tronçons étaient déjà réalisés bien avant cette date. Ces deux voies jumelées montaient ensuite un talus pour pouvoir passer au dessus de la ligne La Roche / Thouars par un pont ferroviaire. Le tram arrivait ainsi, 6 kilomètres plus loin, en gare de Chantonnay par un contournement Nord-Ouest de l’agglomération. En effet, la gare de Chantonnay, construite en 1871, était commune au tram et aux autres lignes de trains. On aperçoit à peine sur la carte postale ci-dessous les grandes citernes juchées en hauteur qui permettaient aux locomotives « de faire de l’eau ».
La Gare de Chantonnay.
Pendant la première moitié du XXème siècle la gare de Chantonnay a été un véritable carrefour ferroviaire. La carte postale ci-dessous nous le montre mieux que quiconque mais pour la réaliser le photographe a du particulièrement bien choisir son moment. Le train, sur la voie 1, la plus proche de la gare, à droite, arrivait de La Roche-sur-Yon. A côté, sur la voie 2, le train venait dans l’autre sens de Pouzauges-Thouars (sur une voie unique ils ne pouvaient se croiser qu’ici). De l’autre côté de l’abri central, sur la voie 3, il venait de Cholet. Plus à gauche sur la voie 4 la locomotive arrivait de Fontenay-le-Comte. Nous trouvions ensuite deux voies réservées aux convois de marchandises. Enfin on apercevait tout à gauche la locomotive fumante du tram venant de l’Oie.
Chantonnay, carrefour ferroviaire.
Au moment de la première guerre mondiale le voyage de Chantonnay à Luçon (32 km) coûtait 2 Francs 40 en première classe et 1 Franc 50 en deuxième classe.
Pour quitter Chantonnay le tram suivait encore les lignes (SNCF) jusqu’au passage à niveau dit de la Mine sur la RN 137 au sud de la ville. A cet endroit, il les quittait et reprenait l’accotement de la route, mais cette fois-ci du côté gauche. Sur la carte postale ci-dessous, prise en direction de Chantonnay, on distingue au fond les barrières (fermées) du passage à niveau et au premier plan la route de Sainte-Hermine avec les rails du tram à droite.
Le passage à niveau de la Mine.
Arrivé au niveau de la ferme de la Mourière, la RN 137 entrait dans une zone de virages. Cet ancien cours royal, construit vers 1750, avait initialement été tracé en ligne droite. Mais, deux collines (dont l’une avec une pente de plus de 10% au lieu dit « Le Lion ») avaient provoqué des morts parmi les voyageurs des diligences. Aussi, sous le règne de Louis-Philippe, on avait remplacé la voie rectiligne par une route serpentant en lacets et possédant ainsi treize virages successifs. De sorte que le tram, pour conserver une voie à peu près linéaire, était obligé de couper fréquemment la route en passant alternativement de droite à gauche puis de gauche à droite de la chaussée. Et naturellement il opérait ce changement à chaque fois en plein virage rendant la circulation particulièrement dangereuse à cet endroit. On ose à peine imaginer ce que cette pratique provoquerait aujourd’hui avec une circulation nettement plus considérable.
Le tram à Pont-Charron.
Cinq kilomètres après la gare de Chantonnay, le petit train s’arrêtait à la halte de Pont-Charron juste après l’imposant pont sur la rivière « Le Grand Lay ». Cette station n’était guère fréquentée que par les habitants du village de la Tabarière, mais elle prenait des marchandises à la minoterie et surtout à la carrière de pierres immédiatement voisines. Sur la carte postale ci-dessus on aperçoit le tram venant de Sainte-Hermine et se présentant à la halte de Pont-Charron.
La gare du Charpre.
Deux kilomètres 500 plus loin seulement le petit train s’arrêtait de nouveau à la gare du Charpre. Cette dernière desservait en outre les villages de La Châtaigneraie-aux-Coteaux, le Poiserit et les hameaux voisins mais aussi le bourg de Saint-Philbert-du-Pont-Charrault pourtant distant de plus de quatre kilomètres. Sur la carte postale ci-dessus on aperçoit un wagon de marchandises stationné devant la petite gare. A un peu plus d’un kilomètre de là le tram stoppait encore à la halte du village de la Leue.
La Gare de Féole.
Poursuivant son chemin, toujours sur la banquette gauche de la route nationale 137, il arrivait ensuite à la gare de Féole après un parcours d’à peine quatre kilomètres. A Féole, il desservait du même coup le chef-lieu de la commune c'est-à-dire La Réorthe. Il passait ainsi juste devant l’allée du château de l’Aubraie. Toutefois, Georges Clemenceau, en se rendant dans sa famille, ne prenait pas le tram, il descendait du train venant de Paris-Austerlitz en gare de Chantonnay et se faisait ensuite conduire en voiture jusqu’à l’Aubraie. On aperçoit sur ce cliché, dans la gare de Féole comme dans la précédente, des wagons en stationnement. Certains, fermés, étaient destinés aux bestiaux et d’autres ouverts comme de simples plateaux (les wagons-tombereaux) servaient au transport des cailloux (sans doute de Pont-Charron).
La Gare de Sainte-Hermine.
Encore cinq kilomètres et le petit train arrivait à Sainte-Hermine en face de l’actuelle Mairie. Sans compter les gares de Montaigu, Chantonnay et Luçon communes aux grands et petits trains, la gare de Sainte-Hermine était la plus importante de toute la ligne. Elle existe d’ailleurs encore aujourd’hui et a conservé sa vocation puisque la municipalité de Sainte-Hermine a eu la bonne idée de la transformer en gare routière. Sur la carte postale ci-dessus, deux trains se croisent à cet endroit: celui de droite vient de Chantonnay et celui de gauche de Luçon. En effet, le tram comme le grand train circulait à gauche suivant une habitude héritée des britanniques et toujours conservée depuis par la SNCF. On s’aperçoit également qu’avant l’installation, un peu partout, des célèbres barrières ajourées en béton, on utilisait une simple palissade en ganivelles de bois
Le tram quitte la gare de Sainte-Hermine.
Tout juste parti de la gare de Sainte-Hermine, le petit train utilisait maintenant l’accotement du côté droit et traversait la place de Saint-Hermand (du nom de l’une des anciennes paroisses). On se rend compte assez facilement sur la photo ci-dessus que le convoi comportait successivement la locomotive, le fourgon des marchandises, un wagon de piquets de bois et quatre voitures pour les voyageurs (1ère et 2ème classe). Contrairement à que l’on pourrait imaginer la carte postale suivante (ci-dessous) n’a pas été prise par le même photographe (Penou et non pas Péré), ni le même jour que la précédente. Pourtant on y distingue un wagon identique rempli de piquets de bois, peut être utilisés pour faire les poteaux de bouchots pour les moules dans la baie de l’Aiguillon-sur-Mer.
Le tram part de Sainte-Hermine.
Au bout de cinq kilomètres à peine, le petit train, qui suivait toujours l’accotement de la route nationale 137, arrivait à la gare de Saint-Jean-de-Beugné. Et puis, encore cinq kilomètres et il traversait ensuite le bourg de Sainte-Gemme-la-Plaine. Celui que l’on aperçoit sur la carte postale ci-dessous semble venir de Luçon (sous l’œil intéressé des passants). Toujours dans le bourg de Sainte-Gemme, il abandonnait la RN 137 pour prendre une rue et rejoindre en diagonale l’ancienne route allant directement de Sainte-Gemme à Luçon.
La traversée de Sainte-Gemme-la-Plaine.
Le tram, après avoir parcouru cinq kilomètres arrivait ensuite à Luçon. Dans la ville épiscopale, il effectuait en réalité deux arrêts. - Le premier était commun avec la gare des voyageurs du chemin de fer située sur la ligne Nantes / La Roche-sur-Yon / La Rochelle ; - Le second, commun avec la gare des marchandises, était situé deux kilomètres plus loin sur le port. Sur la carte postale ci-dessous un train entre en gare à gauche, il arrive vraisemblablement de La Rochelle. Sur ce cliché, on n’aperçoit malheureusement pas l’emprise du tram qui devait obligatoirement couper la ligne de chemin de fer à Luçon. De cette dernière ville partait une autre ligne de chemin de fer à voie étroite qui se dirigeait vers Les Sables d’Olonne, via Angles et Talmont.
La gare « SNCF » de Luçon.
Sur le plan reproduit ci-après, et qui est extrait de la carte d’état-major autour de Luçon, on peut suivre le tracé des lignes de chemins de fer et des voies du tram. Les rails de ce dernier sont ici représentés par une ligne coupée de petits traits de chaque côté que l’on aperçoit tout juste quand ils se confondent avec la route ou les voies plus larges (SNCF). Les gares sont ici indiquées par « Station » ou « Ston ».
Extrait de la carte d’état-major
de Luçon.
Le tracé de notre ligne Montaigu / l’Aiguillon enveloppait ensuite le centre ville, par une large courbe à l’Est de ce dernier, pour se diriger vers le port. En effet, la ville de Luçon disposait encore au début du XXème siècle d’un port commercial relié à la mer par un canal de 14 kilomètres. Les grands trains de marchandises (sur les voies ordinaires) venaient au port pour y livrer ou y charger des marchandises. D’ailleurs sur la carte postale ci-dessous, à gauche, des wagons du grand train sont en stationnement devant les usines ou les entrepôts construits le long du quai à l’Est du bassin. Le plus intéressant sur ce cliché, au premier plan, ce sont les palettes de retournement qui permettaient manuellement de faire tourner la locomotive ou bien les wagons à 90 degrés (virage impossible) ou à 180 degrés (retour en arrière). On aperçoit également, tout à droite, des wagons du tram en stationnement sur l’autre quai à l’Ouest du canal. Et on peut suivre ses voies qui arrivaient du côté gauche, coupaient les rails du train et effectuaient une large courbe pour se diriger ensuite vers Triaize. Le port a été malheureusement comblé à la fin du XXème siècle pour devenir un parking.
Le port de Luçon.
Par rapport à la carte postale précédente, la suivante a été prise (vers 1905) à l’autre extrémité du port, du côté Est. Au premier plan à gauche une locomotive et un convoi de marchandises se dirigent vers l’actuelle gare SNCF. De l’autre côté du canal, à l’Ouest, d’autres wagons attendent d’être chargés. Tout au fond à droite, juste devant les maisons, on aperçoit également le petit train qui arrive de l’Aiguillon en tractant lui aussi des wagons de marchandises. Nous avons ainsi une image vivante de l’activité du port de Luçon au début du XXème siècle.
Les trains au port de Luçon.
Sur la carte postale qui fait suite on aperçoit, sur la gauche, le tram qui vient de la gare de Luçon et arrive sur le quai Ouest du port. Le convoi comporte la locomotive, le fourgon de marchandises, trois wagons tombereaux bâchés et trois voitures de voyageurs. Il semblerait que la locomotive soit une Decauville. A l’origine, la compagnie des tramways avait surtout commandé des machines de modèle Corpet-Louvet, qui étaient préférées du fait de leur robustesse et leur fiabilité.
Le tram arrive au port de Luçon.
Juste après les quais du canal se situait la deuxième station de tram de la ville : « Luçon-Port ». Sur la carte postale ci-dessous le tram quitte sa petite gare. Les voyageurs descendus sont encore sur le quai et regardent le photographe. Curieusement cette face plate avec deux lucarnes et deux lanternes constituait bien la partie avant du convoi. En effet la petite locomotive était toujours obligatoirement placée en tête du convoi mais elle se retrouvait dans le mauvais sens au redémarrage après un terminus. Nous avons d’ailleurs vu précédemment une locomotive identique dans la même position à la gare de Sainte-Hermine.
L»e tram quitte la gare de Luçon-Port.
Extrait de la carte
Michelin de 1937.
Sept kilomètres après Luçon-Port, il arrivait à la gare du bourg de Triaize. Si des touristes, se penchant à la portière, qualifiaient la commune de « pays des ânes » (à cause de ses célèbres compétitions asines) ils se voyaient répliquer tout aussitôt par les autochtones « il en passe plus qu’il n’en reste ». Sur la carte postale ci-dessous, on aperçoit un certain nombre de gens en tenue de travail et avec des outils, sans doute pour charger dans les wagons. Dans l’embrasure du local pour la billetterie on reconnaît l’employée de la compagnie avec un tablier et surtout un brassard distinctif de couleur.
La gare de Triaize.
La gare de Saint-Michel-en-l’Herm, située exactement 7 kilomètres plus loin, avait au début du XXème siècle un certain dynamisme économique en raison de son importante laiterie, des activités annexes mais aussi de la carrière d’extraction de coquilles d’huitres fossilisées. Sur cette carte postale, les bâtiments de la gare, en tous points identiques à ceux de Triaize, sont tout aussi modestes. Le convoi est en gare, les voyageurs descendent des wagons, les marchandises sont déchargées des wagons.
La gare de Saint-Michel-en-l’Herm.
Après un petit parcours de cinq kilomètres seulement, le tram arrivait à la station de l’Aiguillon-Ville, située à la limite Est du bourg. Pourtant classés comme « halte » les bâtiments de la gare paraissaient plus importants et comprenaient en particulier un logement à l’étage. Deux trains semblent se croiser à ce moment là.
La halte de
l’Aiguillon-Ville.
La commune de l’Aiguillon-sur-Mer comportait donc, elle aussi, deux gares, en particulier « L’Aiguillon-Port » le terminus de la ligne, situé le long du port, dans l’embouchure du fleuve « Le Lay ». C’était le point le plus proche de la mer. Aussi, les voyageurs désirant se rendre à la plage la plus proche devaient encore franchir le Lay par le pont passerelle, à pied, puis traverser le village de la Faute. Souvent, ils ne quittaient pas la gare avant d’avoir assisté à la manœuvre qui consistait, au terminus, à tourner la locomotive sur une palette et à la conduire à l’autre extrémité pour lui faire prendre la tête du convoi de retour. Nous avons la chance de bénéficier à cet endroit d’une carte postale représentant une vue latérale du convoi avant son départ (ci-dessous). De gauche à droite nous pouvons ainsi distinguer au moins deux wagons de voyageurs, le fourgon de marchandises avec le convoyeur et la locomotive (Decauville N°1) avec le mécanicien, la burette d’huile à la main. Cette ligne Luçon / l’Aiguillon a toujours été considérée comme la plus rentable du réseau en voyageurs comme en marchandises.
Le tram en gare de
l’Aiguillon-Port.
Contrairement aux autres cartes postales précédentes, datant à peu près toutes de 1905 environ, cette photo, a été réalisée par Bergevin photographe à La Rochelle (avec le sigle Ramuntcho) vers 1920. On ne compte pas moins de 10 wagons de voyageurs dans ce convoi qui attend ici le départ en bordure du quai. Certains touristes montent déjà dans les wagons pour choisir leur place, d’autres flânent encore sur les pontons pour regarder les pêcheurs. C’est par cette ligne de tram que les bourriches d’huitres, les cageots de moules de l’Aiguillon et les autres fruits de la marée remontaient vers le haut bocage vendéen au début du XXème siècle (sans wagon frigorifique, mais avec un peu de glace).
Les voyageurs vont repartir
du terminus.
Un voyageur qui partait de l’Aiguillon-sur-Mer le matin à 7 heures 12, arrivait à Luçon à 8 heures. Après 1 heure ¼ d’attente, il repartait à 9 heures 15 et arrivait à Chantonnay à 10 heures 20. Après 2 heures 40 d’attente, il repartait à 13 heures, arrivait Aux Quatre-Chemins à 13 heures 50, puis après 20 minutes d’attente, il repartait à 14 heures 10 pour arriver enfin (et en principe) à Montaigu à 15 heures 24.
Dans ces conditions, après la première guerre mondiale, le tram fut très vite largement concurrencé par les lignes d’autocar. Le trafic de voyageurs, étant désormais très peu rentable, le service fut interrompu à partir du 1er janvier 1935. Toutefois, il reprit en partie, pendant la durée de la seconde guerre mondiale. Le 1er janvier 1947 la ligne ferma définitivement de Chantonnay à Luçon. Et le dernier tronçon Luçon / l’Aiguillon réussit à se maintenir jusqu’au 31 novembre 1949.
Après cette date, les rails furent arrachés, les gares vendues et les petits trains disparurent définitivement du paysage de nos campagnes.
(Bibliographie : La Vendée des petits trains, 1987, Michel Harouy, Ed. Céromane).
Chantonnay le 15 mars 2019
Dans le cadre de l’opération « Vendée 2040 », le Conseil Départemental a organisé une première soirée débat sur le thème de l’Identité Vendéenne, en présence de l’éminent historien Franck Ferrand, à l’école d’ingénieurs de La Roche-sur-Yon le Jeudi 31 janvier 2019. Cette conférence a été l’occasion pour certains de reparler des armoiries du département de la Vendée.
Sur ce même thème, nous avions eu l’occasion de lire un article dans une presse syndicale, il y a quelques années au moment de la création du Logo du Département le 18 septembre 1989 à l’époque du Président Philippe de Villiers. Nous ne citerons cet article que globalement et de mémoire car nous ne l’avons pas conservé. On y expliquait de façon convaincue et péremptoire que les armoiries de la Vendée avaient été données par le gouvernement de Vichy en 1943 pour rendre hommage aux Guerres de Vendée. Il nous apparaît donc utile de rappeler ici quelques réalités historiques locales.
Logo du département de la Vendée.
Ce n’est pas le gouvernement de Vichy qui a pris cette décision mais le Conseil Général de l’époque. Bien sûr, les Conseils Généraux avaient été dissous par l’État Français en 1940 et remplacés par des commissions consultatives appelées ensuite « conseils départementaux ». Les préfets avaient alors désigné un peu partout des personnes qui leur convenaient. Mais en Vendée, le représentant de l'État avait nommé 29 des 30 anciens Conseillers Généraux (élus à l’époque du Front Populaire), en éliminant ainsi un seul d'entre-eux (parce qu’il était franc-maçon). Ces conseillers ont ainsi siégé durant l’occupation, notamment en 1943 et 1944. Le Préfet avait parfois été amené à remplacer les membres décédés durant cette période, il le fit en nommant le plus souvent un des fils du défunt. Et les personnes ainsi désignées, quand elles se sont soumises ensuite au suffrage universel à l’époque de la Libération, ont été très largement élues. De sorte que, en Vendée, le Conseil Général du Front Populaire, celui de l’Occupation et celui de la Libération, cela correspond très majoritairement au même.
On peut se demander pourquoi les Conseillers Généraux avaient choisi cette période pour doter le département d’armoiries. Tout d’abord parce qu’une période d’occupation par une puissance étrangère est psychologiquement un moment de prédilection pour affirmer son identité. Et surtout parce qu’à cette époque, les décisions déterminantes étaient prises par le Préfet, et que l’assemblée départementale avait fort peu d’argent à gérer. Elle avait ainsi plus de temps pour se consacrer à des choses, qui en d’autres circonstances, n’auraient pas été considérées comme prioritaires.
Le Département a géré cette affaire d’une façon tout à fait sérieuse, en faisant participer un érudit local Jacques de Maupeou directeur d’une revue qui faisait alors autorité : « La revue du Bas-Poitou » (fondée en 1888 par René Vallette). Celui-ci, par l’intermédiaire de sa revue, a fait une sorte d’appel à projets auprès de la population et contrairement à toute attente en cette période critique, cet appel à suscité beaucoup d’intérêt. Il a ainsi été collecté beaucoup d’idées différentes et une quarantaine de projets construits et même dessinés. Ces propositions diverses pouvaient tout de même être classées en quatre catégories :
- celles qui évoquaient l’appartenance à la France et à la province du Poitou ;
- celles qui évoquaient les Guerres de Vendée ;
- celles qui évoquaient un célèbre bijou (le double cœur) ;
- celles qui évoquaient des aspects géographiques ou autres.
Il convient de préciser ici que la ligne politique générale suivie par le Conseil Général, dont nous venons de dire qu’il n’avait pas varié durant cette époque, pouvait (pour faire simple) être qualifiée de « centre droit ». Le Conseil était globalement revenu à la ligne de l’union sacrée mise à l’ordre du jour pendant la première guerre mondiale ; c’est dire qu’il évitait les positions qui pouvaient apporter de graves divisions dans son sein.
C’est la raison pour laquelle, par exemple, le Conseil Général n’a pas retenu un projet qui évoquait seulement Les Guerres de Vendée, celui de Pascal Lanco. D’autant plus qu’il n’était pas particulièrement esthétique ni rigoureux en matière d’héraldique. En effet, il accolait sur un seul écu le bleu et le rouge alors qu’on ne peut associer « métal sur métal » ou « émail sur émail » (« Azur » et « Gueules ») à moins de le faire avec plusieurs blasons « cousus ».
A ce niveau, il convient aussi de parler maintenant du célèbre motif au double cœur. Ce thème n’est pas spécifiquement vendéen, puisqu’il apparaît vers la fin du XVIIème siècle dans beaucoup de provinces de France. En effet il évoque alors exclusivement l’association de deux cœurs et décore donc les cadeaux de fiançailles ou de mariages. Nous publions ici deux objets pour illustrer ces habitudes : un miroir originaire de Provence utilisé comme cadeau de mariage et une assiette de mariage originaire de l’Ouest de la France, tous les deux décorés de deux cœurs enlacés.
Miroir provençal du
XVIIIème siècle
Assiette de Mariage
du XVIIIème siècle.
Ce qui est spécifiquement bas-poitevin à la fin du XVIIIème siècle et utilisé principalement dans la région de Challans, c’est le bijou au double cœur évidé. Cet objet généralement en argent massif, surnommé la Guimbarde, était offert au promis lors des fiançailles et servait à fermer le col de la chemise. Là aussi c’était un motif amoureux, assez peu religieux et surtout aucunement politique. Bien sûr, il était parfois surmonté d’une croix, pour bien montrer que les fiançailles étaient religieusement bénies. Sur le premier exemple ci-dessous il est surmonté de plusieurs clous, sans doute pour suggérer que l’union serait dans le bonheur comme dans les épreuves. Il était encore plus souvent surmonté d’une couronne pour affirmer que l’amour était roi et le mariage son couronnement.
Bijou bas-poitevin du XVIIIème Bijou vendéen du milieu du XIXème
Cette parenthèse étant fermée, revenons en maintenant aux Armoiries de la Vendée. Au lieu de choisir radicalement entre les différentes propositions reçues, le Conseil Général a préféré adopter une solution qui permettait d’en intégrer plusieurs en même temps. Nous avons eu, à ce sujet, le privilège de recueillir les souvenirs d’un membre ayant participé à la commission chargée de ce dossier.
Les Armoiries officielles de la Vendée.
Ainsi, enregistré à Paris le 20 octobre 1943 par la commission des Sceaux et Armoiries de l’État, le blason du département avait désormais une existence légale. Il pouvait se lire héraldiquement de la manière suivante :
« d’argent au double cœur enlacé évidé couronné croiseté de gueules et à la bordure componée à 16 pièces : au 1, 3, 5 et de suite d’azur à la fleur de lys d’or, au 2, 4, 6 et de suite de gueules au château à 3 tours d’or ».
(On remarquera que le dessinateur a représenté par erreur le fond de couleur métallique grise alors qu’en fait « l’argent » se présente tout simplement en blanc !).
La bordure portait les armoiries anciennes du pays « d’azur à la fleur de lys d’or » (qui est de France) et de la province « de gueules au château à 3 tours d’or » (qui est du Poitou). La partie centrale de l’écu évoquait le bijou dont nous venons de parler précédemment. Seules les couleurs blanc et rouge (argent et gueules) évoquaient (très discrètement) les Guerres de Vendée. Toutefois, le message est bien passé puisque ces couleurs sont maintenant reconnues unanimement comme celles de la Vendée. En ce sens, elles rappelaient le cœur rouge surmonté d’une croix sur un carré d’étoffe blanc que portaient les soldats vendéens au revers de leur vêtement en 1793. Cette dévotion au Sacré-Cœur provenait des apparitions de Sainte Marguerite-Marie Alacoque à Paray-le-Monial au XVIIème siècle. Elle a été renouvelée et confondue avec les apparitions de la médaille miraculeuse à Sainte Catherine Labouré en 1830 et la consécration au Sacré-Cœur à la fin du XIXème siècle.
Dans les armoiries, l’écu constitue la partie essentielle ; le reste à savoir les lambrequins, les supports, la couronne, la devise, le cri, le cimier etc…sont des éléments destinés à le compléter et à le mettre en valeur. Par exemple la famille de Maupeou avait comme armoiries un porc épic et comme devise : « qui s’y frotte s’y pique ». Il est donc parfaitement superflu d’essayer d’épiloguer sur une éventuelle opposition entre l’interprétation de la devise et celle de l’écu. La bonne interprétation est obligatoirement celle qui va dans le même sens que « les meubles » de l’écu. Or ce dernier évoque clairement l’appartenance à la France et à l’ancien Poitou.
Il est vrai qu’au moment de la décision, le blason choisi n’avait pas de devise. Aussi, sur proposition de l’archiviste départemental, ils sont allés en chercher une dans un des projets non retenus. Et sur ce dernier, la devise évoquait effectivement la fidélité à Dieu et au Roy « Utrique Fidelis » (fidèle à l’un et à l’autre). Ils l’ont pris par défaut, mais aussi parce qu’elle avait le mérite d’être écrite en latin et de se prêter à beaucoup d’autres interprétations. Mais, à aucun moment, ils n’ont validé l’interprétation proposée par Pascal Lanco. Une variante a été un moment envisagée : « Utrique et Semper Fidelis » (toujours fidèle à l’un et à l’autre) parce qu’elle aurait ainsi été en trois parties comme la plupart des devises. L’idée personnelle de l’archiviste était bien d’évoquer la bravoure dans l’un et l’autre camp lors des guerres de Vendée Toutefois l’interprétation officielle retenue à ce moment là par les Conseillers Généraux a été sans ambigüité: « Fidèle à la Grande Patrie (La France) et à la Petite Patrie (La Vendée) ». N’oublions pas que la première guerre mondiale était alors encore très présente dans les esprits ! De plus, la devise se trouvait cette fois-ci en parfaite conformité avec les thèmes présents sur l’écu (et donc héraldiquement correcte).
Par la suite les interprétations ont pu varier quelque peu. Le Président
Auguste Durand (1945 à 1969) a parfois fait allusion aussi aux deux aspects de
la Vendée, la côte et la ruralité. Pour sa part, le Président Michel Crucis (1971
à 1988), dans ses discours, est toujours revenu à l’interprétation initiale des
deux patries pour la « chère et
douce Vendée ». L’interprétation de la fidélité à la Vendée de
Charrette comme à celle de Clemenceau est plus récente.
Médaille d'honneur du Conseil Général.
Maurice BEDON
Ancien Conseiller Général de la Vendée
Dans son édition du dimanche 20 Janvier 2019, le quotidien régional « Ouest-France » a publié un article intitulé « Les squelettes retrouvés en Mayenne ont parlé » (cf. l’article ci-dessous).
Article de Ouest-France 20-0I-2019.
Pour comprendre de quoi il s’agit en réalité, il nous faut remonter quelques mois en arrière. Au mois de novembre 2018 un couple d’habitants de la commune de Saint-Denis-d'Anjou dans le département de la Mayenne avaient entrepris de faire faire des terrassements pour implanter une piscine privée sur leur propriété. Quelle ne fut pas leur surprise de trouver trois squelettes à cet endroit.
Les Gendarmes prévenus avaient aussitôt envoyés les restes humains pour analyse à l’Institut des recherches criminelles de la Gendarmerie Nationale à Paris.
Les résultats viennent de tomber et le maire de la commune Louis Guédon en a été informé officiellement. Il s’agit de trois squelettes humains de sexe féminin, une femme et deux jeunes filles. « Ils datent de plus de 100 ans ». La semaine prochaine ils seront normalement inhumés dans une fosse du terrain communal dans le cimetière de Saint-Denis-d'Anjou.
On peut donc de ce fait, écarter totalement l’hypothèse qu’il aurait pu s’agir de personnes ayant succombé pendant la débâcle de 1940, l’occupation allemande ou la libération de 1944. En revanche le mystère reste entier concernant la date de leur mort à cet endroit, les circonstances de celle-ci, et leur identité. Aussi l’hypothèse qu’il s’agisse de victimes de la Guerre de Vendée entre 1793 et 1794 s’est elle renforcée !
Extrait de la carte de Cassini datant du XVIIIème siècle.
Comme on peut le voir sur cette carte ancienne (publiée ci-dessus) établie par le géographe Cassini à la fin du XVIIIème siècle (donc à la veille des Guerres de Vendée), Saint-Denis-d'Anjou est située à 10 kilomètres environ de la paroisse de Sablé-sur-Sarthe. Dans le bourg de cette dernière passait déjà à cette époque la grande route Laval-La Flèche. Or celle-ci a effectivement été empruntée par l’armée vendéenne et la population qui la suivait lors de la Virée de Galerne, vers le 29 novembre 1793.
Itinéraire de retour de le Virée de Galerne.
On se souvient que les Vendéens, tout d’abord vainqueurs à Torfou le 19 septembre 1793 avaient finalement été battus à Cholet le 17 octobre. Fuyant les exactions des armées bleus, ils avaient franchi la Loire à Saint-Florent-le Vieil le 18 octobre 1793 et s’étaient dirigés vers Granville pour prendre un port et recevoir du secours. N’y étant pas parvenus le 15 novembre, ils avaient pris le chemin du retour dans une errance entrecoupée de combats qui se déroulaient dans des conditions atroces. De cette manière ils étaient à Laval le 27 novembre et arrivaient à Sablé-sur-Sarthe le 29 novembre.
La ville de Laval, le château et le pont.
Nous avons interrogé à ce propos l’historien spécialiste de la Virée de Galerne, Pierre Gréau, pour avoir son avis. Voici sa réponse :
« Sans vouloir l'affirmer à cent pour cent, il semble bien que ces squelettes soient ceux de Vendéens de la Virée de Galerne.... Nombreux sont ceux qui quittèrent la colonne principale pour échapper aux hussards républicains, pour trouver à manger où s'abriter des intempéries. Perdus, affamés, trempés et gelés, ils sont morts loin des leurs. Requiescat in Pace ».
Ajoutons que dans le contexte tendu de l’époque elles ont sûrement été enterrées clandestinement, par conséquent en dehors du cimetière officiel.
Tableau du musée de Cholet représentant la Virée de Galerne.
Peut être viendrons nous à en apprendre d’avantage ?
En tous cas, nous nous permettons de souhaiter qu’une des associations de la Mémoire Vendéenne s’intéresse au sort de ces pauvres femmes et surtout à leur future sépulture dans le cimetière de Saint-Denis-d'Anjou. A titre d’information, dans le terrain communal au cimetière, la tombe pourra disparaître ou être réutilisée dans neuf ans !
Chantonnay, le 22 janvier 2019
« Quatre Marins dans la Grande Guerre » c’est sous ce titre que Didier Besseau ; Lieutenant de vaisseau, publiera prochainement un nouvel ouvrage aux Éditions « La Chouette de Vendée ». Ce nouvel auteur de la maison d’Éditions nous offre aujourd’hui un petit article résumant la vie d’un de ces quatre marins : François Angibaud.
François Angibaud, sieur de la Morinière, capitaine royaliste de Beauvoir-sur-Mer et son frère Prosper, aide de camp du Général Charette, sont exécutés le 20 avril 1793 aux Sables d’Olonne. Cette ancienne et très honorable famille de Vendée, victime de la barbarie de la Convention Nationale, figure désormais parmi les martyrs d’une cause que tant d’autres ont payés de leurs vies dans cette région restée fidèle à Dieu et au Roi.
François Angibaud (1886-1915) .
Moins d’un siècle plus tard, leurs descendants se sont installés à Saint-Nazaire. C’est dans ce port breton que nait François Angibaud le 23 mai 1886. La mer est sa passion et tout naturellement il embarque à 16 ans en qualité de mousse à bord du vapeur Basse Indre puis sur divers navires du commerce pour apprendre un métier des plus difficile et ingrat, celui de chauffeur et soutier. Cette spécialité implique de passer de longues heures dans les profondeurs du bâtiment pour alimenter continuellement en charbon les chaudières et vérifier le bon fonctionnement des machines.
A partir de septembre 1906, François Angibaud est appelé à servir sur les vaisseaux de l’État. Durant trois années, il foule le pont du croiseur Catinat, de l’aviso-torpilleur Lance, du navire école des canonniers Tourville, du croiseur-cuirassé Bruix et du tout nouveau contre-torpilleur Voltigeur.
En 1910, de retour à la vie civile, il retrouve son métier et poursuit ses navigations au commerce. L’année d’après son père décède à Saint-Nazaire. François décide alors de suivre sa mère qui s’installe à Machecoul où demeure l’une de ses filles.
Fin juin 1914, il embarque sur le transport postal El Kantara à destination de Saïgon. Arrivée sur place, la situation internationale s’est terriblement dégradée. La guerre est inévitable. Le El Kanrara est alors réquisitionné par l’armée pour le transport de l’artillerie.
Le Cuirassier Le Bouvet .
François rentre en France en octobre 1914 étant désormais mobilisé dans la marine de guerre. Il embarque sur le puissant cuirassé Bouvet et servira en qualité de chauffeur à son bord. Il devra combattre sur le nouveau front des Dardanelles qui se trouve sous domination turque. Mais pourquoi doit-on désormais se battre si loin ? En Europe, la guerre s’enlise et les hommes s’enterrent dans les tranchées. Nos alliés russes subissent d’importants revers sur le front oriental qui se fige également sur une ligne allant de la mer Baltique à la mer Noire. Le détroit des Dardanelles devient l’unique passage qui peut maintenir la communication entre la Russie d'un côté, la France et le Royaume-Uni de l'autre. Il doit rester ouvert à tout prix !
Notre jeune marin est conscient des risques qu’il va devoir affronter et adresse à sa mère et sa sœur un courrier rempli de résignation face aux dangers qui ne manqueront pas. Le 18 mars 1915, le Bouvet participe à un combat décisif pour tenter de franchir le détroit des Dardanelles. Ce détroit est un enjeu stratégique d’importance pour permettre une communication rapide entre les Alliés européens et russes. Une escadre franco-britannique de 18 vaisseaux ouvre le feu sur les forts turcs qui défendent ce passage. Le combat fait rage et son issue ne fait guère de doutes pour les commandants anglais et français. Les Turcs ont bien préparé leur défense et leurs tirs endommagent de nombreux bâtiments. Il est alors décidé de battre en retraite avant que cette défaite ne se transforme en déroute. Il est 11h58 quand le Bouvet entame sa manœuvre de repli et heurte l’une des nombreuses mines flottantes déployées par les forces ottomanes dans tout le détroit.
Une énorme explosion se fait entendre. Les machines sont immédiatement envahies par l’eau. François Angibaud et ses compagnons comprennent alors qu’ils vont mourir. Le Bouvet est perdu et tel un animal touché à mort, le fier cuirassé se couche et coule en quelques minutes seulement. Seuls 75 hommes survivront à ce désastre. On compte 648 morts parmi lesquels le brave commandant Rageot de La Touche qui voulut partager le sort de son équipage plutôt que survivre.
A 29 ans, l’âge où l’on veut créer une famille, avoir des enfants, François Angibaud a donné sa vie pour la Patrie. Après la guerre, l’heure des hommages étant venue, chaque commune a érigé un monument dédié à la Mémoire de ceux qui ne reviendront pas. Ni Saint-Nazaire, ni Machecoul n’a alors inscrit le nom de François Angibaud sur leurs tables mémorielles.
Mais François connaitra, un siècle après sa disparition, un destin post-mortem peu commun et ô combien honorifique. Le 30 septembre 2015, le Centre d’instruction de Saint-Mandrier dans le Var, qui forme les quartiers-maîtres et matelots de la Flotte, a été le théâtre d’une cérémonie qui honore chaque année un marin Mort pour la France.
La Marine nationale a décidé que la cession 2015-2016 portera le nom de « Promotion Matelot François Angibaud ».
La nouvelle plaque sur le monument de Machecoul .
La municipalité de Machecoul a souhaité également rendre hommage à ce marin. Le dimanche 11 novembre 2018, une cérémonie émouvante s’est déroulée devant le monument aux Morts. Les autorités civiles et militaires présentes et Madame Valérie Renty arrière-petite nièce de François, ont dévoilé une plaque sur laquelle figure les noms de combattants morts pour la France qui dormaient depuis un siècle dans un anonymat total.
François Angibaud a désormais son nom gravé pour toujours auprès de ses compagnons d’armes qui, comme lui, ont sacrifié leurs vies pour la France.
Didier Besseau lors de la cérémonie du 11 XI 2018 .
Au travers de la vie de François Angibaud, un pan du rôle de la Marine au cours de la première Guerre mondiale a été abordé. Tout au long de ces quatre années de conflit, la Marine a combattu pour protéger nos côtes et a aussi partagé le sort des soldats de l’infanterie dans les tranchées. Peu connaissent la réelle importance de notre Marine entre 1914 et 1918 malgré l’engagement total de nos forces maritimes.
Didier BESSEAU
Pour
réparer quelque peu cet « oubli historique », Didier Besseau,
Lieutenant de vaisseau dans la Réserve citoyenne, a rassemblé des archives
familiales et administratives pour retracer le destin de « Quatre marins
dans la Grande Guerre». C’est sous ce titre qu’il publiera son ouvrage aux
Editions « La Chouette de Vendée », vous pourrez y retrouver François
Angibaud, mais aussi Jean-Marie Allo, Aristide Moyon et Pierre Perraud, marins
du commerce ou de l’État.
Né en 1720 à Rennes, Jean Toussaint Guillaume de La Motte, dit La Motte-Picquet, est sans aucun doute l’un des plus valeureux officiers de la marine française au 18ème siècle. C’est à Brest, en 1735, qu’il commence sa carrière en entrant à l’école des Gardes de la Marine.
Toussaint de la Motte-Picquet.
Sa longue carrière se déroule sur près de cinquante ans. Il effectue 28 campagnes au cours desquelles il traverse la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), la guerre de Sept ans (1756-1763) et la guerre d’Indépendance (1778-1783). C’est lors de cette dernière guerre, au cours de laquelle plusieurs futurs chefs Vendéens tels que Bonchamps et Charrette font leurs armes, qu’il se couvre de gloire et devient célèbre.
Au cours de ses 28 campagnes durant lesquelles il exerce 10 commandements, il affronte à 11 reprises les anglais au prix de sept blessures. Chevalier de l’ordre de Saint-Louis en 1756, commandeur en 1780 et Grand Croix en 1784, il est en 1784 l’un des membres fondateurs de la Société des Cincinnati. Resté célibataire, il décède à Brest en 1791.
Le Port de Brest au XVIIIème siècle.
La Motte-Picquet n’a pas laissé de récit sur sa vie, hormis deux petits mémoires détaillant ses différentes campagnes. Conservés aux Archives Nationales à Paris, l’un d’eux va de 1735 à 1744 et ne compte que 2 feuillets. L’autre reprend sa carrière depuis 1735 jusqu’en 1764 et comprend 6 feuillets de son écriture serrée, très lisible. Ces documents précieux se trouvent dans son dossier personnel. On trouve aussi, toujours dans son dossier personnel, un mémoire résumant sa carrière depuis 1772 jusqu’à 1783. Ce mémoire n’est pas de sa main mais une copie d’un mémoire autographe, mémoire dont avait hérité l’un de ses petits neveux, A. de La Motte, enseigne de vaisseau. Ce dernier avait eu la bonne idée d’en donner une copie aux archives nationales en 1839. L’histoire de La Motte-Picquet restait donc à écrire, ce qui n’avait pas été fait jusqu’à présent.
Carte postale en hommage à La Motte-Picquet.
Pour reconstituer sa carrière, il faut consulter les archives et s’aider tout particulièrement des documents concernant ses campagnes successives. On y trouve en particulier sa correspondance. Il était en effet d’usage sous l’ancien régime, pour un officier exerçant un commandement, de rendre compte au ministre du déroulement de sa campagne. Ces documents sont conservés dans la série Marine B4 aux archives nationales à Paris
A travers sa correspondance, on découvre un homme passionné par son métier, soucieux de faire respecter le pavillon de son roi et, en temps de guerre, déterminé à se battre si nécessaire jusqu’à la dernière goutte de son sang. On découvre aussi son intérêt pour ses officiers pour lesquels il ne cesse de demander des promotions. Il n’oublie pas ses équipages, trop souvent négligés par le haut commandement, manquant de tout : il se bat pour qu’ils soient vêtus et payés. Tout cela le rend particulièrement attachant et il n’est pas surprenant d’apprendre qu’il était adulé de ses hommes.
La Bataille de Fort-Royal.
Ses hauts faits d’armes sont restés en mémoire, tout particulièrement son combat du 18 décembre 1779 à la Martinique dans la baie de Fort-Royal. Ce jour là, on annonce à La Motte-Picquet l’arrivée d’un convoi venu de Marseille, convoi très attendu dans la colonie car il apporte des vivres et des munitions. On annonce aussi que ce convoi est attaqué par une escadre anglaise, forte de 13 vaisseaux, commandée par l’amiral Hyde Parker. La Motte-Picquet n’hésite pas une seconde et suivant son intrépidité habituelle, lève l’ancre pour se porter seul au devant des anglais avec son vaisseau l’Annibal. Il réussit par sa fougue et ses brillantes manœuvres à stopper net l’action des anglais et, soutenu une heure plus tard par deux autres vaisseaux de son escadre, parvient à sauver la plus grande partie du convoi tant attendu. Cet exploit sera salué aux Antilles comme en France et, fait extraordinaire, La Motte-Picquet recevra même une lettre de l’amiral anglais qui lui fera part de son admiration.
En 1786, Louis XVI qui s’intéressait de très près à sa Marine et qui avait tant fait pour qu’elle retrouve son rang, décide de commander une série de tableaux afin de commémorer ces heures de gloire de la Royale. Tout naturellement cette bataille de Fort-Royal fera partie des sujets représentés. Ce tableau, peint par Auguste-Louis de Rossel est conservé de nos jours au musée de la Marine à Paris.
L’avenue La Motte-Picquet à Paris.
(entre L’École Militaire à droite et le Champ de Mars à gauche, alors encore encombré par les vestiges de l’exposition universelle).
La Motte-Picquet a donné son nom à des bâtiments de Marine et à des rues, à Rennes sa ville de naissance et à Brest, sa ville d’élection. Une avenue porte son nom à Paris, mais on s’étonne qu’il n’y ait aucun monument dédié à sa mémoire.
Buste de la Motte-Picquet, Brion 1835.
Pour retrouver ce grand homme, il faut aller au Musée de la Marine où se trouvent le tableau cité plus haut et un buste le représentant, buste sculpté en 1835 par Brion. Ce buste, quelque peu idéalisé, a le mérite de nous remettre en mémoire cet illustre marin qui avait tant fait pour la gloire de son Roi et de son pays.
Alain GAILLARD
Les Armoiries de la Motte-Picquet dans la station de métro à son nom.
« d’azur à 3 chevrons d’or accompagnés de 3 pointes de lance d’argent, posées 2 en chef et une en pointe » (ce qui constitue des armes semi-parlantes : pointe de lance = pique = Picquet).
Le neveu de La Motte-Picquet, chef chouan.
Au cours de la seconde guerre mondiale, en Vendée comme dans d’autres départements, des gens courageux n’ont pas hésité, au risque de leur vie et de celle de leurs proches, à porter secours à des aviateurs alliés dont les avions avaient été abattus et qui, après avoir sauté en parachute, se retrouvaient en pays occupés par les Allemands et risquaient d’être capturés. Christine Guillet fait partie de ces héros méconnus puisqu’elle a caché dans sa ferme pendant près d’un an un aviateur américain alors qu’elle connaissait très bien le danger qu’elle courait et faisait courir à toute sa famille : si cet aviateur avait été trouvé chez elle par les Allemands, son mari aurait été aussitôt fusillé et elle aurait été déportée avec ses enfants. Il a fallu attendre 1996 pour qu’elle soit honorée au cours d’une cérémonie très émouvante présidée par Monsieur Philippe De Villiers.
Voici l’histoire de cette héroïne et de cet aviateur américain, Harold Lyberger, telle qu’il a été possible de la reconstituer en interrogeant tous les témoins retrouvés, à commencer par Madame Guillet, et en consultant les archives américaines. Mais comment cet aviateur a-t-il pu se retrouver dans une ferme de Vendée pendant la dernière guerre ? Avant d’aller plus loin, il n’est pas inutile de faire un bref rappel historique.
L’entrée en guerre des américains
La seconde guerre mondiale commence le 3 septembre 1939 à la suite de l’invasion de la Pologne par Hitler. La France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne mais les troupes ne bougent pas. Les seules actions se déroulent sur mer et dans les airs. Les Anglais commencent à bombarder des cibles allemandes. En mai 1940, les Allemands déclenchent une guerre éclair. En quelques semaines, la Hollande, la Belgique puis la France sont envahis et en juin, Pétain signe un armistice. L’Angleterre se retrouve seule à combattre et poursuit sa campagne de bombardement sur l’Allemagne.
Le 7 décembre 1941, à la suite de l’attaque japonaise de Pearl Harbor, l’Amérique entre à son tour en guerre, non seulement contre le Japon mais aussi contre l’Allemagne et l’Italie. Roosevelt et Churchill se rencontrent et décident de faire porter en priorité leur effort de guerre contre les nazis afin de libérer l’Europe occupée. Pour ce faire, il faudra effectuer un débarquement en France et celui-ci ne pourra réussir qu’après avoir désorganisé la machine de guerre allemande. Les Anglais, renforcés par les Américains, déclenchent alors une guerre aérienne intensive avec en particulier une campagne de bombardements stratégiques destinés à détruire le potentiel de guerre ennemi : usines, raffineries de pétrole, installations portuaires, moyens de communication. Dès le mois d’août 1942, les Américains, arrivés en renfort et dont les avions sont basés au sud de l’Angleterre, partent attaquer les Allemands non seulement sur leur territoire mais aussi dans les pays occupés, dont la France.
Les Anglais, qui supportent seuls l’effort de guerre depuis 1939, font voler leurs bombardiers la nuit pour échapper le plus possible aux chasseurs et à la DCA. De ce fait, leurs bombardements manquent le plus souvent leurs cibles. Les Américains ont choisi une option différente : ils ont décidé de bombarder en plein jour afin de frapper leurs objectifs avec plus de précision. Leurs bombardiers stratégiques quadrimoteurs, type « Liberator » et « Forteresse volante » sont équipés d’un viseur ultra moderne, le « Norden », ce qui doit théoriquement leur permettre de toucher leurs cibles sans erreur. Pour se protéger des chasseurs ennemis, ces avions sont hérissés de mitrailleuses et volent à haute altitude, au moins à 5 000 mètres, pour rester hors de portée de la DCA.
Harold Lyberger, aviateur américain
Harold Lyberger, cet aviateur américain qui sera caché par Christine Guillet, est âgé alors de 26 ans. Marié, il habite près de New York, à Newark dans le New Jersey. Il s’est engagé dans l’armée de l’air en 1942 et, après une période d’entrainement, a rejoint l’Angleterre en février 1943. Il fait partie de la 8ème Air Force. Son unité, équipée de forteresses volantes, est le 91ème Bomb group, 323ème squadron, basé à Bassingbourn au nord de Londres.
Une forteresse volante semblable à celle d’Harold Lyberger.
Ces forteresses volantes ont un équipage de dix hommes. Les camarades d’équipage d’Harold Lyberger sont :
Eldon Smith, pilote H. Cramer, co-pilote B. Bone, mitrailleur
Banowetz, navigateur S. Hansen, bombardier A. Antonacchio, mitrailleur
J. Schmitt, radio-opérateur L.M. Young, mitrailleur W. Mazzola, mitrailleur de queue.
Harold Lyberger est ingénieur et mitrailleur de tourelle.
Intérieur d’une forteresse volante B 17 G. Le poste d’Harold Lyberger est la tourelle la plus haute, située derrière le poste de pilotage.
Au mois de septembre 1943, la 8ème Air Force qui a subit de lourdes pertes les semaines précédentes lors de longues missions au dessus de l’Allemagne doit faire une pause et programmer des missions moins longues donc moins dangereuses. L’occasion se présente lorsque les Américains apprennent par des résistants qu’un bateau ravitailleur de sous-marins est arrivé dans le port de Nantes. C’est une cible prioritaire car les sous-marins allemands attaquent et coulent de nombreux cargo qui transportent d’Amérique des secours aux Anglais. Le bombardement de Nantes est programmé pour le 16 septembre et Harold Lyberger va faire partie de cette mission. Les avions américains doivent bombarder le port, mais aussi l’aéroport de Château-Bougon. Cette dernière cible est celle d’Harold Lyberger, qui a bien failli périr le 16 août précédent : parti pour bombarder l’aéroport du Bourget, son avion baptisé « All American », victime d’une explosion à son bord, avait du rebrousser chemin à 4 km des côtes françaises et était tombé en mer du Nord à 12 km de l’Angleterre. Heureusement, tout l’équipage a été repêché par une vedette de la Royal Navy.
Le 16 septembre, à 10 heures du matin, 131 forteresses volantes s’envolent du sud de l’Angleterre. L’avion d’Harold Lyberger porte le numéro 42-3079. L’escadrille traverse la Manche et survole ensuite la Bretagne. Au sud de Rennes, volant à 6 000 mètres et se dirigeant vers Nantes, l’avion d’Harold Lyberger est touché par la DCA et perd de l’altitude.
Harold Lyberger et ses camarades sautent en parachute
Au dessus de Saint-Nazaire, l’avion est en perdition. Le pilote qui tient le rôle de commandant de bord, donne l’ordre à ses hommes d’abandonner l’avion et branche le pilote automatique. Les dix hommes d’équipage sautent en parachute. Lors de sa descente, Harold Lyberger voit l’avion se diriger vers l’océan et le perd de vue.
La fin de cet avion est connue grâce à des témoins de sa chute : après avoir survolé la baie de Bourgneuf, la forteresse volante frôle les toits de Saint-Jean-de Monts, perd un moteur en touchant des peupliers puis se pose dans un pré de la ferme de Champ-Gaillard, près de la plage des Demoiselles. Monsieur Mathurin Barranger qui assiste à l’atterrissage de cet avion fantôme se souvient :
« Ce jeudi 16 septembre, un peu après 16 heures, je soignais mes moutons dans la grange, quand un grand vacarme me fit me précipiter au dehors. Je fus suffoqué par le spectacle qui s’offrait à moi : un énorme avion quadrimoteur venant du nord, après avoir fauché une rangée de peupliers atterrissait normalement dans le champ voisin planté de betteraves, puis franchissait le buisson, traversait un pré où paissaient des vaches, sans les toucher. Il terminait sa course folle dans le champ de maïs contigu, où il s’immobilisait sans capoter.
Je me suis immédiatement précipité vers l’avion, mais, nouvelle surprise, il n’y avait personne à bord et aucun parachute dans le ciel. Monsieur Jean Daniau, qui avait failli recevoir un des moteurs sur la tête, arrivait lui aussi en courant, pénétrait à l’intérieur du fuselage par une porte restée ouverte et ramenait une paire de bottes d’aviateur. Il était temps, les Allemands accouraient au grand galop et interdisaient l’entrée du champ aux visiteurs qui venait voir ce spectacle insolite ».
Pendant ce temps, les parachutistes terminent leur descente. L’un d’eux, Bone, a le malheur de tomber en mer et se noie. Son corps sera découvert le 8 octobre suivant sur la plage de Coulepasse, près de Bouin, où il sera inhumé pour être transféré ensuite au cimetière américain de Draguignan. Ses neuf camarades touchent la terre ferme où ils sont attendus par les militaires allemands qui les arrêtent aussitôt. Seul Harold Lyberger, tombé à l’écart des routes, réussit à échapper aux recherches. Il détache son parachute et retire sa combinaison chauffante, équipement indispensable pour les missions à haute altitude dans ces avions non pressurisés où la température peut tomber à moins quarante degrés et où il faut porter des masques à oxygène. Il jette son parachute et sa combinaison dans un buisson et s’éloigne de son point de chute, l’œil aux aguets. Sur le dos de son blouson est écrit en grosses lettres « All American », nom de la forteresse volante avec laquelle il était tombé en mer du Nord un mois plus tôt.
Harold Lyberger tente de rejoindre l’Espagne
Harold Lyberger essaie, suivant les consignes de son commandement, de rejoindre l’Angleterre en passant par l’Espagne. Pour se guider, il a, comme tous ses camarades, une boussole et une carte de France imprimée sur son foulard de soie. Il peut espérer être aidé dans sa fuite par des résistants, comme l’ont déjà été et comme le seront beaucoup d’aviateurs alliés tombés en France.
Il passe sa première nuit de fugitif à la belle étoile. Le lendemain, il repart et suit la voie de chemin de fer Bourgneuf-Nantes. Il arrive vers 11 heures du matin près de la gare de Cheméré. Dans la gare se trouve monsieur Jean Conan, âgé alors de vingt ans, qui surveille le chargement de wagons que l’on remplit de pierre d’une carrière proche, pierres destinées à la construction du mur de l’Atlantique. Monsieur Conan aperçoit Harold Lyberger qui essaie de se cacher dans des buissons. Il va à sa rencontre, lui demande ce qu’il cherche, ne comprend pas ce qu’il dit et devine qu’il s’agit d’un aviateur allié. Il le conduit alors chez son beau-frère, monsieur Denis, chef de gare. Lyberger semble très inquiet, ayant manifestement peur d’être livré aux Allemands. Ne parlant pas le français et ses interlocuteurs ne parlant pas l’anglais, il montre son uniforme américain. Sur sa manche est cousu l’insigne de son escadrille : un bouc assis sur une bombe.
Insigne du 323ème Bomb squadron, 91ème Bomb group.
Il montre aussi ses papiers militaires, ses rations de secours, sa trousse de secours pour prouver son identité.
Monsieur Conan le laisse avec son beau frère pour aller déjeuner et revient à la gare à 13 heures 30. Son beau-frère lui apprend que l’aviateur est parti vers Saint-Hilaire de Chaléons en suivant la voie de chemin de fer. Il essaie de le rejoindre pour l’aider et le mettre à l’abri des recherches, mais, malgré ses appels, il ne le retrouve pas. L’année suivante, monsieur Conan rejoint le maquis de Princé. Il participe ensuite aux combats pour libérer la poche de Saint-Nazaire.
Le soir du 17 septembre, Harold Lyberger arrive dans une ferme où un couple de viticulteurs l’invite à partager leur repas et l’héberge pour la nuit. En repartant le lendemain matin, il leur offre en remerciement sa montre en or. Il arrive vers midi en bordure de l’aéroport de Château-Bougon et voit des soldats allemands montant la garde. Il repart alors vers le sud. Dans la soirée du 18 septembre il demande de l’aide à des fermiers qui refusent de le recevoir par crainte de représailles, les Allemands menaçant de fusiller ceux qui aideraient des aviateurs alliés.
Affiche placardée par les Allemands
dès 1941. Ces menaces
n’ont
pas empêché des Français d’aider des aviateurs alliés tombés
sur notre sol. Certains l’ont payé de
leur vie.
Harold Lyberger reprend son chemin et couche à la belle étoile, mais heureusement il ne pleut pas et la température est encore clémente.
L’arrivée d’Harold Lyberger à la Preuille
Le 19 septembre, dans l’après-midi, Harold Lyberger arrive à la Preuille, propriété vendéenne située à 25 kilomètres au sud de Nantes, près de Saint-Hilaire de Loulay. Dans cette propriété se trouve un château du 13ème siècle, remanié au 15ème siècle. Ce château est entre autre célèbre pour avoir accueilli et caché la duchesse de Berry avant son arrestation à Nantes lors de sa folle équipée en 1832.
Le château de la Preuille.
Fatigué par ses longues marches et surtout affamé, ayant consommé ses rations de secours, il entre dans la vigne au dessus du château où il trouve quelques grappes de raisin. Il est alors surpris par Christiane Guillet, âgée de huit ans, dont les parents, Christine et René Guillet habitent une des fermes de la propriété voisine, la Haute-Preuille. Elle est accompagnée d’une de ses cousines. Elles ont un peu peur car elles ne comprennent pas ce qu’il leur dit. Arrive alors Marcel Guillet, âgé de vingt ans, fils de Léon Guillet habitant l’autre ferme de la Haute-Preuille. Il parle un peu anglais et conduit Harold Lyberger chez son oncle, monsieur Durand, fermier de la Basse-Preuille qui invite l’aviateur à partager le dîner familial et l’héberge pour la nuit. Les Guillet et les Durand se réunissent dans la soirée et discutent de la marche à suivre. Harold Lyberger ne pourra pas rester le lendemain à la Basse-Preuille car le château est occupé par une colonie de vacances. Il risque d’être repéré. Il sera plus en sûreté à la Haute-Preuille, de préférence chez René et Christine Guillet qui n’ont que trois enfants, le frère de René, Léon en ayant quinze.
Le lendemain, 20 septembre, René Guillet vient chercher Harold Lyberger et le conduit chez lui. On le fait déjeuner, dîner, et le soir il couche dans un bon lit. Le lendemain matin, Harold fait comprendre qu’il veut repartir. Christine Guillet lui prépare une petite sacoche où elle met du pain, quelques pommes, une perdrix rôtie et une bouteille de vin.
Madame Guillet décide de cacher Harold Lyberger
Au moment où il commence à s’éloigner, persuadée qu’il va être arrêté, elle court le rejoindre, lui fait comprendre qu’il va être pris s’il s’en va et qu’elle peut le cacher. Il semble comprendre et revient avec elle à la ferme. Son mari, surpris par la tournure des événements, hésite, craignant des représailles, mais finalement se rallie à la décision de sa femme. Déterminée, Christine Guillet décide seule de mettre les vêtements militaires d’Harold dans une caisse en bois qu’elle enterre en plein milieu d’un champ de topinambours. Elle donne à l’aviateur des habits de son mari, dont son beau gilet de mariage. Au cours des mois suivants, elle n’achète pas de vêtements nouveaux de peur d’éveiller les soupçons et réussit à vêtir tant bien que mal Harold avec ce qu’elle a chez elle.
Les Guillet connaissent un résistant qui habitent dans le voisinage, monsieur Pierre Baudry. Mis au courant de la situation, celui-ci dresse un plan de la ferme et le fait parvenir à Londres pour qu’un avion vienne récupérer Harold. Le jour où l’avion viendra, les Guillet devront étaler un drap blanc dans un champ près de la ferme et s’éloigner pour ne pas être arrêtés au cas où les Allemands surviendraient. Il y a d’ailleurs une opération semblable prévue près de Chavagnes-en-Paillers pour un autre aviateur allié. Par malchance, cette dernière opération va échouer et monsieur Baudry, dénoncé par des voisins, sera arrêté. Heureusement, sa maison n’est pas fouillée et sa femme réussit à brûler les papiers compromettants cachés dans une lessiveuse. Monsieur Baudry mourra en déportation à Mauthausen.
Harold reste donc chez les Guillet, partageant leur vie et participant aux travaux de la ferme. Il est logé dans une chambre et les Guillet lui laissent un lit tout neuf qu’ils venaient d’acheter. On le fait passer pour sourd-muet et un peu « demeuré ». On lui procure une fausse carte d’identité au nom de Daniel Briand, carte faite par monsieur Joseph Caillé, café du Four, 2 Route de Saint-Joseph à Nantes.
Les Guillet sont tout à fait conscients du danger qu’ils courent. Leurs trois enfants sont encore petits (6, 8 et 12 ans) et peuvent bavarder. Ils leur font la leçon : s’ils parlent, toute la famille sera fusillée. Par sécurité, un réseau de surveillance est organisé : trois amis sûrs, mis dans la confidence, vont écouter ce que l’on dit dans les environs. Au moindre bavardage, ils viendront prévenir les Guillet qui feront partir Harold. En cas de visite nocturne intempestive, Harold doit s’enfuir par la fenêtre et un des enfants doit prendre sa place dans le lit.
Malgré les nombreux passages de visiteurs venant chercher des provisions à la ferme, tout se passe bien et personne ne se doute que les Guillet cachent un aviateur allié sauf une infirmière qui s’occupe de la colonie de vacances logée au château. A la fin du printemps 1944, elle multiplie ses visites et devine la vérité, mais elle n’en parle à personne. Elle doit d’ailleurs soigner Harold qui s’est blessé au cours de son travail.
Harold se fait bien à sa nouvelle vie et ne semble pas trop malheureux. Un jour, alors qu’il travaille près de la ferme, il se met à chanter une chanson américaine. Un visiteur étant arrivé, Christine Guillet envoie un de ses enfants lui dire de se taire. Le soir, il apprend un peu d’anglais aux enfants, mais ne parlant pas le français et les Guillet ne parlant pas l’anglais, la communication n’est pas toujours facile. Elle se fait la plupart du temps par gestes et mimiques ce qui déclenche souvent des fous rires. Lorsque les Guillet sentent qu’il a le cafard, ils essaient de l’occuper ou de le distraire. De plus, pour qu’il ne soit pas complètement coupé du monde extérieur, ils le conduisent de temps en temps le soir, à travers les champs, au village voisin de la Proutière où vit une sœur de Christine Guillet. Le village a l’électricité et la sœur de Christine Guillet possède un poste de radio sur lequel Harold peut écouter la BBC.
Harold Lyberger retrouve ses compatriotes
Le 6 juin 1944, les alliés débarquent en Normandie et le 25 août, une avant-garde américaine arrive à Nantes. Harold, tenu au courant des événements, demande aux Guillet d’aller signaler sa présence à ses camarades afin de ne pas être pris pour un déserteur. Il reprend alors ses vêtements militaires, bien conservés grâce aux précautions de Christine Guillet, mais depuis son arrivée à la ferme, il a grossi et a du mal à enfiler son pantalon. René Guillet part à Nantes à bicyclette. Il rejoint après bien des difficultés les Américains car il lui faut traverser la Loire et le pont de Pirmil a été détruit par les Allemands. Les Américains sont heureux d’apprendre qu’un des leurs s’en est aussi bien sorti et promettent de venir chercher Harold le mardi 5 septembre. Ils viennent finalement plus tôt que prévu, le samedi 2 vers 10 heures. Ils ne trouvent à la ferme que Christine Guillet, son mari et Harold étant partis faire une course à Remouillé, petit bourg proche de la ferme. Ils disent qu’ils repasseront le soir même après avoir récupéré un prisonnier allemand à Cholet.
Christine Guillet va aussitôt chercher son mari et Harold à bicyclette. Apprenant la venue de ses compatriotes, Harold est fou de joie. Pour fêter la nouvelle, il boit plusieurs verres de vin et, arrivé à la ferme, s’effondre sur son lit. En fin d’après-midi, il a récupéré. Une fête a été préparée pour son départ, avec des gâteaux, du champagne et du muscadet.
Harold Lyberger entre René et Christine Guillet le jour de son départ.
La nouvelle s’étant répandue, il y a déjà soixante dix personnes dans la cour de la ferme lorsque les soldats américains arrivent dans leur jeep avec leur prisonnier. Celui-ci se fait le plus discret possible. Quelques invités, sous l’effet de la boisson se moquent de lui et veulent le frapper. Christine Guillet s’interpose aussitôt et dit qu’elle ne permettra pas cela chez elle.
Lorsque les Américains demandent à Harold comment son séjour s’est passé et s’il a été bien traité, il répond « j’ai été traité comme un enfant de la maison ».
Le directeur de la colonie de vacances hébergée dans le château, découvrant la présence de cet aviateur américain, déclare que s’il avait su cela plus tôt, il n’aurait pas hésité à aller tout raconter aux Allemands pour faire libérer son frère prisonnier. A la lumière de cette anecdote, on comprend à quel point les Guillet avaient risqué gros en cachant Harold Lyberger.
Le mardi 5 septembre, Harold Lyberger est de retour à sa base en Angleterre et fait son rapport. Il précise qu’il n’a vu lors de sa descente que sept parachutes et qu’après son atterrissage, il n’a pas revu ses camarades. Il raconte ensuite sa fuite et son séjour chez les Guillet, insistant sur leur gentillesse et leur dévouement. Pour lui, la guerre est finie. Contrairement aux Anglais, les aviateurs américains évadés après être tombés en Europe occupée ou en Allemagne ne repartent pas en mission. Il apprend que son camarade Bone, tombé en mer est mort noyé et que les autres aviateurs de son équipage ont survécu mais ont tous été fait prisonniers. Ils ne reviendront que l’année suivante, après la capitulation de l’Allemagne, le 8 mai 1945.
De retour aux États-Unis, il retrouve sa femme, Wanda E. Lyberger qui était sans nouvelles de lui depuis le 16 septembre 1943 mais avait gardé espoir. Elle avait reçu, selon la procédure habituelle, un télégramme lui annonçant que son mari avait été porté manquant au retour de sa mission et il était précisé que l’équipage de son avion avait sauté en parachute. Il avait donc pu survivre en étant caché quelque part puisque sa présence dans les camps de prisonniers allemands n’avait pas été signalée plus tard par la Croix Rouge, contrairement à ses huit autres camarades. L’administration lui avait aussi adressé un mandat de 59 dollars, et six bons du trésor que son mari avait laissé dans son placard en partant pour sa dernière mission.
Après son retour à la vie civile, Harold Lyberger a écrit à plusieurs reprises aux Guillet, les remerciant de tout ce qu’ils avaient fait pour lui, sa dernière lettre datant de 1946. Christine Guillet a pensé que le dialogue s’était interrompu alors par la faute de leur neveu, Marcel Guillet, qui avait écrit à Harold et lui avait demandé de lui envoyer une carabine.
Christine et René Guillet ont reçu en 1946 une grande enveloppe des Etats-Unis contenant un parchemin signé Eisenhower, disant la reconnaissance du peuple américain pour leur conduite courageuse.
Le certificat signé Eisenhower, reçu
par les Guillet.
En 1948, monsieur Guillet a été nommé chevalier du mérite agricole à titre exceptionnel pour son action pendant la guerre. Il est décédé en 1988.
Au début des années 1990, madame Guillet n’habite plus dans sa ferme de la Preuille. Elle l’a laissé à ses enfants après la mort de son mari. Elle vit dans un petit pavillon du « Foyer Soleil » à Saint-Hilaire-de-Loulay et se souvient d’Harold comme si tout cela s’était passé hier. Elle trouve que ce qu’elle a fait était bien naturel, n’en tirant aucune fierté.
A la recherche d’Harold Lyberger
Peu de temps après avoir caché Harold Lyberger, monsieur et madame Guillet avaient mis au courant le docteur René Picard, professeur à l’école de médecine de Nantes, et sa femme, propriétaires de leur ferme. Bien évidemment, les Picard avaient gardé le secret. Ils avaient même fait parvenir à Harold des livres en anglais pour le distraire et surtout avaient eu la bonne idée d’écrire un bref résumé de son parcours avec son nom et son numéro de matricule. Fort de ces renseignements retrouvés au début des années 1990, on pouvait espérer reprendre contact avec Harold Lyberger ou sa famille en écrivant à différents services de l’armée de l’air américaine. Cet espoir ne s’est malheureusement pas concrétisé : le National Personnel Records Center de Saint-Louis, Missouri, nous a appris qu’il était décédé le 19 août 1983. Il nous a par ailleurs été précisé qu’Harold n’avait pas eu d’enfant et que l’adresse de sa femme était inconnue. Madame Guillet en a été bien attristée, ayant gardé l’espoir d’avoir un jour de ses nouvelles.
L’odyssée d’Harold Lyberger ainsi reconstituée a été publiée en Janvier 1996 dans une revue vendéenne, «La fin de la Rabinaie». Un exemplaire en a été adressé à Monsieur Philippe de Villiers en soulignant le rôle exceptionnel qu’avait joué madame Guillet dans cette histoire et en proposant qu’une cérémonie soit organisée en son honneur.
La cérémonie en l’honneur de Madame Guillet
Il s’en est suivi, le samedi 12 octobre 1996, une cérémonie très émouvante à la ferme de la Haute-Preuille où Harold Lyberger avait été caché. Au cours de cette cérémonie, présidée par Monsieur Philippe de Villiers, étaient présents le maire de Saint-Hilaire-de-Loulay et l’union locale des anciens combattants portant leurs drapeaux. Christine Guillet, qui aurait bien mérité d’être décorée de la Légion d’Honneur, a reçu alors la médaille du département, la médaille de la commune et deux diplômes américains, l’un signé Ralph Patton, président de l’Escape and Evasion Society, l’autre signé par le Field Commander Rogers, de l’association des anciens combattants américains.
Christine Guillet aux côtés de Philippe de Villiers lors de la cérémonie
du 12 octobre 1996.
Était présente aussi à la cérémonie Suzann Roten dont le père, John Roten, engagé dans la 8ème Air Force, avait lui aussi sauté de son avion en parachute lors de la seconde guerre mondiale. En février 1943, alors qu’il était à bord d’une forteresse volante du 91ème Bomb group, le même groupe que celui d’Harold Lyberger, il était venu bombarder Saint-Nazaire et avait été abattu par la DCA. Sur les 10 hommes d’équipage, seuls quatre d’entre eux avaient pu sauter en parachute. Les trois camarades de John Roten étaient tombés en mer au large de Noirmoutier, près du port de l’Herbaudière. Des pêcheurs avaient voulu leur porter secours mais ils en avaient été empêchés par les Allemands pendant plusieurs heures. Lorsque ces pêcheurs avaient enfin pu partir, ils n’avaient pu repêcher que des cadavres. Plus chanceux, John Roten était tombé sur une maison de l’Herbaudière et avait été recueilli par des villageois qui lui avaient servi une grande tasse de café bien chaud et donné un gros chandail. Peu de temps après, les Allemands étaient venus l’arrêter. Il avait terminé la guerre en Allemagne dans un camp de prisonniers. En faisant des recherches sur les avions alliés tombés en Vendée au cours de la dernière guerre, le docteur Gouraud, médecin retraité demeurant à la Roche-sur-Yon, venait juste de retrouver sa trace et c’est ainsi que la fille de cet aviateur, Suzann Roten, de passage en France, était venu assister à la cérémonie de la Haute-Preuille, remettant à cette occasion à Christine Guillet la médaille de Malte, dédiée à ceux ayant œuvré pour la patrie américaine.
Le jour même de cette cérémonie, une plaque commémorant le séjour l’Harold Lyberger chez René et Christine Guillet a été posée sur le mur de la ferme où il avait été caché.
Plaque commémorative posée sur la maison de René et Christine Guillet.
Christine Guillet a manifestement été très heureuse de cet hommage en présence de ses enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants, certains d’entre eux découvrant ce jour là à quel point elle avait été courageuse et les risques qu’elle avait couru pour sauver cet aviateur américain. Elle en a été d’autant plus touchée que cet hommage était aussi rendu à son défunt mari, ce qui n’avait jamais été vraiment fait jusqu’alors.
L’année suivante, John Roten, venu à Noirmoutier sur les lieux de son atterrissage en parachute, est passé à la Preuille et a pu ainsi rencontrer cette femme hors du commun.
Christine Guillet est décédée en 2001 dans sa maison de retraite. Ces quelques lignes ont été écrites pour que son geste admirable ne tombe pas dans l’oubli.
le 22 septembre 2018
Alain GAILLARD
La petite commune de Saint-Vincent-Sterlanges est située en Vendée à sept kilomètres au nord de Chantonnay, sur la Route Nationale 137 Nantes Bordeaux. Vers 1890 sa population comptait alors 821 habitants, chiffre exceptionnel qu’elle n’avait pas encore connu et qu’elle ne retrouvera jamais au cours du XXème siècle.
l’église
de Saint-Vincent -Sterlanges, construite en 1845.
Au nord du bourg sur la route de Nantes s’étend le quartier dit de « Bel Air ». Celui-ci est surtout marqué par la présence d’une maison bourgeoise vaste mais d’aspect sobre, construite au fond d’une grande cour appelée à l’époque « le Chapeau Rouge ». Cette propriété est même dotée d’une double rangée de hautes grilles qui lui donnent un aspect majestueux mais déjà inquiétant. Cette disposition curieuse est due au fait que le tracé de la route nationale a été largement reculé juste après la construction et qu’on s’est contenté de rajouter une rangée de grilles supplémentaires au bord de la nouvelle voie. Les communs semblent plus anciens mais le bâtiment principal a, lui, été édifié au milieu du XIXème siècle pour la famille Guinot. Toutefois les travaux avaient été interrompus, la décoration intérieure en particulier n’avait pas encore été réalisée et la maison était restée en vente un certain temps.
Elle avait finalement été rachetée par Auguste-Louis DURAND. Ce dernier qui était né le 28 juin 1808 à Sigournais (fils de Jacques Durand et Françoise Bailly) avait épousé le 10 juillet 1832 à Sainte-Cécile sa cousine Aimée-Prudence Durand. Auguste Durand était un agriculteur propriétaire qui s’était enrichi par le travail, les économies et l’opportunité de bonnes affaires.
La maison du crime en 1968.
Il avait d’ailleurs été nommé, à l’époque du second empire par le Préfet de la Vendée, maire de Saint-Vincent de 1854 à 1855. Il avait acheté cette maison principalement parce qu’elle n’était pas chère, bénéficiait d’une exploitation agricole annexée et de terres agricoles intéressantes. De manière insolite, dans cette grande maison, il ne vivait pas bourgeoisement mais au contraire très modestement, très au dessous de ses moyens, dans deux pièces en sous-sol prévues initialement pour être les cuisines de la demeure. La famille Durand était bien entendu connue pour être extrêmement économe mais elle jouissait tout de même d’une bonne réputation car elle aidait les nécessiteux et avait recueilli une fillette abandonnée de 5 ans, Cécile Bernier, qui était devenue leur filleule.
Dans une petite maison de l’autre côté de la rue vivait la famille BARBIER, habitation qui sera ensuite occupée par Madame Bourasseau. Pierre Jules Barbier dit Armand (fils de Julien Barbier et Marie-Rose Chaillou) né en 1848, était âgé de 33 ans et huit mois en 1882. Il avait été auparavant soldat sous le second empire, tout d’abord appelé au service par le tirage au sort des conscrits, puis avait servi de remplaçant contre rémunération à quelqu’un d’autre, comme la loi le permettait alors. Il vivait dans cette maison en compagnie de son épouse et de leurs trois enfants.
La route de Nantes. La maison, située à gauche, n’est pas visible sur la photo.
Pierre Jules Barbier n’avait pas vraiment bonne réputation dans la commune. On le considérait comme un ouvrier agricole pas très courageux, trop revendiquant, assez vite querelleur, souvent ivrogne et toujours endetté. Dans ces conditions, il avait peu de chances d’obtenir un des emplois les mieux rémunérés dans l’agriculture locale. Monsieur Durand, qui payait plutôt moins cher que les autres (2 Francs par jour), l’avait recruté par défaut et seulement comme employé à la journée (journalier). C'est-à-dire qu’il ne le prenait pas les jours de pluie, par exemple.
Barbier s’était peu à peu forgé une véritable haine pour cet employeur qui l’avait pourtant tiré du chômage. Il en était même arrivé jusqu’à le considérer comme l’unique responsable de sa situation précaire ; et il ne s’en cachait nullement.
Marie-Clémentine Durand, la fille des propriétaires, qui avait épousé le 14 février 1860 Justinien-Bélisaire GUIBOT clerc de notaire et en était déjà veuve, était revenue vivre chez ses parents. Elle s’était prise d’affection, elle qui n’avait pas d’enfant, pour un fils Barbier. Et elle ne manquait pas d’apporter de l’aide, des légumes ou de la nourriture, à Madame Barbier, qui de son côté lui vouait un véritable respect. Cette situation exaspérait au plus haut point Barbier qui lui, aurait voulu recevoir de l’argent de sa part. Mais, à l’époque, on avait coutume de dire ; « il ne faut jamais donner d’argent à un pauvre, il le boirait! ». Ce qui dans le cas de Barbier aurait surement été vrai. Les familles bourgeoises avaient ainsi pour habitude de donner des « bons de pain » aux familles qu’elles aidaient.
La population dans la rue principale.
Le vendredi 17 février 1882 vers 6h½ du soir (18 h 30) Pierre Jules Barbier se présente à la porte de son employeur. Madame Durand lui ouvre et appelle son mari qui est alors assis devant la cheminée. Sans qu’il y ait eu ni discussion ni querelle, Barbier le frappe immédiatement et avec une grande sauvagerie en utilisant le métal de la fourche qu’il tenait à la main. Auguste Durand, le crâne fracassé, meurt sur le coup. Pierre Jules Barbier frappe alors Cécile Bernier qui lui échappe et part se cacher sous les édredons dans un lit de la pièce voisine. Il ne réussira pas ensuite à la retrouver. Barbier ayant cassé sa fourche se saisit des pinces du foyer pour frapper tout aussi violemment Madame Durand. Il la blesse grièvement. Mais à ce moment là, la fille de cette dernière, Madame Guibot, entre dans la pièce. Elle vient précisément de faire un tour dans le bourg en compagnie du fils Barbier. L’assassin abandonne alors un moment Madame Durand pour frapper mortellement sa fille qui tombe au sol sous le choc. Madame Durand en a profité pour se sauver par derrière et court ameuter le voisinage. Barbier avec une bûche et les pinces faussées par les chocs se met à rechercher Cécile mais ne parvient pas à la retrouver. Il revient alors et s’acharne rageusement sur les cadavres de ses victimes qu’il défigure. Il visite ensuite frénétiquement tous les meubles de la maison en quête d’argent. Ses recherches se soldent par un échec car il ne trouve absolument rien, mais laisse des marques du sang de ses victimes un peu partout dans la maison.
Le plan
de la salle du crime en 1882.
Madame Durand s’est adressée à ses voisins les Robin, qui ont eu du mal à la reconnaître tellement elle était couverte de sang. Ceux-ci la recueillent et partent avertir tous les hommes aux alentours. L’un d’entre eux particulièrement entreprenant et courageux, dénommé Amiaud, prend la direction des opérations. Mon arrière grand-père Pierre Rouffineau, qui habitait la ferme de Meslon, s’est aussi joint au groupe qui se dirige vers la maison du « Chapeau Rouge ». Ils y constatent avec horreur la présence de deux cadavres horriblement mutilés gisant sur le sol de la cuisine dans une mare de sang mais ils retrouvent Cécile vivante dans sa cachette. Barbier est toujours là et feint de s’apitoyer sur le sort de ses maîtres qui seraient selon lui victimes de cheminots brigands. Madame Durand et Cécile l’ayant formellement reconnu, il ne peut pas continuer à mentir, il s’esquive et rentre chez lui. Les hommes le rattrapent prestement et le ramènent sur le lieu de ses crimes où plusieurs personnes ont la ferme intention de le lyncher. Le Maire de Saint-Vincent, Alexis Bordron, tente de ramener le calme, décide de l’enfermer à la Mairie et de le faire garder en attendant l’arrivée des gendarmes de Chantonnay qu’on est allé prévenir.
Les cours et les jardins sont déjà noirs de monde, toute la population de Saint-Vincent s’est déplacée pour comprendre ce qui se passe. Les mères de famille sont même là avec leurs enfants à la main. Cette scène va marquer très profondément la population et ce pour au moins deux générations. Ma grand-mère Mariette Belaud, parfaitement convaincue, racontera jusqu’à la fin de sa vie que sa mère l’avait emmenée à la maison du crime ; alors qu’en réalité elle était née en 1885 soit trois ans après le crime ! En fait, elle en avait tellement entendu parler qu’elle était sûre de s’en souvenir et de revoir la scène !
La Maréchaussée à cheval au XIXème siècle.
Pierre Jules Barbier est prisonnier à la mairie et le maire a veillé à ce qu’on lui apporte une soupe, un morceau de pain et un verre de vin. Il va se passer à ce moment là un épisode tragi-comique qui n’est pas vraiment à la gloire de la Gendarmerie Nationale. A leur tour, les gendarmes ont eu faim et l’un des deux est parti chercher des provisions. Pendant ce temps là, le secrétaire de mairie croyant que l’on avait oublié de fermer à clef la porte de l’hôtel de ville, prend l’initiative de venir la fermer. Il enferme ainsi les gendarmes : l’un à l’extérieur et l’autre à l’intérieur. Pendant que les pandores essayent de résoudre ce petit problème domestique, Barbier qui feignait de dormir se précipite, réussit à ouvrir une fenêtre et se sauve par la première route venue.
La nuit est tombée, les recherches sont donc repoussées au lendemain matin samedi 18 février 1882. Il n’a pas été nécessaire de faire sonner le tocsin au clocher de l’église pour organiser la battue, toute la population s’est mobilisée ; il y a plus de 300 personnes prêtes à chercher dès l’aube, certaines sont même venues des communes voisines, en particulier de Mouchamps. L’assassin étant parti par la route de l’école, la battue s’oriente vers la direction de la ferme de Malvoisine puis de la Sauzaie. Barbier sera assez rapidement trouvé caché sous de la bruyère au bois des Bouchauds dans la commune voisine de Saint-Germain-de-Prinçay.
Plan du bourg de St-Vincent-Sterlanges.
Après l’avoir cette fois-ci solidement entravé avec des chaînes aux mains et aux pieds, les gendarmes à cheval le conduisent à pied à Chantonnay entre eux deux. Tout le long du parcours il est hué, insulté et menacé, couvert de crachats. A cette époque, la gendarmerie de Chantonnay était située à l’angle de la rue Nationale et de la rue Travot, à l’emplacement de l’actuelle pharmacie de la Poste. Le grand portail en bois clouté qui donnait accès aux écuries et aux cellules existe toujours rue Travot. Barbier va passer à cet endroit la nuit de samedi 18 au dimanche 19.
L’ancienne Gendarmerie de Chantonnay à droite.
Le lendemain dimanche 19 février 1882 le prisonnier va partir de cet endroit pour être incarcéré à la maison d’arrêt départementale de La Roche-sur-Yon. Toujours entravé et encadré de deux gendarmes il va prendre un train de voyageurs, mais il est très probable que la gendarmerie ait réquisitionné un compartiment de 2ème classe pour la circonstance. Cette arrivée prochaine suscitant déjà l’excitation au chef-lieu du département, l’administration pénitentiaire a envoyé un fourgon cellulaire pour le prendre en charge dès sa descente du train. En 1882, la prison n’est pas encore installée à son emplacement actuel boulevard d’Angleterre. Il s’agit de l’ancienne prison datant de Napoléon Ier, fort vétuste, construite rue Jean Jaurès juste au dos du palais de Justice, à l’emplacement de l’actuelle Poste centrale. La carte postale ci-dessous est une des rares à en conserver une photographie.
L'ancienne prison de La Roche-sur-Yon au fond à droite.
Le lundi matin 20 février 1882 à 10 h 30 a lieu à Saint-Vincent-Sterlanges la messe de sépulture de Monsieur Durand et de sa fille puis leur inhumation au cimetière de la commune. Bien entendu l’église est beaucoup trop petite pour contenir la foule venue en grand nombre des communes environnantes. Madame Durand et Cécile Bernier sont présentes et les gros voiles de crêpe imposés par les règles du grand deuil leur permettent de dissimuler leurs blessures et leurs tuméfactions. L’émotion est à son comble au moment du chant traditionnel, particulièrement émouvant, du « Dies Irae, Dies illa….. ».
Vue ancienne de l’intérieur de l’église de Saint-Vincent-Sterlanges.
Pendant ce temps, Pierre Jules Barbier est incarcéré à la prison pendant l’instruction puis dans l’attente de son procès. Il affirme toujours qu’il n’est pas l’auteur des crimes mais ses vêtements tâchés de sang et les témoignages de Madame Durand et de Cécile le font finalement craquer et admettre la préméditation. Les magistrats instructeurs cherchent à établir les motifs du crime : un vol crapuleux apparaît plus que probable. Barbier était endetté et il savait que Monsieur Durand conservait chez lui une grosse somme d’argent fruit de la vente récente d’une paire de bœufs à la foire.
Renvoyé aux assises, Le procès s’ouvre à La Roche-sur-Yon le 27 juillet 1882, au palais de Justice, encore situé à cette époque place d’Armes (actuelle place Napoléon).
L’ancien palais de Justice vers 1903.
Les débats commencent dans une atmosphère lourde et tendue. 300 personnes environ n’ont pas trouvé place à l’intérieur de la salle d’audience et restent quand même sur la rue devant le péristyle pour attendre le verdict. On apprend dans les antécédents que Barbier a déjà été condamné pour vol et braconnage. L’assassin voudrait faire de son procès celui de la misère. Il insiste beaucoup sur la rapacité de ses victimes : à le payer trop peu, à ne pas l’employer tous les jours et la misère de sa famille ne mangeant pas toujours à sa faim. « Ah ! Vous pouvez me couper la tête sur la place de la Roche, vous ne me ferez jamais autant de mal que celui que je ressentais quand je voyais mes enfants pleurer ! Vous ne savez pas cela vous ! » Madame Durand et vingt autres témoins viennent témoigner à la barre. Les jurés sont frappés par l’horreur des deux crimes et la monstruosité de leur auteur. La brillante plaidoirie de Maître Moreau, avocat de la défense, n’a guère de chance de les influencer. Le procureur de la République Degors rejette toutes circonstances atténuantes et demande sans hésitation la peine de mort. Après seulement une heure de délibération les jurés reviennent avec un verdict de culpabilité. La cour condamne donc Barbier à la peine de mort. Et comme le disait, si poétiquement, le code civil de l’époque (en alexandrins) « Tout condamné à mort, aura la tête tranchée ».
Maître Moreau, au nom de son client, a immédiatement formé un pourvoi que la cour de cassation a rejeté dès le 18 août 1882.
L’avocat a alors fait appel à la grâce présidentielle, le dernier recours. Le président Jules Grévy, homme pourtant modéré, a sans doute été influencé par l’horreur du crime et l’émotion intense de la population. Toujours est-il qu’il refuse la grâce et demande que « la Justice suive son cours ». Les journaux de l’époque insistent également sur le fait que « même les partisans de la suppression de la peine de mort n’auraient osé parler en sa faveur ». Pierre Jules Barbier va donc être guillotiné et attend désormais « dans le couloir de la mort ».
La
Guillotine.
Le jeudi 21 septembre 1882 en fin de journée le bruit se met à courir dans la ville de la Roche-sur-Yon que les bois de justice (c'est-à-dire la guillotine démontée) étaient arrivés à la gare de La Roche en compagnie de Louis Deibler le célèbre bourreau et de ses deux aides. L’exécution est donc pour le lendemain matin. C’est un événement tout à fait exceptionnel en Vendée, aussi douze à quinze cents personnes vont passer la nuit autour de la prison pour ne rien rater des opérations.
Pour être sûr de pouvoir faire face à la situation, les autorités ont préféré transférer le lieu de l’exécution dans un endroit moins central que la place Napoléon et plus discret, la place du Point du Jour en face du cimetière. Elles ont surtout mobilisé 210 hommes du 93ème régiment d’infanterie cantonné à La Roche-sur-Yon et deux brigades de gendarmes à cheval.
Le lendemain matin, vendredi 22 septembre 1882 avant l’aube, le procureur de la République Degors, l’avocat Maître Moreau, l’Abbé Girard aumônier de la prison se présentent devant la cellule du condamné. Le gardien-chef Lambert le réveille et le magistrat lui annonce la nouvelle : « Barbier, vous allez être exécuté, courage ! ». Le condamné se met à trembler de tous ses membres, se plaint « Oh mon Dieu, oh mon Dieu ». Retrouvant toutefois son calme, il s’habille, s’entretient avec l’aumônier, rédige une lettre à sa famille, boit un verre de rhum et fume la dernière cigarette traditionnelle. Croisant le procureur Degors, il l’apostrophe violement en ces termes : « je suis un soldat, je n’ai jamais été un mauvais soldat. Dans un instant je serai là-bas ! Si je m’échappais, ou qu’on me manquât, je vous promets je ne vous manquerai pas ».
Une exécution capitale au XIXème siècle »
A 5 h 25 du matin une voiture fermée vient le prendre à la prison et le conduire au lieu du supplice. Le commissaire de police de La Roche-sur-Yon, Gabriel de Valmatie, a rejoint le groupe. Arrivé à l’échafaud, la vision de la lame menaçante suspendue en l’air fait de nouveau défaillir le condamné ; livide, il est repris de tremblements. Les aides le placent alors immédiatement sur la planche, la basculent rapidement, rabattent la lunette sur son cou. Le bourreau lâche alors la lame. A 5 h 40 justice est faite. La foule innombrable, mais tenue à distance et restée silencieuse, se disperse dans un calme absolu.
La décapitation de Barbier restera tout de même comme un fait marquant puisque ce sera la dernière exécution capitale en Vendée et donc la dernière fois que la guillotine (« la Veuve ») viendra dans le département.
La complainte écrite par Louis Pacteau en 1886.
En 1886, quatre ans après l’exécution de Barbier, le cordonnier de Saint-Vincent-Sterlanges Louis Pacteau, qui se piquait de poésie, composa une complainte en 18 couplets sur le crime selon un usage très répandu à l’époque. Nous la publions intégralement dans cet article. Elle est intéressante car elle est très représentative du style et des sentiments de la fin du XIXème siècle.
La
complainte sur l’exécution.
La maison « du Chapeau Rouge » que tout le monde n’appelait plus désormais que « la maison du crime » resta longtemps en vente, faute d’acquéreur. Elle fut finalement vendue en 1899 à Monsieur Rouhaud qui la laissa à son héritier Clément Torri, puis au fils de celui-ci, Maurice Torri. La maison est en fait restée inhabitée pendant 58 ans. En 1940 pendant la seconde guerre mondiale, on y logea des réfugiés, parce qu’ignorant l’histoire ils n’avaient pas les mêmes réticences que la population locale. Maurice Torri s’installa ensuite dans la maison. Il y fit terminer les aménagements intérieurs et installer le restaurant « Croco-Grill » dans les communs, remplacé ensuite par « l’auberge du parc » tenue alors par Lionel Guilbaud. La propriété appartient aujourd’hui à Monsieur et Madame Boucher.
Chantonnay le 3 septembre 2018
A l’occasion de l’arrivée en Vendée au mois de Juillet 2018 du nouvel évêque du diocèse de Luçon, SE Monseigneur François JACOLIN en remplacement de SE Monseigneur Alain CASTET, il nous a semblé opportun d’évoquer des manifestations religieuses qui se sont déroulées dans le département durant la première moitié du XXème siècle : les Congrès Eucharistiques.
Le Congrès Eucharistique se définit comme « un rassemblement de clercs et de laïcs en vue de l’évangélisation par l’adoration de la Sainte Eucharistie ». Il a pu ainsi exister des congrès internationaux, nationaux, régionaux ou diocésains. Certains des congrès internationaux se sont déroulés en France : en 1881 à Lille, 1888 à Paris, 1894 à Reims, 1897 à Paray-le-Monial, 1899 à Lourdes, 1904 à Angoulême et en 1914 de nouveau à Lourdes.
Challans 1904 : le début de la procession.
Plutôt que de Congrès il serait plus exact de parler de Pèlerinage Eucharistique parce que c’est bien une manifestation regroupant des pèlerins issus de différentes paroisses du diocèse qui se réunissent régulièrement dans un lieu à chaque fois différent dans le département de la Vendée.
La date de 1904 situe ces manifestations juste au début du contexte des lois dites anticatholiques de la IIIème République (interdiction d’enseigner, expulsion des congrégations, séparation de l’Église et de l’État, les Inventaires, l’affaire des fiches etc…) ce n’est sans doute pas une coïncidence. Il est logique que durant cette période où les milieux catholiques craignaient la reprise des persécutions religieuses de la Révolution Française, ils aient éprouvé le besoin de se regrouper et de se rencontrer.
Prévu initialement pour avoir lieu tous les deux ans, le rythme va s’accélérer à une fois par an jusqu’à la guerre de 1914: Ils auront ainsi lieu en 1904 à Challans, 1906 Rocheservière, 1907 Le Poiré-sur-Vie, 1908 Les Essarts, 1909 Les Épesses, 1910 Saint-Gilles-Croix-de-Vie, 1911 Saint-André-d’Ornay, 1912 La Garnache, 1913 Les Moutiers-les-Mauxfaits, 1914 La Gaubretière, 1934 Chaillé-les-Marais, 1936 Les Herbiers, et 1938 Challans.
Challans 1904 : la procession dans les rues.
Le premier congrès eucharistique diocésain de Vendée a donc eu lieu à Challans le 1er septembre 1904. L’organisation n’était alors pas encore rôdée, aussi la préparation était fortement inspirée de celle d’une cérémonie habituelle de la Fête-Dieu. Les décors en particulier lui avaient été largement empruntés. On y remarque en tête du cortège la présence de trois « Suisses » en grand uniforme de cérémonie avec la hallebarde et les draps de lit tendus sur la façade des maisons. Le succès espéré ayant été au rendez-vous, un second congrès eucharistique était prévu deux ans plus tard.
Challans 1904 : la messe dans la prairie.
Deux ans plus tard, le second congrès eucharistique vendéen a eu lieu le 17 septembre 1906 à Rocheservière. La messe était prévue dans le parc du château du Pavillon à proximité du bourg. Le décor a été sans doute le plus original et le plus intéressant des différents congrès. En effet c’est la propre façade du château avec ses tourelles et ses couronnements de toitures qui était habillée et décorée pour servir de retable à l’autel. Nous connaissons deux cartes postales différentes de ce congrès, toutes les deux réalisées par Henri Moreau photographe à Rocheservière : celle ci-dessous et une autre prise au même endroit pendant la messe. Le programme de ces journées est d'ores et déjà défini et restera le même jusqu’à la fin :
- Un accueil des pèlerins dans l’église et sur la place attenante ;
- Le départ d’une énorme procession du Saint-Sacrement, regroupant le clergé, les délégations, les associations et les paroissiens, se dirigeant vers une prairie avec des arrêts à des reposoirs ;
- Une grandiose cérémonie, avec messe, sermons et adoration du Saint-Sacrement ;
- Le retour de la procession et du Saint-Sacrement à l’Église ;
- Le pique-nique des pèlerins sur le site puis leur départ.
Rocheservière
1906 : la prairie avant la messe.
A partir de 1906, le succès et la fréquentation de ces pèlerinages devenant de plus en plus évidents, la périodicité est devenue annuelle. C’est donc le 17 septembre 1907 que s’est tenu le troisième congrès eucharistique au Poiré-sur-Vie. Pour la troisième fois les organisateurs ont préféré une paroisse, chef-lieu de canton située dans le centre-nord du département.
Le Poiré-sur-Vie 1907 : le départ de la procession.
Au Poiré-sur-Vie la présentation de l’autel est encore modeste puisqu’il s’agit d’une simple toile tendue au dessus du sanctuaire. En revanche la décoration des rues est devenue plus chargée et la foule est nettement plus importante. On remarque sur la carte postale ci-dessus quelques unes des magnifiques bannières des paroisses représentées ici. Il existe trois cartes postales de cet événement, toutes les trois réalisées par Moreau de Rocheservière. Outre les deux reproduites dans cet article, une troisième représente la prairie pendant la messe.
Le Poiré-sur-Vie 1907 : la messe.
Le quatrième congrès eucharistique s’est tenu aux Essarts le 1er septembre 1908, confirmant la volonté de les organiser dans le centre-nord du département, après les travaux agricoles de l’été et avant la période des vendanges. La messe était prévue à proximité du bourg dans le parc du château des Essarts chez le vicomte de Rougé. Cette fois-ci la façade du château n’a pas été utilisée pour la décoration, on a construit un grand ciborium dans la prairie qui sera réutilisé ultérieurement. Il existe deux cartes postales différentes de cette cérémonie, prises à peu près au même endroit et au même moment. Celle ci-dessous est signée « cliché Bezançon », l’autre est l’œuvre de l’éditeur E. Hatier.
Les Essarts 1908 : la messe dans le parc.
Le cinquième congrès eucharistique diocésain a eu lieu aux Épesses en 1909, dans une commune qui, cette fois-ci n’est pas chef-lieu de canton et est située dans le haut bocage du Nord-Est vendéen. Il a fait l’objet du premier véritable reportage photographique réalisé par le célèbre photographe Eugène Poupin de Mortagne-sur-Sèvre en une série de 4 cartes postales (N° 2461, 2462, 2463 et 2464) sans respect de l’ordre chronologique.
Les Epesses 1909 : la musique dans la procession.
Les deux cartes postales reproduites dans cet article représentent respectivement la musique dans la procession et le retour à l’église après la messe en plein air avec le clergé escortant le dais processionnel. Sur les deux autres on peut voir le clergé dans la première procession et la foule pendant la messe dans la prairie.
Les Epesses 1909 : après la messe le retour à l’église.
Le sixième congrès eucharistique s’est tenu à Saint-Gilles-Croix-de-Vie le 26 mai 1910. Ce qui constituait deux nouveautés puisque nous sommes cette fois-ci au mois de mai et sur la côte ouest vendéenne. Il existe au moins quatre cartes postales de cette cérémonie, éditées par Mademoiselle Divet, libraire à Croix-de-Vie, mais qui ne constituent pas une série. Il s’agit seulement de plusieurs vues de la procession et de la messe.
St Gilles-Croix-de-Vie 1910 : la procession.
Sur la première carte postale on apercevait le clergé local escortant le dais processionnel protégeant le Saint-Sacrement. On différenciait les chanoines reconnaissables à leur camail, les prêtres célébrant avec leurs chasubles blanches et les autres en surplis. La seconde, ci-dessous, nous montre la messe. Pour la première fois on a élevé un immense podium mais celui-ci fait encore un peu bricolage.
St Gilles-Croix-de-Vie 1910 : la messe du pèlerinage.
Le septième congrès eucharistique a eu lieu à Saint-André-d'Ornay (commune aujourd’hui fusionnée avec La Roche-sur-Yon) le 5 juillet 1911. Les organisateurs désiraient depuis le début organiser une manifestation au chef-lieu du département, position centrale en Vendée, mais la municipalité laïque de l’époque ne leur facilitait pas les choses. Aussi, ils se sont repliés vers une commune attenante, Saint-André-d’Ornay, avec la messe dans le parc du château de la Brossardière. Comme on peut le voir, le ciborium, déjà utilisé aux Essarts en 1908, a été réutilisé ici trois ans plus tard. Nous ne connaissons que la carte postale ci-dessus pour représenter cet événement.
St-André-d’Ornay 1911 : la messe.
Le huitième congrès eucharistique diocésain s’est tenu à La Garnache le 11 juillet 1912. Comme à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, le pèlerinage a désormais lieu au début du mois de juillet mais il est revenu dans le centre Nord-vendéen dans une commune du canton de Challans. Cette fois-ci le ciborium et le podium prennent de grandes proportions. Celui-ci a des allures de grand magasin haussmannien. Deux cartes postales seulement sont connues de cette manifestation, toutes les deux dues à Moreau à Rocheservière. Elles n’ont sans doute pas connu un grand succès commercial car elles demeurent rares.
La Garnache 1912 : le site de la messe.
Le neuvième congrès eucharistique a eu lieu aux Moutiers-les-Mauxfaits le 2 juillet 1913, dans le parc du château de la Cantaudière. Sans doute parce qu’il était complètement décentré par rapport aux autres, c’est vraisemblablement celui qui a regroupé le moins de participants. Trois cartes postales anonymes sont connues de cette manifestation mais elles sont très difficiles à trouver. En plus de celle reproduite ci-dessous, les deux autres représentent la messe et une rue décorée.
Moutiers-les-Mauxfaits 1913 : le retour de la procession.
Le dixième congrès eucharistique, le dernier de la première série, s’est tenu le 9 juillet 1914 à La Gaubretière, commune du canton de Mortagne-sur-Sèvre dans le haut bocage vendéen. Les fidèles s’étaient déplacés en nombre bien que l’inquiétude du risque de guerre ait été bien présente dans les esprits. Ici on avait fabriqué non pas un podium, mais un curieux ciborium construit un peu en forme de pagode chinoise. Il existe trois cartes postales anonymes de cette manifestation : une représentant le ciborium et une vue de la procession. La troisième, ci-dessous, représente le départ de la procession avec le Suisse et l’enfant de chœur crucifère
La Gaubretière 1914 : la procession.
Bien entendu le congrès suivant prévu en 1915 n’a pas eu lieu du fait du premier conflit mondial, de même que ceux de 1916, 1917 et 1918. Il a même fallu attendre 15 ans après l’armistice pour que l’on songe à reprendre l’organisation de nouveaux congrès eucharistiques et encore avec une périodicité de seulement deux ans.
Chaillé-les-Marais 1934, l’arrivée de la procession du Saint Sacrement.
Le onzième congrès eucharistique et le premier après la guerre de 1914-18 a donc eu lieu en 1934 à Chaillé-les-Marais. C’était une sorte de pari car Chaillé-les-Marais est situé totalement en dehors du bocage vendéen très attaché à la religion. Les cérémonies avaient lieu dans le parc du château de la Roseraie donné en héritage à l’évêché et qui en avait fait la maison de l’Immaculée, siège des missionnaires. Suivant les plans et les instructions de l’abbé J. Morteau on avait construit un grand ciborium de bois en forme de coupole avec des rangées d’arcades. Il sera désormais le seul utilisé pour tous les autres congrès. Le révérend père Martin sera ainsi le premier à prêcher dans ce site. Désormais un reportage, présenté sous forme d’un carnet de cartes postales détachables, est réalisé pour la circonstance. Malheureusement après la première guerre mondiale, ces cartes de couleur marron n’ont plus la qualité de celles de l’âge d’or.
Les Herbiers 1936 : le départ de la procession.
Le douzième congrès eucharistique s’est tenu aux Herbiers le 4 Août 1936. De très loin, ce fut le plus suivi avec la présence de 60 000 pèlerins et le plus complètement organisé de toute la série, sous la présidence du chanoine Cantin, curé-doyen de la paroisse. Il était géographiquement bien située dans une grande commune bien desservie tant par le chemin de fer Cholet-Chantonnay-Fontenay que par la ligne de tram à voie étroite vers La Roche-sur-Yon. La première carte postale ci-dessus, nous montre le début de la procession passant rue de Saumur. On y remarque le Suisse, l’enfant de chœur crucifère, les chanteurs et la chorale de la cathédrale de Luçon. A la fin du cortège les cordons du dais processionnel étaient portés par les parlementaires vendéens : Messieurs de Tinguy du Pouet, de Suzannet, de Kervanoel et Auguste Durand, ainsi que par le maire des herbiers Pierre Dabin et le Saint Sacrement par SE Monseigneur Gustave-Lazare Garnier évêque de Luçon.
Les Herbiers 1936 : la messe en plein air.
Passant sous de nombreux arcs de triomphe tous décorés d’une manière différente, la procession se rendit au nord de la ville dans le parc du château du Landreau chez la comtesse de Bermont d’Auriac. Durant le majestueux office le sermon fut prêché par le révérend père Girard. Cette importante manifestation avait par exemple nécessité la confection de pas moins de 200 000 roses en papier. Il y a été effectué au moins trois reportages de ces cérémonies sous la forme de carnets de 20 cartes postales, malheureusement de qualité moyenne.
Challans 1938 : le départ de l’église.
Le treizième et dernier congrès eucharistique diocésain a eu lieu à Challans le 7 juillet 1938. Autrement dit, l’aventure s’achevait exactement là où elle avait commencé en 1904, puisque la commune de Challans a été la seule à accueillir deux fois le congrès eucharistique. En réalité, la manifestation de Challans n’était pas prévue pour être la dernière ; une nouvelle avait été prévue en 1940. Bien entendu elle n’a pas eu lieu en 1940 ni pendant les années d’occupation où les rassemblements étaient interdits par les Allemands. Et à la libération les congrès eucharistiques n’ont pas été repris. Le dernier de Challans a lui aussi fait l’objet d’un reportage de 20 cartes, réalisé par les photographes Lollier frères à Léger.
Challans 1938 : la procession.
Cannes le 29 Juillet 2018.
Un autorail comme celui de Chantonnay.
La Gare de Chantonnay vers 1957.
Ce dernier, occupé à l’enregistrement de bagages, envoie à 12 h 48 le télégramme réglementaire à la gare suivante : « Chantonnay à Chavagnes, bien qu’attendant le train 30817, j’annonce le train 812 ». A 12 h 55 le chauffeur de l’autorail fait vrombir le moteur. Le chef de gare adjoint, oubliant un instant, de manière incompréhensible, que le train de marchandises n’est pas encore arrivé, donne le signal du départ avec son drapeau rouge. Le chef de train Paul Godet ainsi autorisé, actionne le timbre qui prévient le conducteur et celui-ci démarre. L’autorail est en train de partir quand Paul Brunet l’annonce à un de ses collègues, le brigadier Maillet ; celui-ci lui répond, tout étonné: « Et son train ?». Il se rend alors immédiatement compte de son erreur grave. Il se précipite dans la salle de commandes à proximité pour actionner le signal carré rouge et blanc (n°4) interdisant toute circulation ferroviaire. Celui-ci est situé au dessus des voies à la sortie de la gare (on l'aperçoit sur la photo ci-dessous). Ni l’enquête officielle ni la reconstitution ne parviendront à établir de façon indiscutable et définitive s’il était fermé ou ouvert lors du passage effectif de l’autorail, le chef de gare adjoint prétendant qu’il avait eu le temps de le fermer et le conducteur de l’autorail Daniel Lenain affirmant qu’il était encore ouvert. Une différence très importante puisqu’elle modifiait les responsabilités respectives de chacun (toutefois en condamnant aussi le conducteur, la justice a fait part de sa conviction qu'il devait être fermé). A la SNCF, habituellement le franchissement de signaux fermés provoque une explosion de pétards prévus à cet effet. Malheureusement à Chantonnay on les avait retirés car leurs explosions injustifiées et intempestives avaient incommodé les voisins. Un accident a toujours une cause principale et est facilité par une succession de petits faits. Ce jour là, à Chantonnay, cela se confirme une fois encore.
Les voies SNCF à la sortie de la gare de Chantonnay en
direction de Bressuire.
Le plan des lieux à Chantonnay.
Habituellement les passages à niveau SNCF disposent de fusées éclairantes destinées à prévenir les trains d’un danger sur la voie. Mais, à « la Mine », compte tenu de la proximité de la gare, cette précaution avait été jugée inefficace. Elle ne dispose que d’une torche lumineuse. N’oublions pas, en outre, qu’à cette époque il n’y avait pas de téléphone portable. En tous cas Madame Jarny va être le premier témoin de l’accident qui va se dérouler sous ses yeux. Elle ne va pas être la seule, Yolande Auneau qui tous les jours en sortant de l’école rentre chez elle à la Tabarière en vélo, attend derrière les barrières du passage à niveau fermé. Surprise, elle voit l’autorail, qui habituellement prend de la vitesse à cet endroit là, freiner à mort aujourd’hui.
L'endroit où le conducteur de l’autorail a vu arriver le train.
La sirène retentit à Chantonnay presque en même temps que l’accident car la gare avait déjà demandé les secours avant même le choc. Cette sirène, moyen moderne pour appeler les pompiers, était en fait héritée de la tradition du tocsin des cloches des églises qui appelaient la population au secours. Et en 1957 cet élan de solidarité ancestral était encore très fort dans l’inconscient collectif des gens. Aussi, en entendant la sirène, ils se précipitent au local des pompiers situé place Carnot (on ne dit pas encore le Centre de Secours) pour comprendre de quoi il s’agit et savoir en quoi ils peuvent aider. Mon père, qui habite une maison voisine, part en suivant le véhicule des Sapeurs-Pompiers. Ceux-ci n’ont d’ailleurs qu’un un fourgon mixte autopompe Laffly et pas encore d’ambulance. Ils partent aussitôt, bien que trois pompiers seulement soient arrivés : le lieutenant Pierre Froger (chef de corps), accompagné de Gaston Bachelier (qui habite la conciergerie du centre) et Yvon Kérésit. Ils seront rejoints sur place par une douzaine d’autres collègues.
L’Autorail accidenté de côté, au sud (journal de l'époque).
Intervention à l’intérieur de l’autorail (journal de l'époque).
L’accident vu par la vitre brisée du 2° wagon, que l’on est en
train de retirer (journal de l'époque).
Une autre vue du 1er wagon de l’autorail accidenté (journal de l'époque).
Photo d’hélicoptère montant le site : la maisonnette, le passage à niveau, la RN 137, l’autorail accidenté et le train (journal de l'époque).
La chapelle ardente au 1er étage de la Mairie (journal de l'époque).
Les chaussures des victimes dans le hall (journal de l'époque).
En 2017 Monsieur Jean-Pierre PERRAULT, ancien pompier habitant rue Paul Baudry à Chantonnay, a réalisé un DVD intitulé « Catastrophe ferroviaire de Chantonnay, 1957 ». On peut se le procurer (prix 10€) en appelant le n° 02 52 94 37 05.
Chantonnay le 09 mai 2018
Maurice BEDON
Le 14 juin 1931, le bateau le Saint-Philibert parti de Noirmoutier et se dirigeant vers Nantes, coulait en mer avec environ 500 passagers à bord.
Le Saint-Philibert était sorti des chantiers Dubigeon de Nantes en 1923. Il appartenait aux Messageries de l’Ouest, filiale de la Compagnie Nantaise de Navigation à Vapeur. C’était un bateau vapeur d’excursion de 32 mètres de long, de 6,40 mètres de large et d’un poids de 170 tonnes. Jaugeant 189 tonneaux, il avait une puissance de 300 chevaux vapeur et une vitesse ordinaire de 10 nœuds, mais un faible tirant d’eau de seulement 2,20 mètres. Il s’était vu renouveler son certificat de navigabilité sans problème. Ordinairement, il effectuait en juillet, août et septembre la traversée deux fois par jour de la baie de Bourgneuf entre la jetée Noevieillard de Pornic (Loire-inférieure) et l’estacade de la plage des Dames dans l’île de Noirmoutier (Vendée) avec 300 passagers.
L’estacade de la plage
des Dames à Noirmoutier.
A Nantes, « l’Union des Coopérateurs de Nantes » en liaison avec la Bourse du Travail venait de créer une « Société des Loisirs », qui proposait à ses membres et à une population plutôt modeste différentes distractions ou sorties. Pour la première fois, ils avaient décidé d’organiser une croisière excursion dans l’île de Noirmoutier au mois de juin 1931. Dans cet objectif, ils avaient pris contact avec les Messageries de l’Ouest et avaient réservé le Saint-Philibert pour le dimanche 14 juin. A cette date, les congés payés n’existant pas encore, une sortie ne pouvait se faire que les dimanches ou les jours fériés. L’idée avait été très bien accueillie et soutenue par la ligue des Droits de l’Homme, le parti socialiste SFIO et les syndicats ouvriers. Monsieur Le Pourriel président de l’Union des Coopérateurs avait tenu à participer à cette sortie en compagnie de sa famille, pour cela il avait même sacrifié le banquet d’une autre association dont il était également président.
Les Messageries de l’Ouest avait confié le commandement du bateau au capitaine François Ollive, ancien commandant de cargo, âgé de 57 ans et en retraite depuis 18 mois, mais qui se tenait occasionnellement à la disposition de la Compagnie. Il avait avec lui : 1 mécanicien, 2 chauffeurs, 2 matelots et 1 mousse.
Le vapeur d’excursion
Saint-Philibert.
Le 14 juin, les passagers se rendaient donc vers 6 heures du matin à l’appontement des Messageries de l’Ouest, quai de la Fosse à Nantes. Ils croisaient sur leur chemin les paroissiens matinaux qui étaient occupés à construire les reposoirs et à décorer les rues pour le passage des processions. Ce dimanche 14 juin était en effet celui de la Fête-Dieu, une des plus sacrées pour les catholiques de l’époque. Les jours précédents avaient été caniculaires, ce matin il faisait beau et une légère brise était la bienvenue. La journée s’annonçait donc belle.
Les organisateurs avaient vendu 467 billets payants (12 Francs aller et retour) et 41 billets gratuits pour les enfants, ce qui faisait donc en principe 508 passagers. La capacité maximale théorique du bateau étant de 500 personnes, le capitaine avait demandé de ne pas dépasser ce chiffre. En réalité, le Saint-Philibert a quitté Nantes vers 7 heures avec 502 passagers à son bord. Sur une mer qui risquait de ne pas rester calme toute la journée, c’était déjà une véritable imprudence.
Nantes était séparée de Noirmoutier par plus de 90 kilomètres (par voie fluviale puis maritime), mais la plus grande partie du voyage s’effectuait en descendant la Loire, c'est-à-dire de façon confortable. Les voyageurs passèrent ainsi devant les cités de Saint-Herblain, Couëron, Le Pellerin puis Paimboeuf et Saint-Nazaire. Au sortir des eaux de l’estuaire, la mer était déjà un peu agitée. Le gardien du phare du Grand Charpentier avait d’ailleurs été étonné de voir le Saint-Philibert sortir alors qu’une tempête était prévisible. Quelques personnes souffrirent du mal de mer pendant le parcours maritime près de la pointe Saint-Gildas. Mais globalement le voyage aller s’était bien passé. Le vapeur accosta pourtant à Noirmoutier vers 13 heures avec une heure de retard par rapport à l’horaire prévu.
La plage des Dames et
le Bois de la Chaize vers 1905.
Arrivés à la plage des Dames, les passagers s’occupèrent tout de suite à organiser le pique-nique dans le bois de la Chaize, situés immédiatement à proximité. Le site était un agréable havre de paix particulièrement reposant et de nature à faire oublier les soucis du moment. La traversée avait été un peu longue mais personne ne regrettait d’être venu dans cette île que la plus grande part d’entre eux ne connaissait pas. L’après midi certains sont allés prendre des bains de pied à la plage voisine, d’autres ont marché jusqu’au bourg pour voir le château. Ils n’ont pas pu aller bien loin car l’île fait 19 kilomètres de long et personne n’avait pensé à emmener de bicyclettes. Et assez rapidement il fallait déjà songer au retour. A partir de 16 heures 30 la sirène de bateau retentit à plusieurs reprises pour rappeler les passagers.
La mer, haute en principe à 15 heures 25 était remontée plus tôt et plus vite, ce qui est toujours signe de mauvais temps. En effet, le vent avait considérablement forci, mais protégés par les bois les excursionnistes ne s’en étaient pas aperçu. Le capitaine Ollive, conscient des mauvaises conditions, hésitait à reprendre la mer. Il aurait été pressé par un groupe d’ouvriers déterminés à reprendre le travail le lundi à 8 heures pour ne pas perdre une journée de salaire. Certains l’auraient même vilipendé parce que lui, dans les deux cas, il toucherait sa retraite normalement, contrairement à eux. La décision, que la météo aurait du tout simplement interdire, relevait pourtant de son autorité et de sa seule responsabilité.
26 personnes, qui avaient eu le mal de mer à l’aller, préférèrent rentrer en car par le passage du Gois (quand celui-ci serait découvert, vers 22 heures) puis prendre le petit train à Fromentine et le train jusqu’à Nantes. 17 autres restèrent coucher dans leur famille à Noirmoutier. Enfin 3 jeunes gens rentrèrent par la voiture de la poste. Ce qui fait que 46 personnes au total ne reprirent pas le bateau. On racontait même que l’un d’entre eux, en panne de cigarettes, était retourné, au moment du départ, au bureau de tabacs le plus proche et de retour à l’estacade avait aperçu le Saint-Philibert s’éloignant de la côte. C’était une des rares personnes qui pourrait affirmer que la consommation de tabac lui avait sauvé la vie !
Plan de la traversée
de retour.
Le capitaine décida finalement de prendre la mer à 17 heures. Les matelots confièrent que l’on allait sans doute « danser un peu », mais personne n’envisagea de distribuer les gilets de sauvetage. Il se dirigea tout d’abord vers la « Pierre Noire », puis en direction de la « couronnée ». Après une heure de navigation, les choses se gâtèrent. Le capitaine regretta d’être parti car il savait que le pire était encore à venir. Il aurait alors songé à retourner en direction de Pornic ; mais le problème du travail le lendemain matin se posant de nouveau, il poursuivit finalement sa route en direction de Nantes. A partir de ce moment là, l’excursion prenait des allures de catastrophe annoncée.
Au moment où il doublait la pointe Saint-Gildas et se dirigeait vers la bouée du Châtaignier, la mer démontée avait des creux de cinq mètres. Le tangage était énorme, des paquets d’eau arrosaient les voyageurs, même à l’intérieur des cabines. Presque tout le monde était malade. La bâche, qui avait été tendue pour protéger les gens du soleil, augmentait encore la prise au vent. Pour vomir plus facilement et éviter les paquets d’eau les passagers s’étaient tous portés du même côté abrité, à tribord, du côté de la terre. Le capitaine n’avait pas de sonorisation pour pouvoir les mettre en garde contre le risque de faire ainsi chavirer le bateau. Brusquement une lame plus forte que les autres coucha le navire, puis une seconde le fit se retourner complètement. Quelques personnes encore accrochées à la coque furent attirées au fond quand le saint-Philibert coula. Tout ceci s’était déroulé en quelques secondes seulement.
Les sauveteurs du
bateau le Saint-Georges.
Le maître-guetteur Adrien, au sémaphore de la pointe Saint-Gildas, avait pratiquement vu la catastrophe se produire en direct à environ 5 kilomètres devant lui. Il était alors 18 heures 30. Il s’efforça de donner aussitôt l’alerte. Les conditions étaient très mauvaises, le premier bateau ne put arriver sur les lieux qu’à 20 heures 20. Le remorqueur de Saint-Nazaire « le Pornic » sauva un passager autrichien accroché à une bouée et ramena trois cadavres. Le bateau pilote « le Saint-Georges », sous les ordres du capitaine Brière, sauva 7 jeunes gens qui savaient nager (1 hongrois, 1 norvégien et 5 français). Ces huit personnes représenteront en fait les uniques rescapés du naufrage du Saint-Philibert. Il manquait donc 455 personnes disparues en mer (502 passagers + 7 membres de l’équipage = 509, - 46 restés à Noirmoutier - 8 rescapés).
Les bateaux ramenant
les premiers corps.
Bien que le naufrage n’ait pas encore été annoncé officiellement, une foule considérable s’était portée sur les quais à Saint-Nazaire en compagnie du député-maire Blancho et du préfet de Loire-inférieure Mathivet. La nouvelle fut portée à la connaissance des familles et amis qui attendaient à l’embarcadère des messageries de l’Ouest, quai de la Fosse à Nantes, vers 23 heures. L’annonce, faisant état de rescapés sans en préciser le nombre (beaucoup trop faible), laissait de vains espoirs à beaucoup de gens. Le glas des périls en mer retentira ensuite à toutes les églises des paroisses de la ville et des alentours.
La tempête s’était apaisée à 21 heures. Les bateaux, désormais présents en nombre sur le site, commencèrent à ramener les premiers corps : « le Saint-Christophe » 4 corps, le bateau pilote 4, « le Porteur II » 21, « l’enseigne Dejoly » 6, « l’Auroch » 10, « le Jean-Morice » 9 corps etc. Ces cadavres furent tout d’abord déposés le lundi 15 juin sous le hall de la compagnie à Saint-Nazaire.
La chapelle ardente du château des Ducs.
Le lendemain mardi 16 juin, sept camions militaires du XIème train des équipages amenèrent ces corps à Nantes. Ils furent alors déposés dans des cercueils non fermés dans une chapelle ardente installée dans le local dit « du grand harnachement » au château des Ducs de Bretagne à Nantes. La salle était pour la circonstance habillée de rideaux et de bandeaux de velours noir brodé d’argent comme pour les enterrements de première classe solennelle. De nombreuses scènes de désespoir se succédèrent à cet endroit, quand les familles reconnaissaient un proche ou au contraire si elles ne le retrouvaient pas. Il n’y avait encore à cette date que 77 corps retrouvés. Le mercredi soir, veille des obsèques, 72 avaient été reconnus.
La presse avait bien entendu fait ses gros titres du naufrage pendant plusieurs jours. Mais, ni la presse ni même la population ne semblaient prendre la juste mesure de la catastrophe avec la disparition de presque un demi-millier d’habitants de la ville. Tout d’abord parce que la mer n’avait rendu à ce moment là que 77 cadavres sur 455. Un immeuble de Nantes, par exemple, avait perdu tous ses habitants à l’exception de la concierge, retenue à son poste. Un sauveteur, ayant demandé à un jeune homme rescapé s’il fallait prévenir sa famille, se vit répondre « ma famille, elle est toute entière au fond de l’eau ». Les mouvements syndicaux de Nantes avaient perdu la plupart de leurs dirigeants. Le président Le Pourriel était parmi les disparus.
Les personnalités
présentes dans la cour du Château.
Le Jeudi 18 juin 1931 des funérailles grandioses furent organisées dans la ville de Nantes. La cérémonie civile eut lieu dans la cour du château des Ducs en présence : du Président Aristide Briand ministre des affaires étrangères, nantais d’origine, du ministre de la marine Louis de Chappedelaine, du député M. de Juigné, du député-maire de Saint-Nazaire Blancho, du maire de Nantes Léopold Cassegrain, des préfets, des élus locaux, des officiers supérieurs et personnalités locales.
L’allocution du
député-maire de Saint-Nazaire.
Après les différentes allocutions des principales personnalités présentes, prononcées derrière un pupitre sur une estrade des Pompes Funèbres, la cérémonie se prolongea au même endroit par un sermon donné par le pasteur du culte protestant de Nantes.
Le départ des chars
funèbres du château.
Les 77 cercueils furent alors chargés par groupe de 6 dans les 13 véhicules hippomobiles militaires hâtivement transformés en corbillards. Après les honneurs militaires, les véhicules quittèrent le château pour se diriger vers la cathédrale par les rues du château, de Strasbourg et de Châteaudun (actuelle rue du Maréchal Leclerc) et la place Saint-Pierre.
L’évêque de Nantes entouré
du clergé local.
A cet endroit la cérémonie religieuse proprement dite était organisée sur le parvis même de la cathédrale au milieu d’une foule immense qui couvrait aussi les balcons des immeubles voisins. La cérémonie était présidée par SE Monseigneur Le Fer de la Motte évêque de Nantes, entourée des chanoines du chapitre épiscopal ainsi que de nombreux prêtres des paroisses avoisinantes.
L’évêque bénit les
corps.
Après la dernière bénédiction des corps par l’évêque, le cortège des 13 véhicules militaires, conduit par des soldats en tenue de cérémonie, rejoignit la rue de Strasbourg. A l’extrémité nord de cette rue, le cortège devait se diriger vers les différentes paroisses et quartiers où les cercueils devaient être remis aux familles pour l’inhumation.
Le défilé des chars
funèbres rue de Strasbourg.
200 corps furent retrouvés dans la première semaine qui suivit la cérémonie. Le capitaine Ollive était découvert, échoué sur la plage de Pornichet avec 6 autres corps et tout un ensemble de paniers, sacs, landaus et objets divers. La mer continua ensuite à rejeter des corps à l’île d’Yeu, à La Rochelle, à l’île de Ré et jusqu’à Rochefort-sur-Mer. En fin de compte, 409 cadavres furent repêchés, 100 d’entre eux ne furent jamais identifiés formellement, par contre 50 corps environ ne furent jamais retrouvés. Preuve de la crainte des conséquences sanitaires par la population, la consommation de crustacés et de poissons s’effondra dans la région pendant au moins une année.
Le renflouement du
Saint-Philibert.
Il fallait impérativement renflouer le Saint-Philibert, car sa présence à cet endroit de passage pouvait présenter des dangers pour la navigation. Les entreprises françaises contactées ayant estimé que cela dépassait leurs compétences, il fallut avoir recours aux services d’une entreprise allemande Bugsier Readerer und Gergungs, implantée à Hambourg. Dans le contexte de la période d’entre-deux guerres, cette décision souleva des vagues d’indignation patriotique. Le Saint-Philibert fut finalement renfloué le 5 août 1931 sous la direction de l’ingénieur Fuhrman, par les pontons Simson et Kraft Wille. C’est à cette occasion que furent trouvés les derniers corps. En effet, 33 personnes qui étaient dans les cabines intérieures du vapeur étaient restées prisonnières de l’épave. Le bateau semblait récupérable, il fut donc converti pour effectuer des transports de charges. Il changea plusieurs fois de nom. En dernier lieu, sous le nom de « Côte d’Amour » il servait aux transports du sable. Il ne fut envoyé à la ferraille qu’en 1979.
L’épave du Saint-Philibert renflouée.
En 1933 se tint le procès en justice des responsabilités du naufrage. Il mit en lumière plusieurs points : l’équipage insuffisant, son manque de formation, l’absence de TSF sur le bateau, le nombre de passagers trop important, l’état de la mer qui aurait du interdire le départ ; mais en fin de compte la mort de capitaine éteignait toute action pénale. La tempête fut donc considérée comme la seule responsable du drame.
Le 30 novembre 1936, le conseil municipal de Nantes décida de rebaptiser l’ancienne « place de la Paix », située près de l’Hôtel-Dieu, en « place Saint-Philibert ». Puis le souvenir de la catastrophe s’estompa dans les esprits, surtout parce que la ville connut d’autres drames à la fin de la seconde guerre mondiale avec les répressions militaires de l’occupant, les bombardements particulièrement meurtriers et les destructions.
Pourtant un monument fut érigé au cimetière Saint-Jacques pour recueillir les corps des 54 victimes nantaises qui n’avaient pas été réclamées par leurs familles. Une petite stèle commémorative fut également établie en 2015 à Noirmoutier près de l’estacade de la plage des Dames, en souvenir des péris en mer.
Chantonnay le 7 mars 2018
Le château de la Mothe-Chandeniers, ou plutôt les ruines du château sont situées dans la commune des Trois-Moutiers à douze kilomètres de Loudun dans le département de la Vienne.
01. Vue actuelle des ruines du côté de l’Entrée
(façade Ouest).
Cette ancienne demeure vient d’être achetée le 1er décembre 2017 pour la somme de 500 000 Euros par 16 351 internautes issus de 115 pays différents : de France bien sûr mais aussi d’Italie, d’Allemagne, des Etats-Unis, du Japon, d’Australie, du Brésil, du Pérou, d’Afghanistan, du Burkina-Faso etc. Cette opération a été initiée par deux associations : « Adopte un château » et « Les Amis du château de la Mothe-Chandeniers » (association crée le 26 avril 2016). Et elles ont utilisé pour ce faire les services d’une plateforme DARTAGNANS.
Ce site Internet « www.dartagnans.fr », géré par Romain Delaume co-fondateur, a pour vocation le sauvetage et la conservation du Patrimoine. Ce fonctionnement nous est personnellement connu puisqu’il a déjà aidé financièrement notre ami Reynald Secher pour la restauration de l’ancienne Chapelle Saint-Pierre-ès-liens dans la commune de La Chapelle-Basse-Mer en Loire-Atlantique.
02. La communication du site dartagnans.
Le site Internet avait prévu 80 jours pour réunir la somme nécessaire à l’achat des restes du château soit 500 000 Euros ; et elle l’a en réalité couverte en un mois. Mais son ambition ne s’arrête pas là. Son objectif est en effet de financer aussi les frais financiers occasionnés par l’achat, les expertises d’architectes pour les bâtiments, les travaux de déblaiement des gravats, les frais de sécurisation des lieux et ce dès le printemps 2018. Pour cela il lui faudrait atteindre assez rapidement la somme d’un million d’Euros et donc obtenir de nouveaux acquéreurs. Le statut de propriétaire, ainsi acquis par chaque souscripteur, lui donne le privilège de l’exclusivité des premières visites avant toute ouverture au public et une remise de clef en Janvier 2018. N’hésitez pas à les rejoindre pour encourager leur action courageuse, vous deviendrez ainsi un acteur de la préservation de notre Patrimoine National !
Quant à l’utilisation future du château, aucune hypothèse n’est, pour l’instant, exclue par les propriétaires : résidence d’artistes, lieu de manifestations culturelles et de spectacles, chambres d’hôtes, etc. La restauration totale et complète de l’ensemble des bâtiments n’est peut-être pas la première priorité actuelle des projets.
03. La façade Ouest de l’ancien Château
(gravure de 1830).
Le château de la Motte a été construit au XIIIème siècle mais, comme son nom l’indique d’ailleurs assez clairement, il aurait été précédé par une « motte » féodale construite à cet endroit à l’époque du pré-Moyen Âge. En tous cas, en 1247 un véritable château fort appartenait à Hugues de Bauçay et en portait même le nom : « la Motte-Bauçay ». Cette famille, connue dans les environs, était celle des seigneurs de Loudun. À la mort de Marie de Bauçay, le domaine passa alors à la famille de Chaunay, seigneur de Champdeniers (lieu situé dans l’actuel département des Deux-Sèvres). Il en portera ainsi, plus tard (à partir de 1624), officiellement et définitivement le nom : « La Motte-Chandeniers ».
04. L’ancien Château sur le plan cadastral de 1842.
05. Le pavillon d’entrée sur la façade Ouest du château, vers 1905.
Nicolas de Lamoignon, issu de la noblesse de robe, appartient à une célèbre famille de parlementaires. Il obtient en 1700 du Roy Louis XIV l’érection de ses terres de la paroisse des Trois-Moutiers en marquisat. A sa mort, il laisse la Mothe-Chandeniers à son fils Guillaume-Urbain de Lamoignon, comte de Courson. Et à son tour, ce dernier l’attribue le 23 avril 1766 à une de ses trois filles qui a épousé René-Charles de Maupeou, Ministre Garde des Sceaux (1688-1775). Le marquisat est confirmé à la famille de Maupeou par lettres patentes du Roy Louis XV en juillet 1767 et reste dans la famille jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
06. Le côté Ouest (à gauche) et la façade Sud du château vers 1905.
Durant la Révolution Française le château ne semble pas avoir été vendu comme bien national, mais par contre il est pillé, laissé à l’abandon et tombe en ruines. Il est fort heureusement racheté en 1809 par un riche entrepreneur parisien François Hennecart. Ce dernier reconstruit en partie le vieux château mais en conservant les murs sur les fondations anciennes. Il transforme les anciennes douves médiévales en un plan d’eau circulaire alimenté par de larges canaux, trace des allées et dessine un parc. Le cadastre primitif de la commune des Trois-Moutiers, daté de 1842 et reproduit plus haut (Fig. 04), nous conserve un plan de cette propriété. Il est intéressant de comparer la gravure ancienne datant de 1830 et représentant le château de cette époque (Fig. 03) avec la carte postale du château actuel reproduite précédemment (Fig. 05). On s’aperçoit tout d’abord de l’importance des modifications ultérieures, mais aussi du fait que le pavillon d’entrée, d’un style un peu plus classique que le reste, malgré des remaniements, est un vestige des constructions du précédent château.
07. Le côté Sud (à gauche), le donjon et la
façade Est (à droite) vers 1905.
Le château passe ensuite par héritage à sa fille Aimée Alexandrine Hennecart qui avait épousé Jacques Ardouin. Veuve, Alexandrine va charger, vers 1860, un architecte anglais de revoir leur château pour le mettre au goût du jour, c'est-à-dire celui du romantisme, des restaurations de monuments et surtout des pastiches de styles anciens. L’architecte français le plus représentatif de cet état d’esprit est Eugène Viollet-le-Duc, le restaurateur de Notre-Dame de Paris et du château de Pierrefonds.
A la mort d'Alexandrine en 1871, le château passe à son premier fils Jules, puis dès l'année suivante à sa fille Marie Ardouin, qui a épousé en 1857 le baron Edgard Lejeune, écuyer de l'Empereur Napoléon III. Edgard Lejeune (1826-1867) était le fils de Louis-François Lejeune, général, baron d'empire, artiste peintre (1775-1848) et de Louise Clary, la propre nièce de Désirée Clary épouse du Maréchal Bernadotte devenu par la suite roi de Suède.
08. Le côté Est (à gauche), la tour et la façade Nord (à droite) vers 1905.
Les quatre cartes postales anciennes reproduites ci-dessus (Fig. 05, 06, 07 et 08) et classées dans l’ordre nous permettent de faire virtuellement le tour du château et d’en découvrir les quatre façades traitées toutes de façon très différente. Comme son prédécesseur du début du XIXème siècle, le nouvel architecte a établi son œuvre sur les murs et fondations anciennes, mais pouvait-il faire autrement avec la présence de la pièce d’eau circulaire ?
On devine bien dans la construction réalisée quelques aspects du style néo-médiéval anglais, comme par exemple dans le donjon (angle Sud-Est), mais l’architecte s’est très globalement inspiré de la Renaissance Française des Châteaux de la Loire. Certains éléments en sont même très facilement reconnaissables. La triple fenêtre des combles de la façade Est et les tourelles en poivrières de la façade Nord évoquent immédiatement Azay-le-Rideau (Fig. 07). La tour hexagonale à l’angle Est-Nord ressemble à celles du château de Saumur (Fig. 08). La galerie au rez-de-chaussée de la façade Est et l’escalier extérieur dans la cour sont directement inspirés du château de Blois (Fig. 09). Une balustrade sur un palier de cet escalier monumental est décorée d’un monogramme en pierre sculptée portant deux A inversés dont les branches forment des L (symbole des noms des propriétaires « Ardouin et Lejeune ». Ce monogramme se retrouve d’ailleurs sur le manteau de certaines cheminées intérieures (cf. photos reproduites ci-dessous : Fig. 09 et 10). L’architecte ne s’est pas seulement vaguement inspiré du style renaissance, comme la plupart de ses collègues. Il l’a reproduit au plus juste, tout en différenciant les phases successives de son évolution, utilisées sur des ailes différentes de l’édifice. Un peu comme s’il avait voulu laisser penser que le château avait été construit à différentes époques.
09. L’escalier d’honneur dans la cour (vers
1910).
10. Une cheminée dans un des salons (vers 1890).
En revanche, le dimanche 13 mars 1932 vers 20 heures 30, alors qu’il finissait de dîner, le baron Robert Lejeune a été prévenu par son valet de chambre que des flammes apparaissaient à l’angle Est de la toiture. Tirant sans doute leur origine d’un feu de cheminée, les flammes se propageaient extrêmement rapidement à toutes les toitures. C’est en effet, malheureusement, une caractéristique des toitures des châteaux datant du XIXème siècle que de flamber comme des allumettes. Quand les différentes casernes de Sapeurs Pompiers de Loudun, Saumur, Thouars et Angers, assez éloignées, arrivèrent sur les lieux, il était déjà trop tard pour sauver le château. Les dégâts étaient évidemment considérables. La Presse de l’époque parlait du mobilier disparu, des tableaux de valeur, des tapisseries anciennes dans les salons, des livres rares dans la bibliothèque, des collections, etc.
11. Article de Presse de Ouest-Eclair du mardi
15 mars 1932.
Les bâtiments qui n’étaient pas attenants à la demeure se trouvaient ainsi les seuls à avoir échappé à l’incendie, c'est-à-dire la chapelle néo-gothique dans le parc, le pigeonnier et l’ensemble des deux ailes de communs de l’autre côté de la cour.
Juste après l’incendie, le château est d’abord resté sans réparations pendant des années. En 1963, la veuve du baron Lejeune l’a vendu à Jules Cauroy industriel à la retraite, avec 1 200 hectares de forêts et 800 hectares de terres cultivables. Ces dernières étaient alors exploitées par des travailleurs rapatriés d’Algérie. La banque Le Crédit Lyonnais a acheté l’ensemble des bois et les a morcelés pour pouvoir les revendre ensuite. Mais le château proprement dit est resté tristement dans l’état durant cette période.
12. État actuel de l’intérieur
de l’escalier d’honneur.
C’est finalement le dernier propriétaire Claude-Alain Demeyer, qui vient de vendre les bâtiments, très récemment, aux nouveaux internautes copropriétaires. Il nous reste à souhaiter sincèrement que les nouveaux projets de restauration aboutissent et que le château de La Mothe-Chandeniers puisse ainsi connaitre enfin une nouvelle vie, après 85 ans d’abandon.
Chantonnay le 30 décembre 2017.
Depuis l’année dernière, la carte postale ci-dessous, réalisée par le photographe Charles Jouffelot de Chantonnay vers 1908 (Numéro 47) et représentant le moulin de « Moulin-Neuf », nous sert pour illustrer le bandeau de la rubrique « Nouveautés » de ce présent Blog. Elle a été choisie bien sûr pour son aspect esthétique et le fait qu’elle corresponde à un édifice disparu en même temps qu’à un paysage bouleversé....mais pas seulement ! En effet, ce moulin appartenait autrefois à Maximin Auneau grand-père maternel de Jean-Pierre Gerbaud (le mari de Ghislaine Herbreteau-Gerbaud), puis à son oncle Henri Auneau.
« Moulin-Neuf », en arrivant de Chantonnay, vers 1908
Si les moulins à vent ont été souvent remaniés, certains étaient présents sur place depuis les débuts du Moyen-âge. Les moulins à eau, en revanche, ont été construits localement beaucoup plus tard, à partir du XVIIème siècle et au cours du XVIIIème, sans doute parce que les investissements nécessaires étaient beaucoup plus importants. Et le dernier moulin que l’on construisait, s’il se situait sur un lieu non dénommé, recevait logiquement le nom de « Moulin-Neuf ». C’est d’ailleurs une appellation qui n’est ni unique ni même rare. Par exemple, Sainte Cécile, une des communes voisines de Chantonnay, possède elle aussi un « Moulin-Neuf » (situé sur le Petit Lay à proximité de Gravereau).
La plus ancienne représentation cartographique des environs que nous connaissons est la carte de Cassini établie vers 1760. Les moulins à vent y sont représentés par de jolis petits dessins. Les moulins à eau y sont plus discrètement signalés par des ronds étoilés situés dans le cours des rivières. Pour plus de lisibilité, nous les avons renforcés d’un point rond rouge sur l’extrait ci-dessous (avec une flèche rouge pour Moulin-Neuf). Le point rouge a été placé sur la berge du côté de la paroisse dont le moulin relevait. On se rend d’ailleurs immédiatement compte qu’en cette fin du XVIIIème siècle les moulins à eau sont déjà tous construits. Et ils sont nombreux le long des rivières du Grand Lay et du Petit Lay.
Extrait de la carte de Cassini, vers 1760.
Pendant les Guerres de Vendée, les moulins à vent ont été systématiquement détruits par les colonnes infernales parce qu’on les accusait d’être utilisés pour prévenir par signaux les troupes vendéennes. En revanche, les moulins à eau ont assez souvent échappé à la destruction parce qu’ils étaient placés dans des endroits en général très isolés et que tout simplement les soldats bleus ne sont pas passés à cet endroit.
A cette époque, les meuniers les plus célèbres de la contrée appartiennent à la famille Forgerit, propriétaire en particulier des moulins de Gravereau. « Moulin-Neuf » et le moulin voisin de Touchegray (distant d’un kilomètre en aval), eux, relevaient durant cette période de la famille Baraud (qui avait d’ailleurs des liens matrimoniaux avec les Forgerit). Par le mariage de Louise Baraud avec Jean Chevalier, ils sont passés à cette dernière famille qui possédait en outre un des moulins à vent du Fuiteau (distant de deux kilomètres environ). Des héritages et des partages mettront Moulin-Neuf dans les mains de Pierre-François Chevalier jusqu’en 1863 puis de son neveu François (fils de son frère Jean) et enfin du fils de ce dernier Constant Chevalier. Touchegray reviendra pour sa part à Clémentine Chevalier (sœur de François).
Le moulin, le hameau et le pont de Touchegray eux aussi détruits.
Dans son ouvrage « Statistiques ou description générale de la Vendée », en 1844, J.A. Cavoleau indique « Chantonnay : 2662 habitants, 15 moulins ». Il ne les cite pas et ne différencie pas non plus les moulins à eau de ceux à vent. Mais avec la carte de Cassini et les cartes dites d’état major datant de la fin du XIXème siècle, nous pouvons les restituer assez facilement :
Parmi ces 9 moulins à eau, 3 servaient pour faire fonctionner des métiers à tisser : Pont-Charron (une minoterie lui succédera avec sa haute cheminée en briques), Martinet et Le Moulin aux draps (comme son nom l’indique d’ailleurs si bien).
Le moulin et la ferme de Moulin-Neuf en 1906.
Pour cette carte postale, réalisée par Paul Dugleux photographe à La Roche-sur-Yon en 1906, le réalisateur s’est placé sur la route du côté de Touchegray. On peut y voir, de gauche à droite : la maison d’habitation, un hangar, le calvaire au sommet de la colline, la grotte, la route, le moulin et la rivière « Le Grand Lay ». On distingue à peine des lettres écrites naïvement sur la façade de la maison. Elles semblent indiquer que l’on vendait des produits de l’exploitation agricole aux premiers « touristes » venus se promener le dimanche en bordure de rivière. Pour poursuivre l’historique, il nous faut maintenant faire une petite digression.
Par son mariage avec une des deux filles des propriétaires des moulins, Clémentine Chevalier, Barthélémy Auneau est devenu l’exploitant du moulin de Touchegray et il s’est installé à cet endroit. C’est très vraisemblablement lui qui a appris le métier de meunier à son demi-frère, beaucoup plus jeune, Maximin Auneau. En effet, Barthélémy était né le 24 aout 1866, du premier mariage de Jean-Baptiste Auneau avec Jeanne-Adelaïde Pajaud. Veuf, ce dernier s’était ensuite remarié avec sa belle-sœur Eugénie Pajaud le 15 février 1871 et avait eu quatre filles et un fils : Maximin Auneau (né le 18 avril 1881). Les Auneau étaient déjà une famille de meuniers puisque Jean-Baptiste était « farinier » et son père (également baptisé Jean-Baptiste) était décédé au moulin de Pont-Charron le 31 janvier 1855. Le père de ce dernier, Nicolas Aulnaud, était meunier au XVIIIème siècle à Gravereau. Il a ainsi vu la bataille du 19 mars 1793 se dérouler sous ses fenêtres.
Maximin Auneau a alors pu prendre la responsabilité du moulin de Moulin-Neuf et de l’exploitation agricole qui appartenaient tous les deux à la famille Chevalier. Il s'y est installé définitivement après son mariage avec Florestine Mandin le 18 juillet 1906.
Maximin Auneau devant la grange de Moulin Neuf.
Maximin Auneau va poursuivre l’exploitation de la ferme et du moulin pendant toute la première moitié du XXème siècle. Il bénéficie d’ailleurs de l’estime des habitants de la commune de Chantonnay puisqu’il est élu au Conseil Municipal de cette ville en 1929, réélu en 1935 et en 1945. Son fils Henri lui succédera dans cette fonction de 1947 à 1959 et un de ses gendres Marius Reverseau de 1959 à 1977.
Au retour de la première guerre mondiale, il a l’opportunité d’acheter, en compagnie de son épouse Florestine Mandin, l’ensemble du domaine de Moulin-Neuf à Constant Chevalier veuf de Marie Canqueteau le 22 octobre 1919.
Acte d’achat de Moulin Neuf en 1919, page 1.
Cet acte notarié fait la description sommaire du moulin « comprenant deux paires de meules et leurs accessoires » de la maison d’habitation « comprenant un corridor et deux chambres basses » des dépendances « un hangar, cellier remise, grange, toits divers, boulangerie et four » et des terres. Le vendeur a tenu à établir que « il est formellement stipulé et convenu que les acquéreurs ne pourront jamais détruite la grotte, les lacets, l’emplacement du calvaire et la chaire qui existent dans le Grand Coteau. Ils ne seront pas tenus d’entretenir ces biens mais ils sont tenus de les laisser entretenir par qui de droit et ne pourront s’opposer à l’exercice du culte comme par le passé ». Nous apprenons en outre que le prix de vente s’élève à la somme de 16 200 Francs dont 6 200 Francs payés comptant et 10 000 Francs payables dans un délai de un an à partir du décès de Constant Chevalier, « avec intérêts sur le pied de 5 % l’an à partir du 1er novembre prochain jusqu’à parfaite libération ».
Le 5 avril 1947, Barthélémy Auneau, âgé de 81 ans, veuf de Clémentine Chevalier et sans enfant, lègue par un acte notarié à son demi-frère Maximin la propriété du moulin, de la maison d'habitation de la ferme au hameau de Touchegray. Avant cette date, le moulin était exploité par la famille Février. D’ailleurs Henri Auneau, successeur de son père Maximin comme meunier à Moulin-Neuf, épousera une des filles Léa Février.
Photo du mariage de Jean Auneau en 1936.
Cette photo officielle du mariage de Jean Auneau en 1936 a été réalisée par Lucien Amiaud photographe rue de Bordeaux à Chantonnay (actuelle avenue Georges Clemenceau). Ce dernier était le fils du célèbre Lucien Amiaud, le premier vendéen éditeur de cartes postales. La prise de vue a eu lieu dans le parc du château Bruzon en face de son studio. Sur cet extrait de la photo nous avons indiqué les personnes qui nous concernent directement :
Photo aérienne de Moulin neuf en 1949, avant la construction du barrage.
Henri Auneau a pris la succession de son père comme meunier et agriculteur à Moulin-Neuf. Seulement, juste après la fin de la deuxième guerre mondiale, Moulin-Neuf est rapidement menacé. En effet, dès le 29 octobre 1942, le Préfet du Gouvernement de Vichy avait déjà autorisé 31 communes de Vendée à s’associer pour créer un service d’eau potable. Le projet présenté par le Conseil du Syndicat des Communes a été approuvé le 13 mai 1947. Or, il prévoyait la construction d’un barrage au lieu dit l’Angle-Guignard et la création d’une retenue d’eau de 2 000 000 m3 s’étendant sur 6 kilomètres et 55 hectares. Elle devait logiquement noyer Touchegray et Moulin-Neuf.
Les négociations avec les propriétaires concernés se sont passées le mieux du monde. En effet, Henri Rochereau Maire de Chantonnay et Président du Syndicat de la Plaine de Luçon mettait sa fierté dans le fait que toutes les acquisitions avaient été faites à l’amiable sans une seule expropriation. Pour compenser la perte de ce moulin, Henri Auneau s’est fait construire une minoterie rue du Bazar, au village de la Tabarière à Chantonnay.
La photo précédente nous montre une dernière fois Moulin-Neuf avant la destruction du moulin. Certains arbres sont déjà coupés et déposés en tas sur les terrains.
Moulin Neuf juste après la destruction du moulin, 1951.
La photo ci-dessus a été prise à peu près au même endroit que la précédente mais cette fois-ci le moulin, la chaussée et le hangar ont disparu. En revanche la maison d’habitation a déjà subi des transformations pour devenir le très célèbre Café-Hôtel-Restaurant « Le Moulin-Neuf » appartenant à Monsieur et Madame Nex.
La première pierre du barrage a été posée le 2 juillet 1950 par Lionel de Tinguy du Pouët, Secrétaire d’État chargé des Finances et Maire de Saint Michel-Mont-Mercure. Les travaux se sont poursuivis de juillet 1950 à octobre 1951 malgré une crue de la rivière qui a détruit et emporté les batardeaux le 14 novembre 1950. L’inauguration officielle a eu lieu le 21 octobre 1951 sous la présidence de Paul Antier, Ministre de l’Agriculture.
Depuis cette date, les vidanges décennales de la retenue d’eau nous permettent de revoir périodiquement les fondations de Moulin-Neuf ainsi que l’emplacement de la chaussée et le reste des murs du village de Touchegray.
Chantonnay le 2 septembre 2017
Pour parler des clochers, il nous faut tout d’abord distinguer le beffroi, c'est-à-dire la tour, de la flèche, c'est-à-dire la partie supérieure très généralement pointue. Il s’agit de cette dernière partie que nous voulons spécialement évoquer.
De très nombreuses églises, en Vendée, ont perdu leur ancien clocher pour en retrouver un nouveau souvent plus élevé lors des reconstructions, surtout durant la fin du XIXème siècle ou le début du XXème. C’est en particulier le cas, par exemple, de Chavagnes-en-Paillers (en 1853), Saint Fulgent (en 1857), Les Essarts (en 1859), Saint Laurent-sur-Sèvre (en 1892), Chambretaud (en 1899), Sainte Cécile (en 1903), etc… D’autres ont retrouvé un clocher dans un deuxième temps après la reconstruction comme Chantonnay (en 1856 et 1861), Bournezeau (en 1885 et 1894) ou La Châtaigneraie (en 1874 et 1894) etc… Enfin, certaines églises ont été plus ou moins détruites au cours des siècles, en particulier pendant les guerres de religion ou la Révolution Française avec la vente des biens nationaux. C’est le cas en particulier des abbayes de Maillezais ou de la Grainetière.
En réalité, les églises dont nous avons l’intention de parler sont celles qui, depuis le milieu du XIXème siècle ont perdu leur clocher, soit par la faute des différentes intempéries soit par des projets de reconstructions non aboutis complètement. Nous allons être guidés dans cette recherche par des cartes postales anciennes qui sont souvent le seul témoin de ces éléments disparus.
Le clocher de l’Église de Puybelliard
(Chantonnay)
L’Église Saint Pierre et Saint Paul de Puybelliard (actuellement située dans la commune de Chantonnay) a été construite aux XIIème, XIVème et XVème siècles. Elle a été en partie détruite par les huguenots en 1562. Pour la reprise du culte catholique en 1566, on ne fit alors que des travaux assez sommaires. En 1764 on entreprit d’importantes réparations aux charpentes et il est probable qu’à cette date on décida d’ajouter une flèche élevée en ardoises au dessus de la tour du lourd clocher roman.
Nous apprenons ensuite à la lecture du compte-rendu de la visite épiscopale de Monseigneur Colet évêque de Luçon en 1866 que : « le clocher.....de l’église supportait autrefois une flèche trop lourde dont le poids a occasionné des lézardes dans le mur du dit clocher ». C’est donc pour cette raison que la flèche fut abattue et nous pensons qu’elle l’a été vers 1844, au moment où la commune de Puybelliard redevenait une paroisse à part entière. Il ne semble pas qu’il existe aujourd’hui la moindre représentation de cette flèche. Et depuis cette date, le clocher a retrouvé son aspect primitif tel que nous pouvons le voir sur la carte postale ci-dessus.
L’église et le clocher de la
Gaubretière
L’ancienne église Saint Pierre de la Gaubretière (canton de Mortagne-sur-Sèvre) aurait été construite à la fin du XIVème siècle. Cet édifice religieux est surtout célèbre dans la région à cause du siège qu’il subit le 4 février 1794 par les troupes républicaines durant les Guerres de Vendée. A cette date, 40 hommes et 20 femmes de la paroisse se sont retranchés dans le clocher et y ont soutenus un siège de huit heures (ils ont été après cela massacrés près du grand Rey).
Par la suite, on décida de reconstruire l’église et on chargea en 1858 l’architecte Victor Clair d’en dessiner les plans. Les travaux se terminèrent en 1870 mais l’ancien clocher était resté en place. Nous ne savons pas s’il s’agissait du désir de conserver ce souvenir historique ou si c’était seulement par manque d’argent qu’un nouveau clocher n’avait pas été construit?
Malheureusement, quelques années plus tard, le 5 avril 1877 la flèche en ardoises fut presque détruite par l’orage. Curieusement, elle ne fut pas reconstruite mais seulement tronquée dans la partie pointue. Et depuis cette date elle est toujours restée dans le même état. Il est vrai que cette flèche tronquée est un peu le signe caractéristique et l’image célèbre de La Gaubretière.
La carte postale ci-dessus a été produite vers 1920 par l’éditeur Jehly-Poupin de Mortagne-sur-Sèvre (numérotée 667) mais celui-ci a, en réalité, réutilisé une ancienne plaque photographique réalisée par son beau-père Eugène Poupin vers 1905. On ne manquera pas d’y remarquer, au milieu de la place, la célèbre fontaine surmontée d’un calvaire commémoratif des Guerres de Vendée mais aussi à gauche la belle enseigne de l’Hôtel de la Croix Verte tenue par la famille Planchot-Roussay.
Associé à l’ancienne paroisse du Petit Luc, le Grand Luc devint, au début du XIXème siècle, le siège de la nouvelle commune des Lucs-sur-Boulogne (canton du Poiré-sur-Vie). Aussi son église Saint Pierre devint la seule église paroissiale de la commune durant toute la durée de ce siècle. Nous pouvons la revoir sur cette carte postale réalisée par le photographe Paul Dugleux de La Roche-sur-Yon en 1901 (N° 15). Il s’agissait d’un tout petit édifice en accord avec le style local, mais très délabré. En partie détruit par les huguenots en 1564 il avait été ensuite restauré sommairement après les guerres de religion. Sa façade très sobre était ornée d’un simple petit vitrail et d’un portail encadré de quatre contreforts disposés d’une manière dissymétrique. On pouvait y remarquer, à gauche, le petit préau surmontant la pierre du crieur. En revanche, le clocher accolé sur le mur nord de la nef était surmonté d’une très élégante flèche hexagonale à bulbe, construite en bois recouvert d’ardoises et datant du XVIIIème siècle.
La nouvelle église des
Lucs-sur-Boulogne
La nouvelle église des Lucs-sur-Boulogne a été commencée en 1899. Elle est de style romano-byzantin et a été réalisée par l’architecte Liberge. Elle a été installée de l’autre côté de la place actuelle sur un emplacement particulièrement bien en vue puisqu’elle termine ainsi la perspective de la longue route droite venant de Belleville-sur-Vie. Toutefois pour ce faire, il a fallut la construire à l’envers par rapport à la tradition, c'est-à-dire avec le chœur à l’occident et non pas à l’orient. La première campagne de travaux s’est terminée en 1901. A cette date le clocher était encore réduit au beffroi surmonté de quatre petits pinacles et de l’embryon de la flèche. Comme les travaux n’ont pas été repris par la suite, le clocher est resté sans flèche depuis cette date avec seulement une petite toiture conique.
La carte postale ci-dessus, production locale, a été réalisée par C. Grelet vers 1907. Par la suite, le 13 novembre 1910, trois nouvelles cloches ont été installées dans le clocher. Les fameux vitraux des Guerres de Vendée réalisés par le maître verrier Lux Fournier ont été conçus en 1941. A gauche le vitrail du transept sud représente le massacre du 28 février 1794, à droite celui du transept nord évoque le supplice de l’abbé Voyneau. Les onze petits vitraux de la nef, quant à eux, racontent les actions de l’abbé Barbedette en 1793 et 1794.
La démolition du clocher de
l’église des Lucs-sur-Boulogne
Comme on peut le deviner, cette photo a été prise en 1913 lors de la destruction du clocher et de l’église et plus précisément à l’instant exact où la partie supérieure de la flèche, tirée par des câbles, tombe sur le sol. On aperçoit également dans le chœur une large ouverture. En effet, le vitrail primitif avait été fermé par un mur pour permettre l’installation du grand retable du XVIIIème siècle. De ce dernier, il a été conservé le grand tableau qui surmontait le maître autel. C’est une œuvre de l’école française offerte vers 1700 par Madame Jeanne Mercier. Elle représente une vierge à l’enfant offrant un chapelet à Sainte Catherine et Saint Dominique. Les fonds baptismaux (XVIIIème) ont également été réinstallés dans la nouvelle église.
L’ancienne église d’Aizenay La
démolition de l’Église en 1910
La carte postale de droite n’a pas été produite par un éditeur local. Elle est très intéressante car elle a été prise au moment précis où l’extrémité de la flèche, tirée par des cordes est en train de tomber au niveau du sol, comme nous l’avons déjà vu faire précédemment aux Lucs-sur-Boulogne. Cette carte postale nous permet en outre d’apercevoir l’architecture du remplage du grand vitrail du chœur ainsi que le monumental retable baroque installé par devant. Après l’ouverture de la nouvelle église au culte le 27 décembre 1905, il était prévu de détruire l’ancien édifice. Cette entreprise de démolition commença au début de l’année 1910. On espérait encore à ce moment là pouvoir conserver le clocher pendant quelques temps. Malheureusement au cours de la déconstruction de l’église il montra des signes de faiblesse. Et de ce fait, il fut démoli à son tour au cours de l’été 1910. On fut donc obligé d’abriter les cloches récupérées, en attendant la construction d’un nouveau clocher, sous un hangar provisoire.
La nouvelle église d’Aizenay
Pour sa nouvelle église la paroisse s’était adressée à l’architecte Alcide Boutaud qui avait déjà construit en Vendée l’actuelle église Notre-Dame de La Roche-sur-Yon en 1898, primitivement chapelle du couvent des pères de Chavagnes. Le devis de l’église, établi en 1901, prévoyait une dépense de 201 000 Francs. Les travaux débutèrent effectivement au début de l’année 1903.
La première pierre symbolique fut posée et bénie le 19 mars 1903.Ils s’achevèrent pour la bénédiction le 27 décembre 1905 donnée par S. E. Monseigneur Clovis Catteau évêque de Luçon. Toutefois pour des raisons financières certaines constructions avaient été différées comme le clocher et les absidioles. L’église était déjà très originale avec son absence de transepts et surtout son chœur en forme de rotonde surmontée d’un lanternon. A l’intérieur les colonnes surmontées de quatre petits piliers étaient une caractéristique du style personnel de l’architecte.
La première guerre mondiale fit attendre la reprise des travaux. Et c’est finalement en 1922 qu’un nouvel architecte Liberge édifia les absidioles autour du chœur et le clocher en 1926. La flèche d’une hauteur totale de 65 mètres qui avait été prévue ne fut jamais édifiée. On se contenta d’une tour beffroi de 45 mètres de hauteur avec un toit peu élevé. La carte postale ci-dessus a d’ailleurs été prise juste après ces travaux. Ainsi l'église d’Aizenay, qui possédait au XIXème siècle une élégante flèche, l’a perdue.
Ce beau dessin, qui a presque valeur de photo, est en tous cas le seul à nous restituer l’aspect de l’ancienne église de Saint Etienne-du-Bois dans le canton de Palluau. Contrairement aux deux précédentes, elle ne nous apparaît pas en mauvais état et présente des éléments intéressants, en particulier son clocher à bulbe datant du XVIIIème siècle. Sa destruction est regrettable et d’ailleurs l’abbé Paul Boutin avait eu beaucoup de mal à convaincre ses paroissiens de la nécessité de remplacer leur église par un nouvel édifice très coûteux.
La nouvelle église de St
Etienne-du-Bois
Les travaux de construction de cette nouvelle église, commencés le 19 février 1900 ont été arrêtés en 1904. L’architecte Mathurin Fraboulet n’a rien conservé de l’ancienne église, même pas le beau clocher, alors qu’il a dû laisser la construction inachevée pour cause de problèmes financiers. Et là aussi la flèche du clocher manque et s’arrête curieusement. On peut penser que l’architecte aurait sans doute construit un étage supplémentaire au beffroi surmonté d’un dôme ovoïde polygonal comme à Chambretaud ou Saint Laurent-sur-Sèvre. On retrouve en effet, ici, de nombreuses autres caractéristiques de son style personnel : la juxtaposition du style gothique et des formes romanes, ou bien les voussures du portail montant au dessus le vitrail central pour former une sorte de porche. Il a tout de même conservé la crypte romane en construisant le nouvel édifice par dessus.
La carte postale de gauche, dont on ne connaît pas le photographe, a été éditée par Greliet Tabacs vraisemblablement vers 1905. Elle représente l’ancienne église Saint Denis de Thorigny dans le canton de La Roche-sur-Yon sud. A cette date le cimetière s’étendait encore sur le côté de l’église. L’essentiel de l’église aurait été construit au XIVème siècle, saccagé et incendié pendant les guerres de religion. La nef a bien perdu sa voûte à cette occasion et deux pignons de hauteur inégale en rappellent le souvenir. Le clocher massif a été ajouté au XVIème siècle le long de la façade sud de la nef, pendant les restaurations. En 1845 on avait couronné cette tour par une flèche hexagonale légèrement vrillée, en bois recouvert d’ardoises. Or, le 20 décembre 1911, sous l’effet d’un violent vent d’orage cette flèche s’abattit brutalement. Elle a ensuite été simplement remplacée par un toit à quatre pentes en tuiles caché par la balustrade ouvragée.
La carte postale de droite nous montre l’église Saint André de St André d’Ornay, située depuis 1964 dans la commune fusionnée de La Roche-sur-Yon. Le conseil de fabrique de cette paroisse avait fait tout d’abord construire une église en 1854 par l’architecte Bassereau. Chargé d’agrandir cet édifice en 1895, son célèbre collègue yonnais Joseph Libaudière y ajouta des transepts et un chœur. Ces derniers sont d’une hauteur sans rapport avec le reste de l’église. On peut en déduire qu’il pensait refaire l’ensemble de l’église ultérieurement, mais cela n’a pas été le cas. Finalement, il n’a pas touché au clocher avec sa toute petite flèche entourée de quatre curieux pinacles. Victimes eux aussi des intempéries, ils ont été remplacés par une simple toiture en tuiles à quatre pentes toute aussi élégante.
La carte postale de gauche représente l’ancienne église de Saint Christophe-du-Ligneron (canton de Palluau) qui avait été reconstruite sous le règne de roi Louis-Philippe Ier, de 1838 à 1846 par l’architecte diocésain Jean Firmin Leveque, grâce aux aides financières de Madame de Mauclerc. Un porche rond encadré de quatre pilastres ioniques, un deuxième niveau, comprenant aussi des pilastres et une large sculpture, étaient surmontés d’un grand fronton triangulaire. La façade se terminait par une tour surmontée d'une flèche à huit pentes en bois et ardoises, s’élargissant à la base pour former un carré. La tour était éclairée de trois baies avec abats-sons sur chaque face, celle du centre étant la plus haute. Cette disposition très caractéristique de l’architecture de l’époque, l’est aussi du style personnel de cet architecte. On le retrouve plus ou moins dans toutes ses églises comme à Saint Vincent-Sterlanges (1845) et à l’identique à Pissotte (1836) et à Sainte-Hermine (1847). Cette carte postale est en fait un retirage du cliché d’origine photographié par Vincent Le Bihan des Sables d’Olonne vers 1908. Il a été ainsi refait peu après la catastrophe en 1913 (Vincent Le Bihan mobilisé en 1914 est mort pour la France en 1915, à l’âge de 29 ans).
La carte postale de droite a été prise précisément au lendemain du 16 janvier 1913, jour qui a vu la destruction de l’église par la foudre. On peut mesurer sur cette photo et une autre de la même série, l’ampleur des dégâts. Le clocher est en mauvais état mais la nef et les bas côtés sont totalement dévastés, les toitures arrachées, les voûtes écroulées. L’église semble déjà difficilement réparable, on optera pour une reconstruction radicale. Ces deux cartes postales sont signées : « Amiaud phot.-éditeur, La Roche-sur-Yon, Les Sables d’Olonne ». Or à cette date il y a trois photographes dans la famille : Émile le père photographe rue Lafayette à La Roche-sur-Yon, Lucien le fils ainé (le plus célèbre) éditeur installé aux Sables d’Olonne à partir de 1903 et René le dernier fils, qui en 1913 travaille encore avec son père à la Roche et va tenir la succursale des Sables, avant de s’installer à son compte comme son frère. C’est donc lui l’auteur de ces deux cartes postales et nous n'en connaissons peu d'autres réalisées par lui.
La carte postale de gauche représente la nouvelle église de Saint Christophe-du-Ligneron. La reconstruction de l’église envisagée dès 1913 dut attendre la fin de la guerre de 1914-1918 pour se concrétiser. Pendant toute la durée de la première guerre mondiale et même après, les paroissiens durent se contenter d’un lieu de culte provisoire installé dans une grange. Les travaux ne reprirent qu’en 1923 pour ne se terminer qu’en 1934. L’architecte luçonnais Léon Ballereau fils avait été choisi pour en dresser les plans. Et elle fut ainsi la dernière église de style néo-gothique en Vendée. Ballereau n’a pas construit de flèche mais seulement une tour crénelée en guise de clocher. En revanche il a réinstallé sur la façade la grande sculpture représentant l’adoration de l’hostie par les anges qui figurait déjà sur l’ancienne église.
La carte postale de droite nous montre l’église de Sainte Gemme-la-Plaine dans le canton de Luçon. L’église de cette paroisse avait été construite aux XIVème et XVIIème siècles. En 1899 l’architecte luçonnais Léon Ballereau fils (le même que ci-dessus) avait été chargé des réparations et aménagements de cette église. Il avait alors restauré la tour du clocher et ajouté au dessus cette flèche à étages construite en bois recouvert d’ardoises qui n’était pas sans intérêt. Malheureusement elle s’est écroulée en même temps que la balustrade lors d’une violente tempête en 1931. Pour la remplacer, on a simplement ajouté un étage au clocher et on l’a recouvert d’un petit toit.
L’église de Château-d’Olonne L’église
après la tempête de 1943
La carte postale de gauche représente l’église Saint Hilaire de la paroisse du Château-d’Olonne (canton des Sables d’Olonne) et a été réalisée par Lucien Amiaud photographe aux Sables d’Olonne. Elle porte le numéro 2128 et est donc datée de 1906. L’église primitive du Château-d’Olonne avait été reconstruite de 1787 à 1788 et sa nef est d’ailleurs un rare exemple de l’architecture religieuse du XVIIIème siècle en Vendée. A cette date, le chœur et le vieux clocher roman avaient été conservés. Toutefois en 1901 une nouvelle campagne de travaux dirigée par l’architecte luçonnais Léon Ballereau fils avait entrainé la construction de deux transepts, un chœur et un clocher néogothique assez discordants avec le reste de la construction. La flèche du clocher, particulièrement ajourée et élevée à 50 mètres de hauteur, était très intéressante. Sur ce cliché, la nef ancienne plus basse n’est pas visible.
La photo de droite a été prise en 1943 juste après la chute de la flèche sur le chœur de l’église. En effet, cette dernière avait été ébranlée et sans doute endommagée par un bombardement qu’avait subi la commune en 1942. L’année suivante le 12 janvier 1943 elle fut totalement abattue par une violente tempête. Après la seconde guerre mondiale, les voûtes percées du chœur ont été restaurées, par contre la flèche n’a pas été remontée. La tour du beffroi est recouverte d’une petite toiture en ardoises à quatre pentes.
La carte postale de gauche a été éditée par G. Fillodeau photographe à La Roche-sur-Yon, qui a réalisé quelques cartes de cette ville et des communes circonvoisines. Elle représente l’église Saint Pierre dans la commune des Clouzeaux vers 1908. Cette petite église a connu de nombreux avatars au cours de son histoire. Construite au XIIème siècle, incendiée pendant les guerres de religion, elle a été réparée plusieurs fois au cours du XIXème siècle en 1819 et en 1858. La façade actuelle date de cette deuxième campagne de travaux. Le 19 mars 1861, un ouragan enleva la flèche du clocher (en bois recouvert d’ardoises). Toutefois celle-ci fut reconstruite à l’identique en 1905 (à cette date on réparait les clochers !). Hélas, le 7 janvier 1948 une des lucarnes en pierre de la flèche se détacha et s’abattit sur le chœur de l’église. Par mesure de sécurité, le clocher fut alors démonté. Les cloches (1878) ont alors été abritées sous un auvent provisoire en attendant la construction d’un nouveau clocher. Soixante huit ans plus tard, elles attendent toujours !
La carte postale de droite est un document précieux parce qu’elle a été réalisée par le célèbre photographe et artiste Jules Robuchon en réutilisant un ancien cliché datant de 1890 environ. Elle représente l’église Saint Sauveur de l’île d’Yeu au XIXème siècle. Cet édifice religieux a été construit aux XIème et XIIème siècles. Une première flèche effilée avait été remplacée en 1774 par celle-ci, constituée d’une charpente octogonale recouverte d’ardoises et surmontée d’un lanternon servant de vigie et d’amer pour la navigation. Elle a été abattue par la foudre le 2 novembre 1953 et on a préféré ne mettre à sa place qu’une toiture basse en tuiles comme ce devait être le cas à l’origine. On peut tout de même regretter cette intéressante flèche dans le paysage ilien.
La carte postale de gauche nous présente l’église Notre-Dame de Sainte Hermine. Celle-ci, comme l’ancienne de St Christophe-du-Ligneron que nous avons vu plus haut, a été construite par l’architecte Leveque durant la première moitié du XIXème siècle (1847). On y retrouve les mêmes caractéristiques : le fronton, les pilastres, les formes sévères, les vitraux semi-circulaires de la nef, le beffroi aux trois baies inégales et la flèche octogonale recouverte d’ardoises. Malheureusement cette flèche, visible sur la carte postale ci-dessus, a été abattue par la tempête du 13 février 1972. Depuis cette date, elle a été remplacée par une toiture-chapeau en tuiles et ici c’est bien dommage. En effet cette église, comme quelques rares exemples dans le département, était parfaitement caractéristique du style classique en honneur avant le déferlement du néogothique au milieu du XIXème siècle. Maintenant elle a perdu une grande partie de son cachet.
La carte postale de droite nous montre le clocher de la modeste église Saint Jean-Baptiste de Bessay, dans le canton de Mareuil-sur-Lay. Celle-ci a été construite par l’architecte luçonnais Léon Ballereau fils en 1894 et son clocher a été terminé seulement en 1915. La flèche a été emportée par la même tempête qui avait abattu celle de Sainte Hermine, le 13 février 1972. La flèche qui s’était écroulée sur la nef n’a été remplacée que par une petite toiture en tuiles. Mais les malheurs du clocher ne s’arrêtent pas là. Il a fallu le restaurer de nouveau en 1992 car il a été victime d’un incendie consécutif à l’orage.
Cette belle carte postale éditée par Raymond Bergevin père photographe à La Rochelle représente, vers 1905, une sortie de messe sur la place de Vix, ou plutôt de vêpres car la population est presque exclusivement féminine. Elle nous permet surtout de revoir l’église Notre-Dame de Vix (canton de Maillezais), aujourd’hui détruite. Du bâtiment primitif, il ne nous reste aujourd’hui que le chevet roman datant du XIIème siècle. La nef avait été reconstruite (très simplement et à l’économie) en 1830 et on y avait ajouté un clocher assez élevé, pourvu d’une flèche en ardoises. En 1869, durant l’ère néogothique, une reconstruction totale de l’édifice avait été envisagée mais n’avait pas abouti pour des raisons financières. Seulement, lors de la même fameuse tempête du 13 février 1972, elle a été considérablement fragilisée et a du être fermée. Le choix a été fait de la détruire (à l’exception du chœur) et d’en construire une nouvelle en 1974. Cette dernière est dite de style finlandais, c’est dire qu’elle n’a rien de commun avec l’architecture régionale. C’est un simple bâtiment moderne qui ressemble à une salle polyvalente communale. Le clocher n’est qu’une haute potence extérieure en béton où sont accrochées les trois cloches (deux, de 1897 et de 1930, ont été récupérées dans l’ancien édifice). L’église de Vix a donc, elle aussi, perdu sa flèche et même son clocher.
Chantonnay le 29 novembre 2016
Il y a ainsi dans notre paysage quotidien des édifices dont la vue nous est familière. De ce fait, nous avons souvent tendance à croire qu’ils ont toujours été là, (tout au moins depuis fort longtemps) et que leur construction a relevé d’une particulière évidence.
Or, parfois il n’en est absolument rien et le récit de leur installation peut être un véritable roman par lui-même. On peut considérer que la statue du cardinal de Richelieu, érigée près de la cathédrale à Luçon en Vendée, compte parmi celles-ci et nous allons vous en conter les péripéties.
Le récit débute à Paris juste avant la Révolution. Le 11 août 1788 on a posé officiellement la première pierre d’un pont que l’architecte Jean-Rodolphe Perronet était en train de construire sur la Seine entre la place Louis XV (actuelle place de la Concorde) sur la rive droite, le palais Bourbon et l’hôtel de Lassay (actuelle Chambre des Députés) sur la rive gauche. Ce pont de 153 mètres de longueur et 35 de largeur, comptait 5 arches. Il a été achevé en 1791 en utilisant des pierres provenant de la démolition de la Bastille et baptisé à cette date « pont Louis XVI ». A l’image de cette période de particulière instabilité, il sera ensuite dénommé successivement « de la Révolution » puis « de la Concorde », de nouveau « Louis XVI » puis enfin définitivement « de la Concorde ».
« Le Pont de la Concorde à Paris »
En 1810, l’Empereur Napoléon Ier décida d’installer sur des socles, au niveau du parapet du pont, 8 énormes statues représentant les généraux de son armée « morts au champ d’honneur ». Ce qui tendait à donner à l’ouvrage un air de ressemblance avec le célèbre Pont Charles à Prague.
Le Roy Louis XVIII les fit enlever en 1816 pour les remplacer par 12 nouvelles effigies représentant cette fois-ci des personnages importants de notre Histoire : 4 ministres (Colbert, RICHELIEU, Suger et Sully) ; 4 militaires (Bayard, Du Guesclin, Le grand Condé et Turenne) ; 4 marins (Duguay-Trouin, Duquesne, Suffren et Tourville).
La statue de Richelieu
Seulement, on constata assez rapidement que la surcharge ainsi occasionnée mettait en péril, à terme, la survie du pont. Les statues furent donc tout simplement retirées, laissant les socles vides. On aperçoit d’ailleurs ces derniers au premier plan de la première carte postale, datant du tout début du XXème siècle.
La cour dite des Ministres au château de Versailles.
Les statues dans la cour de Versailles.
Après la première guerre mondiale, la conservation du château devint de plus en plus soucieuse de rendre progressivement au château son aspect ancien. En un mot de privilégier l’architecture et la décoration des XVII et XVIIIème siècles au détriment du musée du XIXème. En toute logique elle envisagea donc de débarrasser la cour d’honneur de ses grandes statues qui la défiguraient depuis un siècle. Elle décida alors de les proposer aux villes directement concernées par les personnages célèbres statufiés. Ces dernières auraient seulement à leur charge financière le déménagement et « l’emballage ».
La ville de Luçon en Vendée, siège d’un palais épiscopal dont Richelieu avait été l’évêque de 1606 à 1623, posa tout naturellement sa candidature. Malheureusement elle était en compétition avec la ville de Richelieu dans le département d’Indre-et-Loire. C’est cette dernière qui fut choisie parce que la cité avait été crée par le cardinal, celui-ci portait le même nom et son château s’y trouvait autrefois. Le transfert des statues de Versailles se réalisa à partir de l’année 1931.
La statue sur son socle à Richelieu.
La statue installée sur une place à Richelieu.
A Luçon, la municipalité et une partie des habitants, qui avaient déjà envisagé son implantation, étaient très déçus. Le Préfet de la Vendée avait sans doute fait remonter cette déception jusqu’au Gouvernement car ce dernier décida de leur attribuer une compensation.
En effet, après la première guerre mondiale, la figure emblématique de Richelieu, à la fois premier ministre et prélat, se prêtait parfaitement à un geste dans le cadre d’une politique « d’union sacrée ». N’oublions pas que juste avant le début du conflit certains à Paris avaient craint qu’à la suite des lois considérées comme anticatholiques du début du XXème siècle (expulsion des congrégations, fermetures des écoles privées, séparation de l’Église et de l’État, affaire des Inventaires) les Vendéens réagissent face à la mobilisation générale prochaine, comme leurs ancêtres de 1793 devant la levée en masse. Le déroulement de la guerre avait calmé leurs inquiétudes et les Vendéens avaient été particulièrement héroïques. Les soldats qui s’étaient fait tuer sans quitter leur poste dans la tranchée dite des baïonnettes n’étaient ils pas des Vendéens du 137ème régiment d’Infanterie cantonné à Fontenay-le-Comte ! On se souvient que la tranchée était ainsi appelée car les baïonnettes des fusils restaient dressées vers le ciel après le comblement de la tranchée par les bombardements et la mort des soldats ensevelis.
En tous cas, le gouvernement prit la décision d’attribuer à Luçon une copie de la fameuse statue de Richelieu. Jusqu'à présent la ville ne détenait qu’une seule représentation de son ancien évêque, le grand portrait en pied de Richelieu, copie datant du XIXème siècle du célèbre tableau de Philippe de Champaigne. Celui-ci lui avait été attribué par l’État en 1877. Il orne toujours le grand salon du palais épiscopal au milieu des portraits des anciens évêques du diocèse vendéen. On l’aperçoit à droite sur la carte postale ci-dessous éditée par Victor Gouraud de Luçon vers 1910.
Le grand Salon du palais épiscopal de Luçon.
Le 31 juillet 1931 le Préfet de la Vendée annonça au Maire que l’État avait passé une commande d’une statue de Richelieu au sculpteur Pierre Lenoir. Il ne s’agissait pas d’une copie servile de celle de Ramey. La statue n’avait pas 4 m 50 de haut mais seulement 2 m 50. Elle n’était pas en marbre blanc mais en pierre blanche. Le prélat n’était pas représenté exactement dans la même position.
Le délai de réalisation de la commande laissait du temps aux édiles luçonnais pour faire leurs préparatifs de leur côté. Il fallait tout d’abord choisir un lieu d’implantation. Pour cela ils avaient envisagé quatre possibilités : - la petite place de la bascule, rue des Sables, - la place des Acacias, - le carrefour Beaussire - et la place du marché le long de la Cathédrale. C’est ce dernier lieu qui fut retenu et c’était incontestablement celui qui s’imposait naturellement. La carte postale ci-dessous nous le montre tel qu’il était avant l’installation du monument. Il s’agit d’un cliché réalisé par le photographe fontenaisien Armand Robin, dont le timbre postal nous empêche de pourvoir lire le numéro et donc de le dater avec précision.
La place du marché à Luçon avant la pose de la statue.
Par délibération du 18 mai 1933, le conseil municipal accepta le devis de l’architecte Emile Bordelais pour la construction du piédestal et de son entourage en grilles. Il confia en outre la réalisation à l’entreprise de maçonnerie luçonnaise Pierre Coudert et au serrurier Maurice Vivier.
La statue fut livrée par le sculpteur à Luçon le 2 août 1933. La carte postale ci-dessous nous montre la statue installée sur son beau piédestal. Nous sommes désormais dans la période dite de l’entre-deux guerres et les cartes postales n’ont plus malheureusement la même qualité que celles du début du XXème siècle.
La statue de Richelieu à Luçon.
Bien entendu l’installation de cette statue fit l’objet d’une grandiose inauguration le 28 mars 1935. Elle fut présidée par Édouard Herriot, ancien Président du Conseil, à ce moment là ministre d’État . Ce dernier avait d’ailleurs fait une partie de ses études en Vendée au Lycée d’État place Napoléon (plus tard il portera le nom du ministre). La cérémonie fut tout à la fois patriotique, politique, religieuse et populaire. Après le dépôt de gerbes au monument aux morts de la guerre de 1914-18, une grandiose messe solennelle dans la cathédrale en présence d’un cardinal et de plusieurs évêques, le président Édouard Herriot prononça un grand discours avant de dévoiler la statue.
Les discours pendant la cérémonie.
Ce cliché a été pris précisément pendant le discours que le président Édouard Herriot prononce, monté sur un podium installé en face de la statue de Richelieu et à côté du tivoli surmontant la tribune officielle. A priori, le président est d’ailleurs en train de lire, complètement à côté du micro ! Dans la foule au premier plan on n’aperçoit pratiquement que des képis de gendarmes. Il est vraiment dommage qu’à cette date les cartes postales ne soient plus de bonne qualité. Celles-ci ont fait l’objet d’une série éditée par la maison Nozais à Nantes.
Le passage du cortège.
Les cérémonies devaient se terminer par un défilé populaire dans les rues de Luçon, qui tenait aussi bien de la reconstitution historique que de la fête des fleurs. Sur le cliché ci-dessus le défilé arrive par la place des Acacias et longe le côté nord de la cathédrale en passant devant la nouvelle statue. On y devine à peine des personnages à cheval, en costume approximativement du XVIIème siècle.
Un char du défilé.
La fête avait en principe pour thème un défilé de personnages en costumes et véhicules d’époque évoquant : « Richelieu arrivant dans sa ville de Luçon ». Mais le cortège était aussi agrémenté de quelques chars décoratifs comme dans une fête des fleurs.
On distingue sur ce dernier cliché un véhicule automobile recouvert de fleurs, pour lui donner l’aspect d’une gondole vénitienne. On comprend d’ailleurs assez mal le rapport avec Richelieu.
En tous cas, quelques années plus tard, pendant la seconde guerre mondiale, la ville de Luçon put conserver sa statue de Richelieu. Comme elle était en pierre et non en bronze, elle n’attira pas la convoitise de l’occupant nazi et échappa à la fonte en 1942.
Chantonnay le 23 septembre 2016