UN SCHISME A CHANTONNAY ?
Après les sanglantes persécutions antireligieuses de la Révolution Française, le concordat de 1801, à l’époque du Consulat de Napoléon Bonaparte, ramena la paix dans les campagnes. Mais, la renaissance religieuse dans le pays ne se fit pas toujours sans soubresauts. Certains curés jureurs étaient parfois restés en place dans les paroisses ; les prêtres réfractaires (ceux qui avaient survécu) rentraient d’un exil d’une dizaine d’années ; de nouveaux desservants s’avéraient nécessaires. De plus, en 1830, après la chute de la monarchie restaurée en la personne du roy Charles X puis l’avènement de Louis-Philippe, le personnel politique au pouvoir était souvent hostile aux membres du clergé qu’il accusait d’être restés royalistes légitimistes.
Dans un tel contexte les évêques avaient fort à faire pour réinstaller un fonctionnement harmonieux. C’est durant cette période qu’éclatèrent localement certaines affaires qui ont tendance à nous faire sourire aujourd’hui et évoquent irrésistiblement « Clochemerle ».
L’église et le presbytère de Pouillé.
La plus importante et la seule restée célèbre est celle qui est survenue dans la commune de Pouillé dans le canton de l’Hermenault. Elle a même fait l’objet d’un petit livre intitulé : « Précis historique de la prétendue Église Française dans les communes de Pouillé et de Petosse (Vendée) », écrit par Louis-Pierre Charon (paysan vendéen) et édité en 1843 à Paris.
Ce petit ouvrage raconte l’histoire de la paroisse de Pouillé à qui l’évêché de Luçon n’avait pas encore nommé de desservant. Les habitants décidèrent d’« élire » pour cette fonction un charlatan nommé Guicheteau qui se disait « prêtre français ». Ce qui entraina par la suite une situation très embarrassante et des péripéties incroyables pendant une dizaine d’années.
Le petit livre sur Pouillé.
« En voyant la prospérité toujours croissante des écoles libres, la fureur des bourgeois sectaires ne connut plus de bornes ; ils persécutèrent tellement le bon M. Esnard qu’il fut obligé de donner sa démission. » (Henri ESNARD curé de Chantonnay de 1834 à 1842)
« M. de Liniers, curé de Bazoges, lui succéda vers 1843 et ne resta qu’un an » (François de LINIERS curé de Chantonnay de 1842 à 1843).
Vue de Chantonnay vers 1840.
« C’est M. Hamel, curé de Thiré, qui le remplaça » (Édouard HAMEL curé de Chantonnay de 1843 à 1848). « Grâce à beaucoup de qualités extérieures, il fut très bien reçu tout d’abord, mais hélas ! Faut-il le dire ? Il fut un curé néfaste pour Chantonnay. Il laissa complètement de côté les écoles libres des Frères et même des Sœurs et fit bientôt sa compagnie habituelle des bourgeois voltairiens. Il se laissa surtout conduire par M. Imbert boulanger, qui lui fit faire bien des sottises. Il est vrai qu’ils se fâchèrent plus tard, et que M. Imbert fut un des plus persécutés par les amis du curé (M. IMBERT conseiller municipal de 1843 à 1852).
Les pauvres Frères, se voyant complètement délaissés du curé, quittèrent un jour Chantonnay sans rien dire, et retournèrent à St Laurent (sur-Sèvre). Leurs supérieurs après les avoir blâmés les firent retourner, et quelques jours après, M. l’abbé Soyer, vicaire général, vint à Chantonnay faire des reproches à M. Hamel.
La leçon ne dura pas longtemps, et ce pauvre M. Hamel, qui manquait de plus en plus de jugement, continua par sa manière d’agir, à mécontenter tout le parti religieux de Chantonnay. C’est à cette époque, en 1846 et 1847, qu’eurent lieu les fameuses histoires de « la Vache à Colas ». La bande de la vache à Colas était formée par tous ceux qui étaient contre le curé. Il y eut un grand nombre de chansons impies et même obscènes, composées par les bourgeois irréligieux et même par M. de St Mars (Calixte Lebœuf de Saint Mars, habitant le logis de l’Ernière, conseiller municipal de 1833 à 1846) et tournant en ridicule tout ce qu’il y avait de bien, toutes les personnes respectables (sous des noms d’emprunt), même l’Évêque. Ce fut alors à Chantonnay un vrai schisme.
Enfin M. Hamel fut interdit le 8 décembre 1847. C’est M. de Liniers, missionnaire de St Laurent, qui fut chargé par Monseigneur de notifier cette interdiction en chaire. Il avait l’ordre de rester à Chantonnay pour administrer la paroisse, avec M. l’abbé Audin comme vicaire, et d’habiter chez M. Trottin près de l’église.
Intérieur de l’église de Chantonnay vers 1905 (la chaire était déjà présente en 1847).
Quand M. de Liniers voulut lire en chaire la lettre de Monseigneur, ce fut un tapage infernal provoqué par la bande des bourgeois sectaires qui s’étaient donné rendez vous à l’église pour la circonstance. On dit même qu’un groupe de « charmantes jeunes filles », tenant leurs deux sabots dans leurs mains, les frappaient l’un contre l’autre pour empêcher M. de Liniers de se faire entendre. A partir de ce jour, M. Hamel assista à la première messe au fond de l’église avec les fidèles.
La révolution de 1848 enhardit les révoltés de Chantonnay. Le père de Liniers fut obligé de retourner à St Laurent et le pauvre vicaire de demander l’hospitalité au curé de Saint Mars des Prés. Donc plus de messes à Chantonnay et M. Hamel va à la messe à St Mars. Que le carême de 1848 fut triste. Quelques personnes cependant se réunissaient le soir à l’église pour dire le chapelet. Les commerçants trouvant que cette situation ne favorisait pas beaucoup leurs affaires commençaient à réclamer.
A la fin de mai 1848, M. l’abbé du Tressay, curé de l’Ile d’Elle, est nommé Curé Doyen de Chantonnay. M. Hamel occupant toujours le presbytère sous la protection des autorités, M. du Tressay fut obligé d’habiter au bas de la rue du Commerce. Sa vieille mère, qu’il avait avec lui, ne pouvait se faire à ce modeste logement ; mais lui, qui ne voyait que le bien, attachait peu d’importance à ce détail. (Georges du Tressay, curé doyen de Chantonnay de1849 à 1862).
L’ancien presbytère de
Chantonnay avant 1876.
Ce n’est qu’au bout d’un an que M. Hamel reçut de la Préfecture l’ordre de se retirer du presbytère. Il eut encore le courage de rester pendant quelques temps à Chantonnay, dans un appartement situé place de la Mairie. Mais M. du Tressay gagnant de plus en plus l’estime de la population, le pauvre dévoyé vit peu à peu ses partisans l’abandonner. Il fit enfin sa soumission à Monseigneur, et après avoir passé un mois chez les Trappistes, il se retira aux Sables. Peu de temps après, la pacification religieuse se fit complète.
La façade de la nouvelle
église.
C’est vers 1856 ou 1857 (c’est en fait au début de 1856) que M. du Tressay entreprit la reconstruction de l’église …/...Le conseil municipal fit tout d’abord une opposition, très violente à ce projet de reconstruction ; mais le préfet, qu’on était allé trouver, ayant dit de passer outre, les autorités y mirent ensuite toute la bonne volonté possible, et cédèrent même la petite place du nord pour faire une troisième nef (la nef du Sacré-Cœur) ».
Par délibération en date du 25 octobre 1856, le conseil municipal et son Maire Benjamin Liébert acceptèrent même de détruire la prison et la maison de Justice situées à cet emplacement (il est vrai en ruines et inutilisés depuis 10 ans !). L’ordre et la sérénité régnait de nouveau dans la paroisse de Chantonnay.