PAUL DUGLEUX, PHOTOGRAPHE
Paul Samuel DUGLEUX est né 31 mars 1871 à La Roche-sur-Yon. Il est le fils de Pierre Dugleux cordonnier (dans le quartier des Halles) et de Marie Marché. Nous ne savons pas dans quel établissement scolaire public il a fait ses études mais il a poursuivi jusqu’au brevet.
L’acte de naissance de Paul Dugleux (archives départementales).
A l’âge de 20 ans, il songe tout d’abord à faire une carrière militaire et il se porte comme engagé volontaire pour une durée de 3 ans à partir du 12 mars 1891. Incorporé le jour même au 93ème régiment d’infanterie de La Roche-sur-Yon, il sert peu après en qualité de musicien. Il est libéré le 12 mars 1894 et recevra plus tard le grade de caporal, mais sa carrière militaire n’ira en fait pas au-delà. En effet les commissions spéciales des 21 septembre 1900 et 27 octobre 1901 le réforment pour « infirmités contractées en dehors du service militaire : bronchite tuberculeuse ».
Le banquet du 14 juillet 1907 à la caserne de Mirville (N°666).
Malgré cette déception, il restera toujours très attaché au 93ème régiment d’infanterie de La Roche-sur-Yon, à l’armée en général et aux questions militaires qui seront toujours très présentes dans son œuvre photographique : vie à la caserne (N°371, 420, 666), exercices (N°119, 667, 668, 669, 708), cérémonies (N°581), départ en manœuvres (N°111, 254), retour de marche (N°540, 599, 600), défilés (N°704, 705, 706, 708, 763) etc….
Remise du drapeau devant la maison du colonel (N°581), (actuelle rue du général Gallieni).
Entre temps il s’est marié avec Marie-Jeanne Bordeau, originaire de La Rochelle, fille d’Alexandre Bordeau et d’Eugénie Clair. Ensemble, ils auront deux enfants : Paul-Alphonse né le 20 février 1895 et Marguerite née le 11 novembre 1898. Malheureusement son épouse décède dès le 30 octobre 1902 et il se retrouve seul avec deux enfants âgés de 4 et 7 ans. Aussi, sans attendre les deux ans de veuvage considérés comme convenables à l’époque, il se remarie dès le 23 juin 1903 avec Marie Delphine Arrivé. Elle est fille d’Adolphe Arrivé et de Honorée Pluchon, exerce la profession de sage-femme et est son aînée de 2 ans (née à Beaurepaire en Vendée).
Acte de Mariage (Archives Départementales).
Sur le plan professionnel, Paul Dugleux a d’abord été employé, puis il se qualifie lui-même de négociant sur les papiers officiels et tient un magasin au N°1 de la rue de la Poissonnerie dans cette même ville de La Roche-sur-Yon. Il a pour ami proche Eugène Bertrand, photographe 9 rue Littré (près de la Gare), que l’on retrouve comme témoin lors des actes d’état civil familiaux. Il est vraisemblable que c’est ce dernier qui l’a initié à la photographie à la fin du XIXème siècle. En tous cas, en 1899, Paul Dugleux est déjà photographe au N°1 rue de la poissonnerie et commence à avoir les personnalités départementales comme clients.
La publicité au verso d’une photo faite par Dugleux.
Après son remariage en 1903, il change l’adresse de son magasin et s’installe plus près du centre ville et de la place Napoléon, au numéro 14 de la rue Paul Baudry. Une adresse beaucoup plus stratégique pour ses commerces de photographie et de bureau de tabacs, puisqu’il est tout près de la clientèle des soldats de la caserne du château (actuelle cité Travot) Jusqu’à présent il n’avait fait que de la photographie en studio, l’année suivante, en 1904, il s’associe au photographe Gustave Moreau pour produire des cartes postales. Ce dernier avait auparavant été associé à Lucien Amiaud (GMLA) ; avec Dugleux l’inscription devient (GMD) puis bientôt ils créent la collection « La Vendée Pittoresque ».
Le magasin Dugleux visible sur cette carte.
Paul Dugleux restera toujours et avant tout un photographe de studio, contrairement à beaucoup de ses collègues de cette époque dans le département. Il est visiblement d’une nature plus timide et se déplace beaucoup moins, peut être pour des raisons de santé ? En outre, il privilégie presque toujours les cantons autour de La Roche : Chantonnay, Les Essarts, Mareuil, La Mothe-Achard, le Poiré-sur-Vie etc…avec une exception : le canton de Chaillé-les-Marais.
Une photo de Paul Dugleux et le temple protestant à La Roche-sur-Yon.
Ses propres photos sont techniquement d’une grande qualité et il semble préférer les scènes de rues prises d’une façon naturelle, plutôt que de rameuter tout le voisinage pour venir poser (comme le fait en particulier son collègue Eugène Poupin de Mortagne-sur-Sèvre).
Il ne semble pas avoir eu de véritable affinité avec la religion catholique et les œuvres paroissiales. On lui connaît seulement deux photos prises à l’intérieur d’une église (Luçon N°160, Sainte- Hermine N°341) et une seule représentant une cérémonie religieuse à Luçon (N°96), qui n’ont vraisemblablement pas été faites par lui. Il n’est pas allé dans les communes sièges des maisons mères des grandes congrégations : Saint Laurent-sur-Sèvre, Chavagnes-en-Paillers, ou Mormaison. Il est en outre le seul à avoir photographié le temple protestant de La Roche-sur-Yon (N°214). D’ailleurs au XVIIIème siècle, les familles Dugleux connues ont toutes été mariées au désert par un pasteur.
En revanche, il s’intéresse beaucoup au commerce local avec de nombreuses scènes urbaines, des vues de foires (N°95, 99, 416, 417, 418, 419, 483, 495, 659, 660) ou de marchés (N°16, 193, 248, 251, 304, 556), ou des ventes spécialisées (N°87) ou des images de publicité de commerces en particulier (N°235, 243, 251).
Publicité au magasin Bonvalet à La Roche (sans N°).
On retrouve également de nombreux clichés consacrés aux manifestations à caractère sportif, principalement, mais pas uniquement, à La Roche-sur-Yon : équipes sportives (sans N°), haras (N°409), courses aux ânes (N°131), courses cyclistes (N°281), courses hippiques (N°127, 278, 279, 285, 286), stand de tir (N°236). Toutefois, il s’attarde d’avantage à photographier le public présent lors de ces spectacles que les exploits des sportifs eux-mêmes.
On ne lui connaît pas véritablement de reportages sur les grands évènements locaux ou les différents faits divers, si ce n’est les inondations de la rivière l’Yon à La Roche-sur-Yon en février 1906 (N°421, 422, 424, 425).
Les tribunes lors des courses à Luçon (N°285).
Contrairement aux autres éditeurs de l’époque, il a été très peu passionné par les Guerres de Vendée en 1793 et il n’apparaît pas solidaire avec les combattants Vendéens. Il a consacré à ce sujet : la statue du général républicain Travot (N°60) place du marché à La Roche-sur-Yon et surtout le champ des Clouzeaux où est mort le général républicain Haxo (et il est le seul à voir pris ce cliché, N°53). De plus il vient aux Lucs-sur-Boulogne et sur le site du martyre du Petit-Luc, mais il y édite une carte intitulée « La chapelle », qui ne représente en réalité que la ferme voisine ! (N°24)
Le pré des Clouzeaux (N°53).
Jusqu’au N°19 il commence par classer ses clichés en plusieurs séries différentes : les alentours de Bournezeau - Chantonnay, les environs de Champagné-les-marais et La Roche-sur-Yon. C’est cette dernière catégorie qu’il poursuivra finalement, en y incluant désormais tout le département. Cette numérotation unique ne dépasse pas, à notre connaissance, le numéro 718 (avec une exception au N° 763, peut être une erreur de chiffre), qui est atteint vers l’année 1908. Ce qui fait que son œuvre en matière de cartes postales se concentre en réalité sur seulement cinq années. Dans ce domaine, cela constitue une carrière assez courte, en tous cas moins longue que celles de ses collègues du département. Il se contentera ensuite, jusqu’à la première guerre mondiale de 1914, de commercialiser les clichés précédemment réalisés.
La carte N° 1 : le château du Thiboeuf.
En plus des clichés photographiques faits par ses soins, il commercialise aussi dans sa collection « La Vendée pittoresque » des photos (celles de qualité) qu’il rachète souvent à ses collègues résidant sur place. Lucien Amiaud des Sables d’Olonne, Eugène Poupin de Mortagne-sur-Sèvre, Armand Robin de Fontenay-le-Comte, Victor Gouraud de Luçon, Robin (Papineau) de Chantonnay, Jules Denis de Clisson etc….
Une rue de Chantonnay, cliché Robin (N°353)
Au moment de la première guerre mondiale, en raison de son âge et de sa réforme, il n’est pas appelé aux combats mais il est tout de même incorporé à l’arrière le 21 mai 1915 et employé à des tâches à caractère commercial ou industriel, entre des périodes de sursis d’appel. Il s’installe alors à Paris 33 rue des Bois (19ème arrondissement) le 11 mai 1915. Il quitte ainsi définitivement La Vendée et ne reviendra pas s’y réinstaller. Il n’éditera plus de cartes postales. La suite de sa vie ne nous est pas connue. Il est mort à Mantes-la-jolie le 12 mars 1956.
Le Régiment devant son magasin à la veille de la guerre (N°704).
La collection « Le Vendée Pittoresque » va lui survivre quelques années. Plusieurs photographes vont continuer à l’alimenter en poursuivant la même liste des numéros, mais avec des caractères d’imprimerie différents. Puis Eugène Poupin la prend en charge jusqu’à sa propre mort en 1917 et la lègue à son gendre Victor Jehly (Jehly-Poupin), qui s’en sert pour faire beaucoup de retirages successifs au-delà de la première guerre mondiale.
Chantonnay le 23 mars 2021