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L’ACCIDENT DE CHEMIN DE FER DE CHANTONNAY (16 Novembre 1957)

21 mai 2018 à 18:39

Un autorail comme celui de Chantonnay.

   Le samedi 16 novembre 1957, vers 12 heures 40, comme tous les jours, le train SNCF arrive en gare de Chantonnay (Vendée). C’est un jour d’automne, le ciel est gris mais il ne pleut pas. Il s’agit d’un autorail de couleur rouge et beige, le N° 812 (modèle X 3803) très communément appelé « la micheline ». Ce jour là il comporte deux voitures : un premier véhicule avec le poste de pilotage en arrière et un wagon supplémentaire accroché derrière, la remorque. Il arrive des Sables d’Olonne et La Roche-sur-Yon pour se diriger ensuite vers Pouzauges, Bressuire, Saumur et Chartres. Ce samedi, il transporte en particulier dans la première voiture des élèves internes de l’école d’agriculture Notre-Dame-de-la-Forêt à La Mothe-Achard qui rentrent chez eux dans le haut bocage leur établissement ayant fermé à cause de la grippe ; deux soldats qui s’en vont en permission, mais aussi le révérend père Lambinet des Rédemptoristes des Sables d’Olonne qui part prêcher une mission à Chanteloup. Dans la deuxième voiture a pris place, parmi d’autres, un couple de fiancés Jean Bourdet et Jocelyne Fuseau, âgés respectivement de 22 et 21 ans qui partent à Brin-sur-Allonnes en Maine-et-Loire pour annoncer leur prochain mariage à la marraine de la future mariée. Ils profitent en effet d’une permission de Jean Bourdet, soldat mobilisé en Algérie depuis deux ans et demi, pour préparer leur mariage prévu en 1958.

La Gare de Chantonnay vers 1957.

   Le train entre donc en gare de Chantonnay et se présente normalement sur le quai n°1 le plus proche de la gare. Quelques passagers montent à Chantonnay en particulier un voyageur de commerce de Thouars hébergé à l’hôtel du Mouton qui a préféré prendre le train de peur des accidents de la route. Le train stationne habituellement une dizaine de minutes à Chantonnay car la ligne de chemin de fer étant à voie unique cette station est le point de rencontre obligé avec les trains venant en sens inverse (grâce aux lignes de bretelles en gare). Et ce jour là, comme d’habitude on attend un train de marchandises tiré par une locomotive à vapeur et venant de Chavagnes-les-Redoux, le N° 30.817 (modèle 230 G 825), mais il a déjà 18 minutes de retard. Il sera aiguillé automatiquement vers la quai n°2. Le chef de gare titulaire est absent, il est donc logiquement remplacé par son adjoint le facteur chef de gare Paul Brunet.

   Ce dernier, occupé à l’enregistrement de bagages, envoie à 12 h 48 le télégramme réglementaire à la gare suivante : « Chantonnay à Chavagnes, bien qu’attendant le train 30817, j’annonce le train 812 ». A 12 h 55 le chauffeur de l’autorail fait vrombir le moteur. Le chef de gare adjoint, oubliant un instant, de manière incompréhensible, que le train de marchandises n’est pas encore arrivé, donne le signal du départ avec son drapeau rouge. Le chef de train Paul Godet ainsi autorisé, actionne le timbre qui prévient le conducteur et celui-ci démarre. L’autorail est en train de partir quand Paul Brunet l’annonce à un de ses collègues, le brigadier Maillet ; celui-ci lui répond, tout étonné: « Et son train ?». Il se rend alors immédiatement compte de son erreur grave. Il se précipite dans la salle de commandes à proximité pour actionner le signal carré rouge et blanc (n°4) interdisant toute circulation ferroviaire. Celui-ci est situé au dessus des voies à la sortie de la gare (on l'aperçoit sur la photo ci-dessous). Ni l’enquête officielle ni la reconstitution ne parviendront à établir de façon indiscutable et définitive s’il était fermé ou ouvert lors du passage effectif de l’autorail, le chef de gare adjoint prétendant qu’il avait eu le temps de le fermer et le conducteur de l’autorail Daniel Lenain affirmant qu’il était encore ouvert. Une différence très importante puisqu’elle modifiait les responsabilités respectives de chacun (toutefois en condamnant aussi le conducteur, la justice a fait part de sa conviction qu'il devait être fermé). A la SNCF, habituellement le franchissement de signaux fermés provoque une explosion de pétards prévus à cet effet. Malheureusement à Chantonnay on les avait retirés car leurs explosions injustifiées et intempestives avaient incommodé les voisins. Un accident a toujours une cause principale et est facilité par une succession de petits faits. Ce jour là, à Chantonnay, cela se confirme une fois encore.

Les voies SNCF à la sortie de la gare de Chantonnay en direction de Bressuire.

   En tous cas, l’autorail poursuit sa route. Le chef de gare adjoint saisit alors sa bicyclette et entreprend de le rattraper. Il fait des grands gestes pour prévenir du danger et convaincre les voyageurs de tirer le signal d’alarme. Les passagers du second wagon voient cette agitation dans la gare mais hélas ils ne comprennent pas. Certaines personnes pensent qu’il aurait voulu monter à bord. De toute façon, l’autorail prenant de la vitesse le distance très rapidement. Après la gare, la ligne est droite sur près d’un kilomètre en traversant l’agglomération de Chantonnay, il franchit ainsi normalement le pont de la rue de La Roche, le passage à niveau de la rue des Croisettes et le pont dit de Treize mètres. Il arrive alors à une vaste courbe, destinée à le faire tourner à 90° en direction de Pouzauges et perd ainsi toute visibilité dans le lointain. Il signale, selon la tradition, son arrivée par un coup de klaxon.

Le plan des lieux à Chantonnay.

   Au passage à niveau suivant « La Mine » (N° 68) à 400 mètres environ, sur la Route Nationale 137, Madame Jarny la garde-barrière entend ce klaxon qui la remplit d’effroi. Elle a, en effet, déjà reçu préalablement l’appel de la sonnette qui lui ordonnait d’actionner le mécanisme fermant les barrières et constaté que le voyant côté pair (venant de Bressuire) s’allumait ; jusque là tout était normal. Puis elle a vu, juste après avec perplexité, le voyant du côté impair s’allumer à son tour (venant de la gare) ; ce qui est tout à fait impensable dans le cas d’une voix unique. Maintenant elle entend le klaxon de l’autorail et reconnaît en même temps le bruit caractéristique de la locomotive à vapeur arrivant en sens inverse.

   Habituellement les passages à niveau SNCF disposent de fusées éclairantes destinées à prévenir les trains d’un danger sur la voie. Mais, à « la Mine », compte tenu de la proximité de la gare, cette précaution avait été jugée inefficace. Elle ne dispose que d’une torche lumineuse. N’oublions pas, en outre, qu’à cette époque il n’y avait pas de téléphone portable. En tous cas Madame Jarny va être le premier témoin de l’accident qui va se dérouler sous ses yeux. Elle ne va pas être la seule, Yolande Auneau qui tous les jours en sortant de l’école rentre chez elle à la Tabarière en vélo, attend derrière les barrières du passage à niveau fermé. Surprise, elle voit l’autorail, qui habituellement prend de la vitesse à cet endroit là, freiner à mort aujourd’hui.

L'endroit où le conducteur de l’autorail a vu arriver le train.

   En effet, le conducteur de l’autorail, installé dans sa tourelle surélevée au dessus des wagons, a fini par apercevoir la locomotive à vapeur arriver en face de lui à 200 mètres environ. Il roule alors à 100 kilomètres à l’heure et se jette de toutes ses forces sur le frein, mais il sait qu’il lui faut au moins 300 mètres pour s’arrêter. Et de fait il roule encore à 60 km/h au dernier moment et le train en face à 40 km/h. Un choc est donc absolument inévitable. A l’intérieur des wagons personne ne s’est encore aperçu de rien semble-t-il, il n’y a donc pas de panique. Le révérend père Lambinet lit son bréviaire, un jeune regarde sa collection de timbres, un autre apprend une leçon sur son cahier, les soldats plaisantent et les fiancés dans le 2ème wagon discutent en regardant une revue ferroviaire. Le choc est inattendu, particulièrement violent et vraiment effroyable. Il est 12 heures 58. Le bruit est entendu partout dans le bourg de Chantonnay. Personnellement, alors âgé de 11 ans et habitant à 500 mètres, je me souviens parfaitement avoir entendu ce bruit énorme qui ne ressemblait à aucun autre. Le chef de gare adjoint qui suivait toujours le train avec son vélo arrive à ce moment sur les lieux et perd connaissance en voyant la scène.

    La sirène retentit à Chantonnay presque en même temps que l’accident car la gare avait déjà demandé les secours avant même le choc. Cette sirène, moyen moderne pour appeler les pompiers, était en fait héritée de la tradition du tocsin des cloches des églises qui appelaient la population au secours. Et en 1957 cet élan de solidarité ancestral était encore très fort dans l’inconscient collectif des gens. Aussi, en entendant la sirène, ils se précipitent au local des pompiers situé place Carnot (on ne dit pas encore le Centre de Secours) pour comprendre de quoi il s’agit et savoir en quoi ils peuvent aider. Mon père, qui habite une maison voisine, part en suivant le véhicule des Sapeurs-Pompiers. Ceux-ci n’ont d’ailleurs qu’un un fourgon mixte autopompe Laffly et pas encore d’ambulance. Ils partent aussitôt, bien que trois pompiers seulement soient arrivés : le lieutenant Pierre Froger (chef de corps), accompagné de Gaston Bachelier (qui habite la conciergerie du centre) et Yvon Kérésit. Ils seront rejoints sur place par une douzaine d’autres collègues.

L’Autorail accidenté de côté, au sud (journal de l'époque).

   Cinq cents mètres plus loin, le spectacle qui s’offre à leurs yeux est abominable, presque insoutenable. Juste après le passage à niveau, le train, un mastodonte de 100 tonnes environ, a totalement éventré l’autorail, écartant les deux parois latérales, grimpant sur les boggies et a pénétré au centre jusqu’au niveau des machines en écrasant tout sur son passage. Tout l’intérieur, toiture, tôles d’aluminium, châssis, sièges, bagages, passagers a été compressé en une sorte d’accordéon infernal. Des morceaux de corps agonisants pendent de ce qui fut les fenêtres du wagon. Le chauffeur de l’autorail Daniel Lenain a vu avec effroi le train arriver jusqu’à lui, mais il a été sauvé par la présence de la machinerie à cet endroit qui a servi de butoir. Le chef de train Marcel Godet n’est que blessé. Le mécanicien du train de marchandises Robert Billy, avec l’aide de son chauffeur M. Dugas, a arrêté la machine en renversant la vapeur. Le gasoil du réservoir de l’autorail s’écoule sur le ballast. Gaston Bachelier arrête immédiatement un début d’incendie dans l’autorail à l’aide de l’extincteur du wagon demeuré intact malgré l’accident.

Intervention à l’intérieur de l’autorail (journal de l'époque).

   En attendant les pompiers de La Roche-sur-Yon et La Chaize-le-Vicomte, les médecins de Chantonnay ont été appelés sur place : les docteurs Auguste et Louis-Francis Auvinet, Paul Jouhier et Henri Rouillon. Le docteur Michon de la Roche-sur-Yon qui passait par hasard en voiture vient se joindre à eux. Le docteur Auguste Auvinet crie aux bénévoles, venus pour secourir, de laisser les morts et de s’occuper prioritairement des blessés. Les prêtres de la paroisse sont également sur place. Dans le premier wagon il n’y a que deux rescapés : un élève (Jean-Luc Lefort) qui a été balancé en l’air par le choc et un soldat assis le long de la vitre qui au contraire a été éjecté sur la voie. En revanche, dans le deuxième wagon, les passagers, jetés à terre par le choc, ne sont heureusement que blessés, plus ou moins grièvement. On trouve parmi eux notre couple de fiancés Jean et Jocelyne qui pourront témoigner par la suite. Jean Bourdet a été projeté sur le plancher du wagon. Il a le crâne scalpé, le nez cassé, une blessure à la jambe, mais il est vivant.

L’accident vu par la vitre brisée du 2° wagon, que l’on est en train de retirer (journal de l'époque).

Une autre vue du 1er wagon de l’autorail accidenté (journal de l'époque).

Photo d’hélicoptère montant le site : la maisonnette, le passage à niveau, la RN 137, l’autorail accidenté et le train (journal de l'époque).

   Beaucoup de gens sont venus participer au secours dans la mesure de leurs possibilités. Sur les photos on voit d’ailleurs les voisins essayer d’accéder au wagon avec leurs échelles personnelles en bois et soulever les tôles avec des barres à mine. La présence de la route à proximité immédiate facilite heureusement les secours ainsi que la largeur de l’emprise des voies. Il y a en effet à cet endroit une autre voie désaffecté depuis 1953, celle de l’ancienne ligne de chemin de fer Cholet-Chantonnay-Fontenay. Et un peu plus loin les voies auraient été juchées au sommet d’un remblai de trois mètres de hauteur au moins. En l’espace d’une demi-heure environ, tous les blessés sont évacués vers les hôpitaux de La Roche-sur-Yon et Fontenay-le-Comte par des ambulances et surtout des véhicules privés. Mon père, lui, est occupé à découper les tôles du wagon avec un chalumeau. Lors du passage à la maison, pour rechercher des outils supplémentaires, il informe que les morts sont transportés à la mairie et que les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul y ont besoin d’aide. Ma mère s’y rend donc aussitôt et elle y retrouve d’autres voisines, en particulier Madame Irène Devaux (épouse du secrétaire de mairie) et Madame Perrault.

La chapelle ardente au 1er étage de la Mairie (journal de l'époque).

   Le bilan humain s’alourdit d’heure en heure mais ne sera connu exactement qu’en fin de journée : 29 morts et 22 blessés. Les cadavres ne vont cesser d’arriver à la mairie jusque vers 17 heures 30, plus ou moins en morceaux. Au rez-de-chaussée, à droite, dans la salle de la justice de paix, les religieuses et quelques bénévoles essayent de reconstituer et de présenter le plus honorablement possible les corps. Ceux-ci sont alors mis dans des cercueils et emmenés au 1er étage dans la grande salle. Des draps ont été réquisitionnés dans cet objectif. La ville de Chantonnay manquant de cercueils, ceux-ci arrivent de partout aux alentours. Une chapelle ardente a été installée dans cette salle des mariages où veillent en permanence les Sœurs de la Sagesse. C’est ici que sont déjà accueillies depuis 16 heures les familles, qui arrivent pour reconnaître leurs proches. Ce qui donnera lieu à des scènes totalement déchirantes, on l’imagine assez facilement. Les photos de presse de l’époque nous montrent cette image particulièrement émouvante de l’empilement des chaussures des malheureuses victimes sur les banquettes de bois du hall d’entrée de la mairie.

Les chaussures des victimes dans le hall (journal de l'époque).

   Personnellement, je n’ai guère de souvenirs précis de ce triste événement. Au moment de partir à la mairie, ma mère avait veillé à consigner à la maison ma grand-mère et moi-même, car « ce genre de spectacle n’est pas fait pour les enfants ou les personnes âgées qui ont une maladie de cœur ; en outre, ils ne pourraient qu’encombrer ». Je n’y suis allé que le lendemain après-midi dimanche, comme une grande partie de la population. Il ne restait alors qu’un grand morceau de ferraille, un des côtés du wagon, posé sur le terreplein de la voie. Une grue de la SNCF était arrivé de Thouars par les rails ainsi que du matériel de traction de Nantes et avaient permis de dégager la voie au début de la nuit. Les pompiers étaient restés jusqu’à trois heures du matin pour finir de tout dégager. Ce même jour de dimanche 17 novembre 1957, Edouard Bonnefous ministre des travaux publics et des transports, accompagné de M. Armand président du conseil d’administration de la SNCF et des dirigeants parisiens, se déplacera à Chantonnay pour se recueillir sur les lieux du sinistre à 9 h 40, rendre hommage aux victimes et rencontrer les élus de la ville. Le Maire de Chantonnay Michel Crucis tiendra à accorder ses félicitations à ses concitoyens pour l’élan de solidarité dont ils ont fait preuve dans cette douloureuse circonstance.

    En 2017 Monsieur Jean-Pierre PERRAULT, ancien pompier habitant rue Paul Baudry à Chantonnay, a réalisé un DVD intitulé « Catastrophe ferroviaire de Chantonnay, 1957 ». On peut se le procurer (prix 10€) en appelant le n° 02 52 94 37 05.

 Chantonnay le 09 mai 2018

Maurice BEDON


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